Un Islandais de 48 ans vient de subir une greffe des deux bras. Une intervention de quinze heures réalisée par plusieurs équipes chirurgicales de la Métropole de Lyon. Le patient se porte bien…
Dans quelques années, Felix Gretarsson pourra peut-être lever les bras bien haut et faire la “ola” dans les stades. En espérant que l’épidémie de Covid-19 le permette… Cet Islandais de 48 ans vient en effet de subir une greffe des deux bras. Une opération rare consécutive à un accident d’électrocution survenu en 2008 sur une ligne à haute tension. A l’époque, la décharge de 11 000 volts brûle les mains du jeune électricien de 26 ans, endommageant aussi de nombreux organes.
Depuis, le “viking”, comme l’ont surnommé les chirurgiens lyonnais, attendait désespérément de quitter son costume “d’homme tronc”. Après 54 opérations et 23 ans d’attente, le miracle s’est produit le 13 janvier à l’hôpital Edouard-Herriot, à Lyon. “C’est une aventure humaine extraordinaire et le dénouement d’une histoire qui s’est inscrite dans le temps“, explique Raymond Le Moign, le directeur général des Hospices Civils de Lyon.
Double greffe et reconstruction d’une épaule
Plus de vingt ans après la première double greffe de mains réalisée par le professeur Jean-Michel Dubernard, une autre prouesse chirurgicale a donc été réalisée derrière les murs du vieux centre hospitalier lyonnais. Avec une opération de ce type, “on ne sauve pas des vies mais des gens en situation de mort sociale”, souligne le professeur Lionel Badet, chef de service urologie et chirurgie de la transplantation aux HCL.
Selon lui, la double transplantation réalisée à Lyon est exceptionnelle en raison de la hauteur de la transplantation sur les membres supérieurs. En particulier, il a fallu entièrement reconstruire le côté gauche du patient, dont l’épaule entière. “Cela signifie qu’il a fallu réimplanter les os, mais aussi les vaisseaux, les nerfs, les muscles, les tendons et la couverture cutanée“, souligne le docteur Aram Gazarian, chef de service chirurgie orthopédique et des membres supérieurs.
Près de quinze heures au bloc opératoire
Cette complexité de l’opération explique la durée de l’intervention: près de quinze heures ! “L’une des difficultés était de maintenir le patient en anesthésie générale durant un aussi long laps de temps“, note le professeur Thomas Rimmele, chef de service anesthésie-réanimation.
Pour réaliser cette première greffe bilatérale de bras, une équipe pluridisciplinaire regroupant des chirurgiens et des soignants de plusieurs établissements publics et privés de la Métropole de Lyon ont été mobilisés (voir plus bas). “C’était déjà une prouesse chirurgicale et organisationnelle de pouvoir mobiliser aussi rapidement 50 personnes durant 24 heures en période de pandémie“, insiste le professeur Emmanuel Morelon, chef de service transplantation, néphrologie et immunologie clinique.
Entre le prélèvement et la double transplantation, une course contre la montre
Concrètement, deux équipes de trois chirurgiens ont travaillé simultanément dans deux blocs opératoires distincts. Deux équipes étaient en charge du prélèvement des bras chez le donneur. Les deux autres s’activaient pour préparer puis effectuer la transplantation. Priorité: réduire au maximum le délai entre le prélèvement et la double transplantation pour limiter le temps d’ischémie (Ndlr: situation de privatisation de vascularisation). “Le pronostic de survie et de qualité fonctionnelle des tissus transplantés dépend de cette durée, en particulier pour les muscles qui supporte mal une durée d’ischémie supérieure à 6 heures“, explique le professeur Gazarian.
Engagés dans cette course contre la montre, les chirurgiens ont réussi à synchroniser le double prélèvement en moins de cinq heures avant d’œuvrer à la reconstruction de l’ensemble des deux bras. D’abord, la reconstruction osseuse, puis la revascularisation des membres avec la connexion des artères et des veines. L’intervention s’est achevée par le raccordement des muscles, des nerfs, et enfin de la couverture cutanée.
Le début d’une longue rééducation
Depuis, Felix Gretarsson est sorti de son état léthargique pour adresser – avec le sourire – ses compliments aux équipes chirurgicales. Même s’il n’a pas pu leur serrer les mains en signe de reconnaissance. “Outre les risques de rejet, il reste des incertitudes sur le résultat fonctionnel, admet le professeur Lionel Badet. Pour une opération d’une telle complexité, il faut raisonner en nombre d’années car la rééducation sera très longue“.
Le “viking” pourra-t-il un jour reprendre le volant ou simplement déplacer un meuble ? Les chirurgiens des HCL préfèrent ne pas trop s’avancer. “Felix n’est pas sûr de retrouver l’usage de ses mains et même une sensibilité. Dans un premier temps, on espère qu’il pourra fléchir de manière active le coude gauche. Pour lui, un peu… c’est déjà beaucoup. Avec cette double transplantation, on n’a pas sauvé une vie, mais on a redonné la vie“, conclut le professeur Morelon.
A SAVOIR
Cette double greffe des bras a été réalisée à Lyon avec le concours de chirurgiens des Hospices Civils de Lyon. Des praticiens de plusieurs établissements hospitaliers de la Métropole de Lyon ont aussi été impliqués dans cette prouesse chirurgicale: Clinique du Parc, Jean Mermoz, Médipôle, Clinique Saint-Charles, Sauvegarde et Infirmerie Protestante.