Les enfants d'aujourd'hui sont de plus en plus nombreux à souffrir d'addiction aux écrans.
Omniprésents dans notre quotidien, les écrans sont devenues une source de dangers pour nos enfants. ©Depositphotos

La prolifération des écrans dans le quotidien des enfants a contribué, du fait de l’absence fréquente de barrières parentales, à l’émergence d’addictions aux ravages physiques et psychologiques potentiellement terribles. Face au fléau, l’idée n’est pas d’interdire un support désormais universel, mais d’en maîtriser l’usage à travers l’adoption de règles simples destinées à limiter cette hyperconnexion dès le plus jeune âge. Le point avec le Pr Pierre Fourneret, pédopsychiatre au CHU de Lyon.

Troubles du sommeil, difficultés scolaires, isolement, cyberharcèlement… Les affres d’une hyperconnexion aux écrans sont multiples et touchent les enfants de plus en plus tôt. Nombreux sont ceux qui, face à la prolifération des appareils, ont développé une véritable addiction, aux lourdes conséquences pour leur santé et leur parcours scolaire.

Quelques règles simples permettent pourtant de poser les bases d’une prévention précoce à cette addiction. Tout l’enjeu, en revanche, est de savoir les mettre en pratique avant qu’il ne soit trop tard. Les explications du Pr Pierre Fourneret, pédopsychiatre et chef de service adjoint en psychopathologie du développement de l’adolescent et de l’enfant à l’HFME de Lyon.

La moyenne nationale pour un adolescent est de quatre heures d’expositions à un écran par jour

L’addiction aux écrans gagne-t-elle du terrain ?

Deux facteurs étayent en effet cette progression. L’âge de l’exposition aux écrans, tout d’abord, s’abaisse. Il se situe aujourd’hui à 3 ans, voire deux ans et demi, ce qui n’était pas le cas il y a 5 à 6 ans. Le temps de consommation, ensuite, continue d’augmenter. La moyenne nationale pour un adolescent est de quatre heures d’expositions à un écran par jour.

Quelles sont les conséquences de cette exposition ?

Au-delà des répercussions sur le sommeil ou encore l’apprentissage, la plus inquiétante concerne la contagion émotionnelle de nos ados, connectés ‘’H24’’. Cette contagion émotionnelle voit les préoccupations des uns contaminer les autres. Avec à la clé de profondes répercussions. Les problèmes de harcèlement représentent aujourd’hui 50% des motifs de consultation chez les 13-14 ans dans nos services. Très nuancés dans la vie réelle, les jeunes ont beaucoup moins de filtres dans leur vie virtuelle et se dévoilent paradoxalement sans retenue sur les réseaux sociaux. Cela crée de profonds dégâts.

L’addiction démarre dès le plus jeune âge

Quelles sont les autres répercussions ?

Chez les préados, on relève une forte intolérance à la frustration. Ultra connectés à leurs écrans, ils perdent la maîtrise du temps et ne parviennent plus à s’arrêter pour aller faire leurs devoirs ou se coucher. Cette addiction aux écrans est également source de conflits avec les parents. Elle occasionne de la fatigue et nuit à leur sommeil, ce qui retentit inévitablement sur le plan scolaire. Certains jeunes, en effet, n’hésitent pas à se relever la nuit pour se connecter à des jeux en ligne, et ce à l’insu de leurs parents.

L’addiction prend-elle naissance dès le plus jeune âge ?

Oui. Nombre de tout-petits prennent leur petit-déjeuner devant la télévision ou s’endorment en regardant une comptine sur un écran. L’écran, sous couvert d’un côté ludique, voire pédagogique, va jusqu’à remplacer le doudou. Cela crée une problématique d’attachement émotionnel à l’égard des écrans dont il sera très difficile de se dégager.

Avec à la clé des conséquences dès la petite enfance ?

Cette addiction précoce pèse sur le développement du langage de l’enfant et sur sa communication. Elle nuit à son attention : le cerveau ne peut pas, en effet, être bombardé de sollicitations. Il se met en mode multitâche, face à un zapping permanent qui est générateur de troubles de l’attention et de la concentration. L’exposition à des images non maitrisées et potentiellement violents peut entraîner des cauchemars, des troubles du sommeil, des troubles du comportement… La créativité aussi est impactée, lorsque l’écran se substitue aux legos ou aux kaplas. Quand un enfant s’ennuie, il active son imaginaire et manipule des objets. Lorsque l’écran devient le seul exutoire, le cerveau, qui a un naturel paresseux, est beaucoup moins sollicité.

“Mieux vaut anticiper en fixant des règles tôt”

Quels conseils donneriez-vous aux parents débordés par le phénomène ?

Déjà de mesurer leur propre pratique, car beaucoup d’enfants agissent par mimétisme. Ensuite, très concrètement, de bien vérifier la qualité des images auxquelles leurs enfants sont confrontés et de mesurer le temps passé devant l’écran. L’idée n’est pas d’interdire, mais de poser des limites. Il y a aujourd’hui des tablettes et des smartphones dans tous les foyers. Il faut dès lors établir des règles d’utilisation claires et strictes.

Vous préconisez donc de s’adapter aux écrans, pas de les interdire ?

Ce serait impossible de nos jours ! Il faut faire avec, car c’est aussi un outil dont on ne pourrait plus se passer. Autant l’encadrer et pousser l’enfant à réfléchir à l’usage qu’il en a. Et ce dès le plus jeune âge. Mieux vaut anticiper en fixant des règles tôt, car ce sera bien plus difficile à l’adolescence, une période où l’autorégulation est très compliquée.

La démarche parentale doit donc d’abord relever du bon sens ?

L’expérience montre que les trucs et astuces, cela ne marche généralement pas. C’est à chacun de réfléchir à la place qu’il souhaite accorder aux écrans et comment l’encadrer. En recourant effectivement au bon sens, mais qui doit être éclairé.

À SAVOIR

L’addiction aux écrans était au cœur d’une conférence animée par le Pr Pierre Fourneret, le jeudi 12 mai à 18h45. L’événement, coorganisé par le Crédit Mutuel et la MTRL, avec le partenariat du groupe Ma Santé, a lieu à l’Hôtel Mariott de Lyon (Cité internationale), sur inscription. Il peut également être suivi en streaming.

1 COMMENTAIRE

  1. Effectivement interdire l’accès aux écrans n’est pas une solution car cela favorise la frustration. Aujourd’hui, il existe des méthodes naturelles qui permet d’atteindre cette maîtrise grâce à l’hypnose humaniste (que je pratique dans mon travail : ). La personne (enfant ou adulte) va agir consciemment sur son addiction pour parvenir à ce qu’elle souhaite.

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