Un bébé prématuré dans une couveuse à l'hôpital.
L'extrème vulnérabilité d'un bébé prématuré rend sa prise en charge particulièrement délicate. ©Unsplash

Le nombre de bébés prématurés augmente en France. Un phénomène qui s’accompagne heureusement d’une prise en charge toujours plus optimale, tant les risques de complications et de séquelles sont importants sur ces nourrissons à la vulnérabilité potentiellement extrême. Pédiatre aux Hospices Civils de Lyon, le Pr Olivier Claris a profité de la première édition des rencontres de l’école Rockefeller, à Lyon, pour revenir sur les principales avancées susceptibles de limiter les dangers de la prématurité et d’améliorer la gestion des bébés prématurés en service de néonatalogie.

On parle de bébé prématuré en cas de naissance avant la 37eme semaine d’aménorrhée, la durée moyenne étant de 40 semaines. C’est le cas, en France, de plus de 50 000 enfants chaque année, soit environ 6% des naissances.

Il existe différents stades de prématurité, avec un risque de troubles à long terme qui augmente en fonction de ces délais. Un bébé dit grand prématuré (soit né entre 28 à 32 semaines de grossesse), a ainsi beaucoup plus de risque de développer des complications durant ses premiers jours de vie et de connaître des séquelles, sur les plans moteurs, comportementaux ou de l’apprentissage. Et les chances de survie diminuent de manière exponentielle, qui plus est chez les très grands prématurés (entre 28 et 22 semaines de grossesse).

Quelles sont les risques de la prématurité ?

En naissant “trop tôt”, un prématuré met en effet un terme à sa croissance in utero. Avec à la clé de sérieuses menaces sur sa santé dont les principales, selon l’Inserm, concernent “le cerveau, les poumons, le tube digestif et l’oeil”, et plus modérément le foie et les reins. Le prématuré, du fait d’un système immunitaire défaillant, est également particulièrement exposé aux infections après l’accouchement.

L’extrême vulnérabilité d’un bébé prématuré induit une prise en charge très spécifique à l’hôpital, en service de néonatalité. Cette prise en charge a évolué avec les progrès de la médecine, augmentant les chances de survie et minimisant le risque de problèmes et séquelles. Le Pr Olivier Claris, pédiatre aux Hospices Civils de Lyon et grand spécialiste en néonatalité, est revenu sur les conditions de cette prise en charge face à une large audience d’étudiantes de l’école Rockefeller. Ces futures infirmières, auxiliaires de puériculture et aides soignantes participaient les 27 et 28 juin au colloque consacré à la vulnérabilité de l’enfant, organisé par l’école lyonnaise à l’occasion de ses cent ans.

Les causes de la prématurité

Selon l’Inserm, la plupart des naissances prématurées sont dues à un démarrage précoce des contractions ou à une rupture prématurée des membranes foetales. “Près de la moitié des cas sont inexpliqués”, révèle le Pr Claris. Les autres seraient d’origines variées : infections, hypertension maternelle, grossesses multiples, anomalies (utérus, placenta), diabète…

S’il est impossible de généraliser en fonction de l’état de santé et de la robustesse de la mère, le mode de vie de cette dernière peut avoir une influence. Notamment si elle oublie de se ménager, comme le rappelle le Pr Claris: “deux facteurs ressortent très souvent, le déménagement et les déplacements en voiture”.

Les premiers jours de l’enfant : une étape décisive

L’enfant né prématurément, sitôt sa naissance, est placé en couveuse, sous surveillance constante et sous température soigneusement régulée. Et ce jusqu’à ce que son état lui permette d’en sortir. “Pendant longtemps, nous avons évité les visites des parents à leur bébé prématuré, notamment pour éviter les infections”. Une manière de protéger le nouveau-né, compte-tenu de son extrême fragilité, et de faciliter les soins. Mais on s’est rendu compte que cette absence des parents influait clairement sur le pronostic et, en cas de survie, pouvait laisser des traces profondes à long terme. “Certains enfants passent 120 à 130 jours en néonatalité, alors que les premiers jours entre enfant et parents sont primordiaux”.

La présence des parents, aujourd’hui, est donc favorisée. “La mise au sein, le peau à peau, ont un impact réel sur la durée de l’hospitalisation et sur le développement futur”. En cas d’impossibilité de la mère, pour des questions physiques, d’être présente auprès de son bébé, le rôle du père est également accentué. “D’où l’intérêt d’un entretien prénatalité pour éviter l’exposition du papa à un rôle pour lequel il n’est pas préparé”.

Enfant prématuré : un rythme à préserver

Autre facteur pouvant améliorer les chances de survie et de moindres séquelles après une naissance précoce, un meilleur respect du rythme de l’enfant. Un nouveau-né prématuré pris en charge en néonatalité doit faire face à de nombreuses sollicitations, à du bruit, de la lumière. Autant de conditions que les soignants s’efforcent aujourd’hui d’adoucir. “Nous avons appris à être beaucoup moins agressifs dans nos procédures médicales, nos examens. Le cerveau d’un enfant est en développement continu et, comme la douleur, l’irrespect du rythme du bébé peut le marquer pour toute la vie”.

Usage des médicaments : quels sont les dangers

La question du recours aux médicaments pour les bébés prématurés reste sujette à caution. “Nous ne sommes pas capables d’en mesurer l’impact sur un cerveau aussi sensible et en plein développement”, confirme le Pr Olivier Claris. D’où la difficulté de traiter une douleur éventuelle, déjà très difficile à évaluer. “Je suis très réticent sur l’usage massif des dérivés de morphine ou autre sur les bébés prématurés. Ce n’est pas parce qu’un nourrisson est en inconfort que l’on doit le bourrer de médicaments”.

Peut-on anticiper les séquelles éventuelles ?

Du fait de leur immaturité globale, le risque de séquelles (sensorielles, neurologiques, respiratoires, cérébrales…) est très élevé chez les bébés prématurés et dépend bien sûr du degré de prématurité. Si les cas de cécité, de surdité ou de paralysie restent relativement rares, 40 à 45% des prématurés, tous degrés confondus, présentent des troubles du neurodéveloppement. Les enfants nés prématurément présentent ainsi deux à trois plus de risques de développer des troubles autistiques.

Ces séquelles éventuelles sont impossibles à anticiper, que ce soit avant ou après l’accouchement. “Aucun médecin ne peut prédire les capacités de récupération d’un enfant prématuré”, confie le Pr Claris. “Dans ma carrière, je me suis trompé plusieurs fois à ce sujet et je suis aujourd’hui très prudent. Le cerveau en développement est en effet capable de processus que nous ignorons encore”. Des motifs d’espoirs, pour les parents confrontés au doute. Mais qui peuvent également trouver d’autres raisons d’espérer dans cette conclusion rassurante : “on peut très bien naître prématuré et n’avoir aucune séquelle !”

À SAVOIR

L’école Rockefeller est un établissement spécialisé dans la formation aux métiers de la petite enfance, ainsi qu’en soins infirmiers (IFSI) et aide-soignants. À l’occasion de son centenaire, l’école a lancé la première édition de ses rencontres annuelles, les 27 et 28 juin 2023. Des intervenants de renom ont été invités à débattre sur les notions de vulnérabilité de l’enfant : le Pr Olivier Claris (lire ci-dessus), mais également le Dr Olivier Revol (chef de service de neuropsychiatrie à l’HFME de Lyon), le Pr Christine Bidaud (co-directrice du Centre du Droit de la Famille), Séverine Lejeune (pédopsychiatre au Vinatier)… Des rencontres et débats à revivre en replay sur www.ecole-rockefeller.fr

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Journaliste expert santé / Rédacteur en chef adjoint du Groupe Ma Santé. Journaliste depuis 25 ans, Philippe Frieh a évolué dans la presse quotidienne régionale avant de rejoindre la presse magazine pour mettre son savoir-faire éditorial au service de l'un de ses domaines de prédilection, la santé, forme et bien-être. Très attaché à la rigueur éditoriale, à la pertinence de l'investigation et au respect de la langue française, il façonne des écrits aux vertus résolument préventives et pédagogiques, accessibles à tous les lecteurs.

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