Jean-Baptiste Delay est président de l’association des médecins de montagne. Praticien au Carroz, en Haute-Savoie, il tire la sonnette d’alarme face à la crise des vocations dans les stations de sports d’hiver françaises.
Depuis quand la profession est-elle organisée au sein de cette association des médecins de montagne ?
Depuis 1953! Tout comme notre réseau d’étude de l’épidémiologie de l’accidentologie du ski.
Vous avez l’image de médecins de la “bobologie” et de plâtres. Est-elle réaliste ?
Nous avons de gros matériels, nous organisons nos propres formations. J’ai ici de quoi “déboucher” un coeur, faire une anesthésie générale, nous avons de quoi prendre les gens en charge de A à Z. Nous faisons de la médecine générale, touchons à tout : combien de généralistes font encore des sutures ?
Comment se porte le métier?
Nous sommes à une période charnière. Les anciens praticiens du secteur 2* veulent partir en retraite. Je ne leur jette pas la pierre car ils ont investi très cher dans leurs locaux et souhaitent vendre leur cabinet à un bon prix. Mais les secteurs 1 qui arrivent se retrouvent aujourd’hui en cabinet avec 7% de charges : sur 23 euros de consultations, 7 euros sont pour eux. C’est donc d’autant plus difficile d’acheter un cabinet à 400 000 euros, sans parler de se loger, tout en pensant que la famille doit trouver un boulot. Le principal problème aujourd’hui est économique. Le deuxième souci pour les nouveaux médecins qui s’installent, c’est l’éloignement, les gardes de nuit. Dans cette optique, nous les formons avec les correspondants Samu afin qu’ils aient moins peur de se retrouver seul en charge.
Des jeunes de moins en moins motivés
Y a-t-il une panne des vocations en station?
Comment faire venir les jeunes médecins ? Souvent ils retournent en ville en disant : “J’ai fait un week-end de garde à Rumilly et je gagne plus que toi en un mois !”. Les gens ont l’impression que nous avons plein de vacances hors saison mais non, je ne prends pas de RTT ni de vacances. Notre activité est très condensée, et le revenu est en général en dessous de celui des généralistes de notre région.
D’où la création de maisons médicales pour lutter contre la désertification…
Oui, d’où les projets de maisons médicales qui permettent des regroupements de professionnels. L’Agence Régionale de Santé (ARS) aide à monter ces projets car ils savent que descendre un malade en vallée coûte 400 euros. Ils veulent maintenir nos cabinets, nous aider à conserver du matériel performant en urgence. Un décret est d’ailleurs en train de passer pour combler le delta de rémunération, très sensible, entre généralistes et secteur 1. On veut pouvoir vivre de notre activité. Et ça devient difficile.
A SAVOIR
Il existe différents secteurs conventionnels dont les principaux sont les secteurs 1 et 2. Un médecin en secteur 1 ou honoraires opposables respecte les tarifs fixés par la Sécurité sociale. Il ne peut facturer de dépassement d’honoraires qu’à titre exceptionnel, en cas d’une exigence particulière du patient. Un médecin en secteur 2 ou honoraires « différents » a choisi de fixer lui-même ses honoraires. Source : Collectif interassociatif sur la santé.