Plus de 2500 nouveaux cas de cancers chez l’enfant et l’adolescent sont diagnostiqués chaque année en France. Quels sont les cancers les plus fréquents entre 0 et 18 ans ? Comment limiter les risques ? Les réponses du docteur Perrine Marec-Bérard, pédiatre oncologue à l’IHOP (Institut d’Hématologie et d’Oncologie Pédiatrie) au Centre Léon Bérard à Lyon.
On a le sentiment que de plus en plus d’enfants et d’adolescents souffrent de cancers en France. Est-ce le cas ?
Non, pas vraiment. Certes, sur les dix dernières années, on constate une légère augmentation mais cette courbe ascendante s’explique surtout par une meilleure remontée des informations. On est donc toujours sur un chiffre d’environ 2500 nouveaux cas déclarés chaque année, soit 1 enfant sur 450 touché par la maladie et 1 sur 1000 entre 15 et 18 ans.
Quel sont les cancers les plus fréquents chez l’enfant et l’adolescent ?
Les cancers de l’enfant et de l’adolescent ne sont pas du tout les mêmes que ceux des adultes. Ces cancers sont spécifiques car liés au développement, à la croissance de nos jeunes patients. Au total, il en existe une soixantaine, sachant que les plus fréquents restent les leucémies (30%) et les tumeurs cérébrales (25%) chez les moins de 15 ans. Chez les plus âgés, les leucémies sont moins fréquentes, alors qu’on retrouve beaucoup de tumeurs cérébrales, de cancers de la thyroïde et des testicules entre 15 et 18 ans.
Tumeurs cérébrales et téléphones portables
Cette augmentation des tumeurs cérébrales et des cancers des testicules n’est-elle pas imputable à l’usage des téléphones portables ?
Il y a des doutes mais pas de preuves scientifiques. Les résultats des études réalisées jusqu’à présent sont contradictoires. Une autre étude de grande ampleur est en cours. On espère avoir des réponses.
Y a-t-il un âge chez l’enfant particulièrement sensible au développement de cellules cancéreuses ?
Non, toute la période du développement de l’enfant est propice aux mutations qui génèrent et font proliférer les cellules cancéreuses. Voilà pourquoi on a coutume de dire que les jeunes déclarent des cancers du développement et les adultes des cancers du vieillissement. A partir du moment où un organisme est en croissance, dès la naissance, il y a un risque. Dans ces tranches d’âge, les tumeurs cancéreuses sont beaucoup plus agressives avec des rythmes de divisions cellulaires accélérées. L’aspect positif, c’est que la chimiosensibilité de leurs maladies est aussi plus importante.
A condition de réagir vite. D’où le caractère crucial de la prévention ?
Malheureusement, en matière de cancer pédiatrique, la prévention n’a pas fait ses preuves car on n’a pas trouvé de lien de causalité avec certains agents reconnus cancérigènes pour l’adulte comme le tabac ou les pesticides. Cela n’exclut pas une vigilance parentale, les diagnostics précoces augmentant sensiblement le taux de guérison.
Cancer et hérédité
Notamment s’il existe des antécédents familiaux ?
Oui et non. Contrairement à certaines idées reçues, le cancer n’est pas une maladie héréditaire. On parle de génétique car le cancer est une mutation sur le matériel génétique de cellules tumorales. Mais il ne s’agit pas à proprement parlé d’un problème héréditaire. En réalité, les cancers héréditaires représentent moins de 5% des cancers chez l’enfant. Dans tous les autres cas, il n’y a pas de transmission de la maladie des parents à l’enfant.
Le risque n’est donc pas plus élevé pour un enfant dont les parents proches ont contracté un cancer ?
Non, sauf si le nombre de cas familiaux est supérieur à la moyenne nationale, avec des cas recensés dans toutes les générations. On propose alors des consultations oncogénétiques qui peuvent déboucher sur des recherches de gènes de prédisposition.
Avez-vous des conseils à donner pour limiter les risques de cancer chez l’enfant et augmenter ses défenses immunitaires ?
C’est une question délicate dans la mesure où l’on n’a pas déterminé d’agent causal pour l’enfant. En fait, toutes les règles établies pour prévenir et diminuer les risques de cancer chez l’adulte sont valables pour l’enfant. Cela signifie une bonne hygiène de vie, éviter les expositions aux produits toxiques, au soleil, au tabac, faire du sport…
A SAVOIR
Forme de cancer encore méconnue mais en constante augmentation notamment chez les adolescents et les jeunes adultes, le cancer du système lymphatique comprend deux grandes catégories. Les lymphomes hodgkiniens, ou “maladie de Hodgkin”, les plus connus, représentent moins de 15% des cas. Les lymphomes non hodgkiniens, les plus fréquents (85% des cas), ont augmenté de près de 5% par an au cours des dernières décennies. Plus de 18 000 nouveaux cas de lymphomes sont diagnostiqués chaque année en France, soit le cancer le plus commun chez les adolescents et les jeunes adultes, et le 5e chez les adultes. Certains produits chimiques et des facteurs environnementaux pourraient favoriser son développement selon l’association France Lymphome Espoir qui a publié une étude sur le sujet.