La crise sanitaire a entraîné un important retard de dépistage et de diagnostic de cancers. À la clé : retards de prise en charge et perte de chance de guérison pour les patients. ©gpointstudio_Freepik

La pandémie de Covid-19 a relégué dans l’ombre d’autres pathologies mortelles telles que le cancer, occasionnant des dégâts parfois irrémédiables. Absence de dépistage, retards de diagnostic et de prise en charge, perte de chance… Les conséquences sur la santé des patients cancéreux sont nombreuses, voire irréversibles. Première cause de décès en Auvergne-Rhône-Alpes, le cancer a clairement gagné du terrain, avec des patients souffrant parfois sans le savoir. Un cri d’alarme porté par le Cancéropôle Lyon Auvergne-Rhône-Alpes (CLARA).

Gravité de la maladie, dureté des traitements, nombre de victimes… Depuis le début de la pandémie, la Covid-19 accapare toute l’attention. Au point d’envoyer aux oubliettes les autres pathologies, et notamment le cancer, première cause de mortalité en Auvergne-Rhône-Alpes. Un an après, le nombre de victimes silencieuses de cette focalisation sur la Covid est difficile à déterminer. Mais le mal est réel et le Cancéropôle Lyon Auvergne-Rhône-Alpes (CLARA), préoccupé par les dégâts sur le parcours de soin des patients et les conséquences sur l’efficacité de leur prise en charge, tire la sonnette d’alarme.

Des retards de diagnostic à la perte de chance de guérison 

Jusqu’à 90% d’examens de dépistage en moins

Annulation de consultations, réquisition du personnel soignant, anxiété et peur ambiantes… Les conséquences de la pandémie sur les dépistages sont inquiétants. Cloîtrés chez soi, de nombreuses personnes souffrants ou non de symptômes évocateurs d’un éventuel début de cancer, n’ont pas pu être diagnostiqués. Les courbes de suivi des examens de dépistages et de diagnostics chutent en effet brutalement lors du premier confinement, selon les données de l’Institut National du Cancer (voir schéma du CLARA ci-dessous).

Schématisation de l’évolution des activités de diagnostic et de dépistage de janvier à août 2020 comparés à 2019. ©canceropoleCLARA_chiffresINC

En effet, de janvier à juin 2020, les examens de fibroscopies ont ainsi chuté de 80%, passant de 100 000 à seulement 20 000 de février à avril. Pour la mammographie permettant de détecter le cancer du sein, première cause de mortalité par cancer chez la femme, ce chiffre passe à – 90% ! Des examens pourtant essentiels pour une prise en charge à temps. Pour rappel, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, 42 400 nouveaux cas de cancer sont estimés chaque année.

Des retards potentiellement fatals pour les patients

Si depuis le mois d’avril 2020, les opérations de dépistage ont repris, la précocité des diagnostics a tout de même été retardée. Or, un diagnostic précoce est essentiel pour la guérison des patients.

Ces quelques semaines d’arrêt ont ainsi des conséquences sur le long terme sur la vie des patients. Des conséquences irréversibles, dans certains cas. « Les retards de diagnostics entraînent une perte de chance de guérison des patients. On a constaté depuis la pandémie, une baisse de prise en charge et une augmentation de la surmortalité des patients. », explique le Dr Pierre Saintigny, oncologue médical au Centre Léon Bérard, chercheur au Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon et Président du Comité de Pilotage Scientifique de CLARA.

Prise en charge de cancers : une baisse de 20% des opérations 

Chez les patients déjà diagnostiqués, la prise en charge a également connu des retards conséquents et non négligeables sur la vie des patients. Entre mars et juin 2020, l’Institut National du Cancer (INca) enregistre une diminution de 20% des activités de chirurgie d’extraction et d’ablation (dits d’exérèse) des zones cancéreuses à l’échelle nationale. Dans le détail, cela représente 16% de moins pour les cancers du sein. Une perte de survie pour les patientes alors que le cancer du sein constitue désormais le cancer le plus fréquent en France et la première cause de décès par cancer chez les femmes.

Pour les cancers dans les zones ORL, placés dans le triste top 3 des plus fréquents, l’INca chiffre une diminution de 18% des opérations de chirurgie d’exérèse. Une pourcentage qui table sur 22% de moins pour l’œsophage. Un constat particulièrement grave quand on sait que la chirurgie est la seule issue pour de nombreux cas.

Cancer et pandémie : effets psychologiques dévastateurs pour certains patients

Augmentation du stress et de l’anxiété, troubles de sommeil… Comme pour un grand nombre de Français, l’impact psychologique de la pandémie et des changements qu’elle a créé est conséquent chez les personnes atteintes de cancer. Parfois même pire pour ces patients déjà confrontés à une pathologie mortelle, aux traitements souvent lourds et aux conséquences sur leur moral et vie personnelle.

La téléconsultation, en hausse depuis la crise sanitaire, n’est pas toujours adaptée. « L’accompagnement en téléconsultation est difficile psychologiquement pour les patients atteints de cancers. Ce n’est pas une solution satisfaisante sur le long terme. Psychologiquement c’est très compliqué pour les patients notamment à travers le manque d’accompagnement pour les rendez-vous à cause du Covid. Lorsque l’on est face à un diagnostic difficile, comme l’annonce d’une rechute par exemple, il est important d’avoir le soutien de son compagnon/sa compagne », détaille le le Dr Pierre Saintigny. À cela, peuvent s’ajouter d’autres facteurs tels que la perte de revenus, d’emploi ou encore la difficulté de la réinsertion sociale dans ce contexte de pandémie.

Lutte contre le cancer : la recherche mise à mal par la pandémie

Du côté de la recherche, le bilan est également lourd. Alors que les fonds pour la recherche contre la Covid-19 se chiffre à plusieurs milliards à l’échelle mondiale, celle pour le cancer a reculé. En France, la Ligue contre le cancer enregistre une baisse de 10 millions d’euros de dons pour l’année 2020 par rapport à 2019.

À l’échelle régionale, la région Auvergne-Rhône-Alpes, reconnue pour ses capacités et performances dans la recherche et l’innovation sur le cancer, a également dû revoir son organisation. « La recherche s’est totalement arrêtée lors du premier confinement, explique le président du CLARA. L’inclusion des patients dans certaines recherches et innovation s’est également stoppée. Il y a eu un ralentissement général et on a dû retarder de nombreux résultats. » L’annulation de nombreux évènements en présentiel et la réduction des déplacements et des frais de fonctionnement ont toutefois pu permettre de sauvegarder les financements pour rééquilibrer.

Chaque année 3 millions d’euros sont mis au service de la lutte contre le cancer dont la majorité (2,3 millions) pour la recherche. Parmi les objectifs du CLARA, la prévention pour une meilleure hygiène de vie. Pour rappel, près de la moitié des cancers (41%) peuvent aujourd’hui être évités grâce à un mode de vie sain.

À SAVOIR

Le Cancéropôle Lyon- Auvergne-Rhône-Alpes (CLARA) est une initiative lancée en 2001 pour soutenir la recherche sur le cancer et fédérer plusieurs de ses acteurs régionaux. Pour présenter ses actions et les projets en cours en matière de lutte contre le cancer dans la région, le CLARA organise un forum numérique sur une semaine à partir de ce lundi 29 mars. Plus d’infos sur www.canceropole-clara.com.

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Diplômée d'un master 2 de journaliste à l'Université Lyon II, Mélissa Gajahi a mis son talent de rédactrice et son esprit de synthèse au service du Groupe Ma Santé pendant près de trois ans, avant de partir exercer ses nombreux talents sous d'autres cieux journalistiques.

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