Le cancer du sein implique de vrais bouleversements physiques et psychologiques dans la vie d’une femme. Pourquoi moi ? Dois-je le dire à mes proches ? Vais-je perdre mes cheveux ? Elle-même victime d’un cancer du sein, Agnès Fontaine témoigne et fait témoigner vingt femmes dans un livre poignant.
Quelles sont vos premières pensées lorsqu’à 39 ans, on vous annonce votre cancer du sein ?
Ma seule pensée est “pourquoi moi ?”
Qu’est ce qui est le plus difficile à supporter dans le binôme avec la maladie ?
Curieusement, ce ne sont pas les nausées, la fatigue, les moments d’angoisse mais ce sont les phrases toutes faites que l’on entend trop souvent : «Bats-toi », « Tu n’es pas seule », « Tu vas t’en sortir »… Toutes ces phrases sont violentes et difficiles car on se rend compte que les gens autour de nous banalisent la maladie et par le même coup, notre souffrance. On a envie d’être comprises, écoutées, entendues. Ce manque de reconnaissance du combat que nous menons est dur à accepter.
Parler du cancer aux enfants
Faut-il le dire à ses enfants ?
Chacun doit le dire et le vivre à son rythme. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise solution et il faut prendre en compte l’âge des enfants. En parler c’est une chose mais il faut ensuite assumer leur réaction. Je l’ai dit à mon aînée de 15 ans mais ai voulu protéger les plus petits en leur taisant la vérité. Pour mon ado, ce fut une souffrance de plus pour passer l’âge difficile et il me l’a bien fait sentir dans ses résultats scolaires !
Qui vous a le plus aidé dans votre entourage ?
Mon mari a été très présent et a trouvé la juste mesure pour dédramatiser sans banaliser. C’est exactement ce que l’on attend dans ce genre d’épreuves. Et ma meilleure amie ainsi que ma sœur ont su être très à l’écoute tout en me recadrant quand il le fallait. Pas toujours simple pour l’entourage. C’est aussi pour eux que j’ai souhaité écrire ce livre afin qu’ils comprennent mieux notre état et ce qui pouvait nous aider.
Cancer du sein, des traitements lourds
Quels ont été les principaux changements dans votre quotidien ?
J’ai pu conserver mon travail à mi-temps en dépit de la fatigue des traitements et des contraintes de la radiothérapie. On essaie de rester le plus près possible du quotidien, de s’y accrocher pour ne pas décrocher. J’avais besoin de sentir qu’en dépit de ma maladie, ma vie ne basculait pas. Entendre mes enfants bruyants, joueurs et heureux m’ancraient dans leur réalité. Et ce bonheur-là, j’en avais besoin.
Combien de temps dure la maladie ?
Six mois de traitements et six mois pour se remettre des traitements lourds que le corps doit progressivement éliminer. Puis un oncologue nous suit pendant cinq ans. On est toujours en rémission, jamais en guérison totale même si pour ma part, 14 ans après, je commence à croire à la guérison.
A quoi est-on le plus souvent confronté quand on est atteint de cette maladie ?
Au voyeurisme des gens… Est-ce qu’on t’a enlevé le sein ? As-tu perdu tes cheveux ? As-tu dû porter une perruque ? Presque tout le monde connait une personne de son entourage qui a eu un cancer du sein et qui en a guéri. Mais cela reste une maladie grave, difficile à vivre, qui peut récidiver et dégénérer sur d’autres formes de cancers mortels.
“La maladie relativise tout”
Qu’attend-on de l’équipe médicale et du médecin qui nous suivent ?
Beaucoup ! Ils m’ont énormément aidée car respectée dans mon cheminement. On attend compréhension et écoute. C’est une spécialité riche humainement mais également très dure à vivre pour eux au quotidien.
Qu’a changé cette maladie dans votre vie ?
La maladie questionne, interpelle sur la vie, sur son sens. J’ai pris conscience de sa précarité. Le cancer m’a fait voir ce que je n’aimais pas dans ma propre existence. Il m’a ouvert les yeux sur moi et sur les autres. Après la maladie, on relativise tout. Le bonheur c’est ici et maintenant. On décèle dans chaque détail du quotidien ce qui peut être source de joie et on vit plus intensément le présent car on ne sait pas de quoi sera fait demain.
Quels sont les effets secondaires des traitements ?
Tous les traitements sont lourds à supporter et mettent notre corps à l’épreuve. Ils nous diminuent et même avec le temps, on ne retrouve pas toujours l’intégralité de nos facultés physiques. J’ai la chance pour ma part de ne pas avoir trop de problèmes mais l’une des femmes dont je parle dans mon livre a des douleurs tendineuses terribles. Le travail de reconstruction peut être long et douloureux.
Apprendre à écouter son corps
Avez-vous cherché à comprendre quelles raisons avaient pu vous conduire à contracter ce cancer ?
C’est une des premières questions que l’on se pose et qui revient souvent sans pouvoir jamais y apporter de véritables réponses. Toutes les femmes citées dans mon livre ont en commun une vie stressante mais pas plus, pas moins que d’autres qui n’ont jamais eu le cancer. L’une d’elle se demande si ce n’est pas quelque chose dans l’air. Ces femmes, pour la plupart, sont jeunes, ne fument pas, ne boivent pas, font du sport, mangent sainement et pourtant, elles ont été malades ! C’était aussi mon cas, et on trouve que c’est d’autant plus injuste !
Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui sont touchées par cette maladie ?
Comme le dit très bien le livre, il n’y a pas de mode d’emploi pour le cancer du sein. Chacune a sa propre histoire, son propre vécu et aborde ce cancer comme elle peut. Mon meilleur conseil, c’est d’apprendre à s’écouter, à écouter son corps, à penser à soi afin de le vivre le mieux possible. Personne ne peut le vivre à notre place. Il faut s’obliger à rester positive et à en faire une force. On apprend tellement sur soi à travers cette épreuve !
A SAVOIR
Victime d’un cancer du sein à l’âge de 39 ans, Agnès Fontaine vient de publier, avec le docteur Jean-Pierre Martin, un ouvrage intitulé “Vingt femmes face au cancer du sein” aux Editions Medicatrix. Prix: 7 euros.