Chaque année, 500 enfants décèdent de cancers pédiatriques. Si les progrès en médecine permettent aujourd’hui de soigner sept enfants sur dix, le cancer reste toutefois la première cause de mortalité infantile dès un an. La recherche, très ralentie depuis la pandémie, doit être plus que jamais soutenue. Une cause mise en avant à l’occasion de l’évènement “Une Nuit pour 2500 Voix”, le 27 février prochain à Lyon. Entretien avec le Dr Marie Castets, porteuse de ce projet pour mieux comprendre la lutte contre ces maladies complexes.
70% des enfants atteints de cancers pédiatriques guérissent aujourd’hui. Avec souvent de lourdes séquelles. Une statistique insuffisante selon le Dr Marie Castets, chercheuse à l’INSERM et au nouveau Pôle de recherche en cancérologie pédiatrique du Centre Léon Bérard, à Lyon.
Soigner d’avantage et mieux est ainsi le principal objectif de ce centre pluridisciplinaire ouvert il y a quelques mois. À l’approche d’un évènement caritatif en faveur de la recherche, le Dr Castets fait le point sur la cause des cancers pédiatriques.
Quels sont les enjeux du nouveau Pôle de recherche en cancérologie pédiatrique du Centre Léon Bérard ?
L’objectif est de mettre en synergie l’ensemble des acteurs français de la recherche fondamentale et de la recherche clinique, React-4Kids, afin que les connaissances que l’on acquiert en recherche fondamentale soient transformées le plus rapidement possible en outils et nouvelles molécules thérapeutiques disponibles pour les patients.
Le côté collaboratif est essentiel pour que la recherche puisse avancer plus vite. L’idée est de travailler ensemble pour accélérer la recherche au bénéfice des patients. Cela doit permettre de travailler plus précisément sur la spécificité des tumeurs afin d’établir de nouvelles thérapies plus ciblées, adaptées à chaque enfant et à chaque pathologie.
Les cancers de l’enfant sont-il différents de ceux de l’adulte ?
Oui, les cancers de l’enfant ne sont pas les mêmes que ceux de l’adulte. Dans la typologie, on retrouve en pédiatrie plus de sarcomes, de tumeurs du cerveau ou encore de leucémies. Il y a toutefois peu de cancers du côlon, du poumon ou du sein, plus répandus chez l’adulte. Il existe également des différences au niveau de la biologie et des caractéristiques moléculaires des tumeurs. La recherche doit donc être adaptée et spécifiée aux tumeurs chez l’enfant pour mieux les prendre en charge.
Il est important de noter que les cancers pédiatriques se développent dans des organismes en plein développement. La croissance a ainsi un impact sur le développement du cancer, qui est plus rapide. Le système immunitaire est différent chez l’enfant et n’a pas la même maturité, la réponse aux traitements le sera donc également.
“Deux tiers des enfants ont des séquelles de traitements”
Quelles sont les problématiques de la recherche en cancérologie pédiatrique ?
Actuellement, on guérit sept enfants sur dix. L’un des grands enjeux de cancérologie pédiatrique est de soigner davantage d’enfants. Mais pour y parvenir, il faut réussir à proposer des traitements plus ciblés et mieux adaptés afin d’éviter les séquelles que l’on observe chez deux tiers des patients. Le principal moyen d’action est donc de travailler de manière ciblée sur les cancers pédiatriques et leurs spécificités.
Les enfants ne réagissent également pas de la même manière concernant les traitements. Les immunothérapies, efficaces chez l’adulte par exemple, le sont nettement moins chez l’enfant. Pour être plus efficace, la recherche doit donc être dédiée aux cancers pédiatriques avec leurs spécificités. D’où l’intérêt du projet React-4Kids.
Quelles sont les séquelles observées chez les enfants guéris de cancers pédiatriques ?
Les principales séquelles sont cardiaques, la stérilité et un risque de cancers secondaires. Il peut également y avoir des pathologies assez importantes telles que des problèmes cognitifs conséquents. Il s’agit de séquelles lourdes, de longue durée et parfois très handicapantes et invalidantes pour les enfants dans la suite de leur vie. Cela va donc nécessiter un suivi tout au long de la vie de l’enfant.
“Les cancers pédiatriques progressent plus vite que chez l’adulte”
L’errance médicale est-elle importante chez les enfants ?
Chez l’enfant, il existe en effet un risque d’errance médicale, principalement dû au fait que le cancer est plus rare chez l’enfant que chez l’adulte, à l’échelle clinique. Il ne l’est toutefois pas au niveau sociétal puisque le cancer est tout de même la première cause de mortalité chez l’enfant dès l’âge d’un an.
De ce fait, quand un médecin généraliste rencontre chez un enfant des symptômes qui ne sont pas forcément très spécifiques d’un cancer tels que de la fatigue ou un peu d’anémie, il pense davantage à d’autres types de pathologies. Il y a donc un risque d’errance médicale qu’il faut réduire au maximum chez l’enfant. Les cancers pédiatriques progressent en effet plus vite que chez l’adulte. Il est donc important d’intervenir le plus tôt possible. Au moment où la maladie n’est pas encore disséminée.
Observe-t-on un retard de diagnostic des cancers pédiatriques ?
Des études tendent en effet à montrer qu’il y a eu un retard de diagnostic avec la pandémie. En 2021, davantage d’enfants ont été pris en charge avec des maladies à un stade plus tardif, probablement en raison de la pandémie.
Pandémie et santé mentale : des mesures “très préjudiciables pour les enfants”
La pandémie de Covid-19 a-t-elle eu un impact sur la santé mentale des enfants ? Notamment avec l’absence de certains de soins de support ?
En effet, les services d’oncologie pédiatrique sont fermés depuis quasiment deux ans et n’ont rouvert que très temporairement. Il n’y a donc pas d’organisation d’activités ou d’animateurs extérieurs. Les espaces communs sont également fermés, dans la plupart.
L’impact sur la santé mentale des enfants a-t-elle une incidence sur la prise en charge de la maladie ?
La santé mentale a toujours un impact sur la capacité à se battre contre la maladie et à réagir en cas de rechute. Ce sont des paramètres qu’il faut aussi prendre en compte. Les équipes de cancérologie pédiatrique, notamment à l’IHOP à Lyon, sont très investies. Les éducatrices font un travail remarquable pour maintenir tout de même des activités et le moral des enfants. Il n’en reste pas moins que la fermeture de ces espaces de pédiatrie est très préjudiciable pour les enfants.
Tout ce qui va leur permettre de s’ouvrir au monde extérieur, comme le concert au Ninkasi, est ainsi une initiative positive pour leur prise en charge médicale. Nous avons donc décidé de mettre en place un partenariat avec le Ninkasi de Lyon pour retransmettre en direct dans les hôpitaux les concerts organisés. L’idée est de briser l’isolement des enfants malades et de leur permettre de suivre ces concerts en live afin de bénéficier de cette ouverture sur l’extérieur qui leur a manqué et a beaucoup impacté leur santé mentale.
Quels sont les objectifs de l’événement Une Nuit pour 2500 Voix, à Lyon, le 27 février prochain ?
Il s’agit d’un évènement interassociatif lancé par les chercheurs du réseau React-4Kids afin de réunir les 70 associations participantes autour de la journée mondiale de lutte contre le cancer (le 15 février). Le but est d’organiser des concerts partout en France. L’événement Une Nuit pour 2500 Voix a deux vocations. La première est de collecter des dons pour le réseau national de recherche en cancérologie pédiatrique. La deuxième est de sensibiliser à la cause en utilisant l’art sous toutes ses formes pour porter et faire entendre la voix de ces enfants.
La musique est un excellent moyen de véhiculer des messages de valeur et d’émotion. C’est aussi pour cela que nous avons choisi d’organiser des concerts. Les enfants de l’orchestre Les Petites Mains Symphoniques vont donc jouer pour porter la voix de leurs camarades.
À SAVOIR
L’orchestre Les Petites Mains Symphoniques sera en tournée le 26 février au Centre des congrès d’Aix-les-Bains. Et le 27 au Ninkasi de Lyon. L’objectif de cette tournée inédite : récolter des fonds pour la recherche sur les cancers pédiatriques et sensibiliser à cette cause.