Le cannabis a vu sa consommation augmenter durant le confinement. Un constat inquiétant lorsque l’on sait que cette drogue douce peut avoir un lourd impact sur la santé urogénitale. Mais quelles en sont les conséquences précises ? L’Association Française des Urologues appelle à mener des études pour comprendre précisément le lien entre cannabis et santé urogénitale. Explications avec le Dr Damien Canicelli, urologue au CHU Lyon Sud.
« L’augmentation des cancers testiculaires et des tumeurs de la vessie chez l’homme jeune a conduit les urologues à s’interroger. Le cannabis pourrait-il être en cause ? » Cette interrogation provient de l’Association Française des Urologues (AFU). À l’heure d’un confinement qui fait exploser les addictions et donc l’usage du cannabis, les urologues se demandent quel est le véritable impact de cette drogue douce sur la santé urogénitale des patients.
Illégal en France, le cannabis est une plante provenant du chanvre. Après une cultivation, cette drogue douce délivre du THC, le tétrahydrocannabinol. C’est une molécule responsable d’effets psychotropes, d’où sa qualification de « stupéfiant ». Ces effets se produisent lorsque le THC rentre en contact avec les récepteurs présents dans notre corps.
Présente sous différentes formes (herbe, résine, huile), ses effets sont connus pour être néfaste notamment sur le cerveau. « Des études montrent que le cannabis est impliqué dans des pathologies psychiatriques et cancéreuses. Mais l’impact du cannabis en santé urogénitale reste controversé », explique le Dr Damien Carnicelli, urologue et andrologue au Centre Hospitalier Universitaire de Lyon Sud. D’où l’importance de solliciter des études sur ce sujet.
Plusieurs études déjà existantes sur le cannabis
Dès les années 1980, des études épidémiologiques démontrent un lien entre le cannabis et des problèmes médicaux. Mais récemment, d’autres études dévoilent un autre point de vue. « Ces nouvelles études contredisent un consensus établi auparavant. Le cannabis aurait en fait un avantage, celui d’améliorer les relations sexuelles. Le recours au cannabis permettrait d’enlever le stress et l’anxiété, de rehausser nos cinq sens et de décupler nos sensations de plaisirs », relate l’andrologue.
Cette drogue pourrait donc aussi avoir quelques effets positifs, ce qui rend problématique les explications relatives à son usage. Le flou subsiste, d’autant que le lien avec d’éventuelles pathologies urogénitales semble clairement établi. En 2019, des chercheurs américains ont démontré le risque accru d’un cancer des testicules lors d’une consommation active du cannabis.
À partir de ces différentes études et constats, il devient nécessaire de réaliser des études cliniques pour clarifier le sujet.
Les urologues veulent étudier le lien cannabis – santé urogénitale
L’objectif est d’éclaircir le rôle du cannabis et de son lien avec la santé urogénitale. L’AFU résume via l’expertise du Professeur Lechevallier : “Il est urgent de lancer des études pour mieux connaître la toxicité urologique du cannabis. Si ces études nous permettent de conclure que le cannabis est cancérogène pour la vessie et le testicule, ce serait un point de santé publique capital”.
Des recherches qui sont pour le moment au statut de projets selon Damien Carnicelli. « L’agence du médicament en France vérifie que les processus envisagés sont effectivement de qualité, que le tout est en bonne et due forme… ». À noter que la France entame début 2021 le recours au cannabis thérapeutique sur 3 000 patients, sur deux ans.
Soupçons sur la santé urogénitale et la sexualité
Dans le cas du cancer des testicules, le cannabis semble loin d’être innocent. Les récepteurs de notre corps qui s’activent lors de la consommation du cannabis sont aussi présents… dans les testicules. Le cannabis a donc potentiellement un effet direct sur les testicules et par extension les spermatozoïdes. Les conséquences peuvent être l’infertilité ou le cancer des testicules. Les études permettront alors de comprendre le véritable impact de la stimulation de ces récepteurs par le THC.
En lien avec la santé urogénitale, la sexualité repose sur l’importance d’une bonne santé de ses appareils génitaux. Or, « la fertilité se dégrade fortement chez les consommateurs de cannabis » confirme Damien Carnicelli. Soit, la qualité du sperme. Également, la libido est concernée. L’appétit sexuel peut devenir encore plus instable avec le cannabis. Voire même disparaître pendant une certaine durée chez les patients en sevrage. De plus, l’érection serait en berne pour ces consommateurs. Si les études le confirment, « la sexualité pourrait être différente grâce au dérivé du cannabis à usage thérapeutique », note Damien Carnicelli.
Le cocktail néfaste des drogues durs ou du tabac
Le cannabis est loin d’être la seule source de problèmes pour la santé urogénitale. Les drogues dures ont aussi des effets extrêmement problématiques, comme celui du priapisme chez les hommes. Un phénomène qu’il faut traiter en urgence et qui consiste à subir une longue érection de plus de quatre heures, très souvent douloureuse.
D’un point de vue plus large, l’usage de drogues ou de cannabis « augmente les comportements à risque » rappelle l’urologue. À commencer par les relations sexuelles non protégées. Avec à la clé de potentielles maladies sexuellement transmissibles comme le virus HPV pouvant causer un cancer de l’utérus.
Le tabac a des effets largement connus par les scientifiques. « De manière simplifiée, le tabac a un lien de causalité direct avec le cancer » résume Damien Carnicelli.
Sevrer les addicts : accompagner à défaut d’un médicament
Ne plus être dépendant du cannabis est un défi intense, aussi bien pour le patient que pour le corps médical. « Contrairement au tabac, il n’existe actuellement aucun médicament spécifique disponible pour le sevrage au cannabis », regrette l’Association Française des Urologues.
Néanmoins, il reste possible de prendre en charge les effets secondaires d’un sevrage. « Si un patient souhaite arrêter et se sevrer, il est important de bien le suivre. Celui-ci va faire face à une phase remplie d’effets indésirables comme l’anxiété, des troubles de l’émotion ou du désir… Cette période varie entre une semaine à un mois environ », détaille Damien Carnicelli.
Dans le communiqué, l’AFU appelle à une collaboration étroite entre urologues et addictologues. D’un côté, ce sont les urologues qui redirigeront vers les addictologues concernant les patients qui seraient consommateurs réguliers du cannabis. Et de l’autre côté, les addictologues renforceront la sensibilisation aux risques sanitaires liées à cette drogue.
À SAVOIR
L’andrologie est une spécialisation qui s’occupe de la santé masculine. C’est l’équivalent de la gynécologie chez la femme. De manière générale, l’urologue s’occupe des problèmes urinaires aussi bien chez la femme que chez l’homme.
Parmi les principales raisons d’une visite chez le spécialiste, le dépistage du cancer de la prostate à 50 ans ou les problèmes de calculs rénaux. Chez l’homme, la « verge est une sentinelle » selon Damien Carnicelli. À partir de 40 ans, si un homme a des troubles de l’érection, cela peut soulever un problème cardiovasculaire…