Le Chemsex autorise tous les types de drogues
Le mode de consommation varie. Les drogues sont prises par voies respiratoires, digestives, anales ou intraveineuses... ©DR

Le phénomène du “Chemsex” associant consommation de drogues et rapports sexuels, se diffuse de plus en plus en France. Selon une récente étude publié par la mairie de Paris en novembre 2021, la pratique s’est aggravée à cause de la crise sanitaire et se répand en-dehors de la population gay. Les addictologues, médecins généralistes et psychologues s’inquiètent de l’accroissement de ce fléau. Mais qu’est-ce que le Chemsex et quels sont ces vices ? Entretien avec Djamila Makhloufi médecin généraliste et Isabelle Massonnat-Modolo, psychologue des HCL.

Le Chemsex consiste à utiliser des drogues dans un contexte sexuel en particulier avec ce qu’on appelle “les nouveaux produits de synthèses”. Les adeptes de ces produits (cathinones, GHB, crystal meth) recherchent leurs côtés désinhibants et euphorisants. De plus, ils sont réputés pour améliorer la libido, favoriser l’empathie en recherchant la complicité et un plaisir plus fusionnel avec son partenaire.

Le Chemsex est très présent dans les relations homosexuelles, notamment masculines. Mais cette pratique s’étend également de plus en plus aux relations hétérosexuelles et chez les jeunes. « Un plan chems », comme il est parfois appelé, peut durer quelques heures, une nuit, voir plus de 48 heures. « C’est à ce moment-là qu’on peut parler de marathon sexuel », explique Isabelle Massonnat-Modelo, psychologue clinicienne aux Hospices Civils de Lyon. « Les personnes ne ressentent plus le besoin de dormir ou encore de manger ». En effet, les drogues de synthèses utilisées ont un effet coupe-faim et peuvent annihiler toute envie de dormir.

Quels sont les risques engendrés par le Chemsex ?

Le Chemsex rime avec addiction à la drogue. Il s'agait du danger principal.
Le Chemsex est né en 2010 avec essentiellement des drogues tels que le GHB ou la cocaïne et d’autres drogues de synthèses. ©DR

Les dangers de cette pratique sont nombreux. L’étude Sea, sex and Chems souligne des risques notables d’addiction aux substances chez plus de 80% des pratiquants. Ces produits sont en effet très addictogènes et provoquent, dès la première prise, une envie irrépressible d’en reprendre (le craving). D’autres études alertent sur les conséquences psychologiques et les répercussions sociales de cette pratique, entre risques de repli sur soi, difficultés professionnelles, syndromes anxio-dépressifs ou encore dysfonctionnements sexuels.

Selon les spécialistes, une addiction aux produits utilisés peut favoriser le réveil de pathologies psychiques sous-jacentes (paranoïa, dépression, bipolarité, etc…)

Le Chemsex altère la vigilance face aux maladies et aux infections sexuellement transmissibles. Les modes de consommations sont nombreux et à risques : les piqûres intraveineuses, certaines drogues peuvent être prises par voie anale ou nasale. Il serait donc essentiel de ne pas partager son matériel (seringues, pailles) et d’utiliser des équipements stérilisé, à usage unique. Enfin, il faut prendre au sérieux la prévention anti-VIH (préservatif et/ou avec la PrEP).

De plus, dire “non” lorsque la personne est drogué n’est pas chose simple. Que reste-il du consentement lorsque les adeptes sont drogués ? Il est donc préférable d’être en état de pleine conscience pour communiquer sa décision, enregistrer de nouvelles informations afin d’évaluer les risques et les conséquences. En effet, lors de soirée tels que le Chemsex, les adeptes s’ouvrent à plusieurs pratiques dont ils n’ont pas l’habitude, comme la pratique du BDSM (bondage et discipline, domination et soumission). Il est important que les personnes aient pleine possession de leur corps pour être en mesure de sentir l’excès de douleur et éviter les déchirures anales lors de la pratique du fist par exemple.

Qui sont les chemsexeurs ?

Si cette pratique dangereuse touche toutes sortes de publics, certains sont plus à risque de sombrer dans l’addiction. La psychologue Isabelle Massonnat-Modolo identifie ainsi « ceux qui ont recouru aux sexe tarifé, qui ont subi des violences sexuelles ou qui ont connu une sexualité très précoce ». L’addiction comportementale au sexe touche spécifiquement les personnes en recherche de performance, « très courante chez les HSH (relation “hommes entre hommes”) et les utilisateurs d’application de rencontre », commente-t-elle.

L’étude Sea, Sex, and Chems démontre toutefois que les hétérosexuels sont de plus en plus nombreux à pratiquer le Chemsex. 16,5% des personnes interrogées dans l’étude sont des femmes, pour la plupart hétérosexuelles. Ce qui donne une idée plus précise de l’étendue du phénomène.

Chemsex : quels solutions pour éviter l’addiction ?

Si la pratique relève de la liberté de chacun, les produits ingérés sont illégaux. D’où l’importance de la sensibilisation aux risques encourrus.

Tout d’abord, il est important de consulter un professionnel de santé, à commencer par son médecin généraliste qui orientera si besoin vers un établissement spécialisé. Les CSAPA (Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) sont des structures dédiées à la prise en charge des addictions. Elles proposent des accompagnements spécifiques pluridisciplinaires (addictologues, infirmiers, psychologues…).

L’objectif ? Établir un premier contact, brosser un bilan de l’addiction et d’accompagner le patient vers une régulation du mode de consommation. Selon le Dr Djamila Makhloufi, médecin à l’hôpital Édouard-Herriot, « le but de consommer étant le plaisir, il ne faut pas interdire mais accompagner le patient dans cette sur-consommation ».

Comment prévenir ce phénomène ?

Interdire la pratique, même s’il s’agit de substances illégales, est impossible. L’objectif est donc de privilégier une pratique maîtrisée et de limiter au maximum les dangers. D’abord en évitant de consommer. En s’entourant, aussi, de personnes de confiance, susceptibles d’adopter les bons gestes en cas de soucis. Il est également fortement déconseillé de mélanger drogues et alcool, facteur de risque majeur de coma (ou « G-Hole »). Ces comas peuvent être lourds de conséquence pour la santé, voire mortels.

À SAVOIR

Sea, sex and chems est une étude basé sur un auto-questionnaire en ligne et coordonné par Dorian Cessa, interne à Lyon, ainsi que des médecin-addictologues. 2.767 personnes majeures et faisant parti de la communauté LGBT ont répondu à l’enquête. Et 1.196 d’entre eux ont déclaré avoir déjà pratiqué le Chemsex, dont 43 % une fois par mois et 13 % chaque semaine. 

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