Le 121ème Congrès de la Société Française d’Ophtalmologie vient de s’achever à Paris. L’occasion de faire le point sur les dernières avancées en matière de techniques ophtalmologiques. Rencontre avec Laurent Kodjikian, ophtalmologiste, professeur de médecine, chef de service adjoint à l’hôpital de la Croix Rousse.
Quels ont été les moments forts de cette nouvelle édition du Congrès National de la Société Française d’Ophtalmologie ?
Cette édition s’est penchée sur la surface oculaire, le problème de l’oeil sec, qui est très courant. Nous avons aussi évoqué l’Avastin, ce traitement contre la DMLA humide qui a fait l’objet d’une étude en France, GEFAL, dont j’ai été le coordinateur. L’objectif était de le comparer au Lucentis : étudier son efficacité mais voir également s’il pourrait permettre de faire des économies car il est moins cher. Avec la société d’ophtalmologie, nous avons aussi décidé de parler des prothèses rétiniennes. La rétine médicale se développe énormément. Grâce aux anti-VEGF et a des implants de cortiocides retard, il est possible de traiter les oedèmes maculaires.
Dans quels domaines sommes-nous avancés en ophtalmologie à Lyon ?
Je suis responsable de l’unité rétine inflammation qui est un service de pointe pour les traitements en rétine médicale et chirurgicale. Nous avons pas moins de 10 protocoles de recherche clinique dans le service et une dizaine d’autres dans les mois à venir. Le deuxième point fort à Lyon concerne la chirurgie de la cataracte car certains patients sont traités par laser femtoseconde pour l’incision, la découpe de la capsule antérieure du cristallin et l’abord de la cataracte elle-même.
De nouveaux traitements pour la DMLA
Y a t-il une étude clinique qui vous semble particulièrement porteuse d’espoir pour les patients ?
Oui, celles concernant les traitements des deux types de DMLA : la DMLA atrophique avec le lampalizumab et la DMLA humide avec notamment les anti-PDGF (fovista) ou les DARPINs.
Quels sont les enjeux de l’ophtalmologie pour ces prochaines années/ décennies selon vous ?
De développer de nouveaux produits qui ont des durées d’action supérieures ! Le Lucentis, c’est une injection par mois, l’objectif est d’essayer d’en faire moins. Avec l’Eylea, un nouveau traitement, on pourrait faire une injection tous les deux mois. Mais ça c’est sur le papier. En pratique, le nombre d’injections annuelles avec Lucentis et Eylea est globalement similaire. Néanmoins, Eylea apporte d’autres avantages avec notamment un mécanisme d’action un peu différent de celui du Lucentis. Les études en cours veulent aller plus loin avec des injections tous les trois ou six mois.
A suivre aussi, une étude sur les collyres anti-VEGF. On a aussi à l’essai dans mon service un produit pour prévenir la fibrose qui peut détruire la vision. Pour les pathologies rétiniennes, et plus particulièrement les rétinopathies pigmentaires, l’espoir se porte sur les prothèses rétiniennes : on implante sous l’oeil une petite puce avec des capteurs, et ces derniers sont reliés par un fil qui va sortir de l’oeil, et être branché à une lunette. Ce procédé permet de redonner un peu de vision aux aveugles. C’est à dire que les personnes vont distinguer à nouveau une ligne blanche par exemple. Nous n’en sommes qu’au début mais tout progrès commence par là !
On va également encore plus loin avec les greffes de cellules souches rétiniennes : pour cela, il faut là aussi qu’il y ait une atteinte localisée dans la rétine, et que le nerf optique fonctionne. Pour l’heure, on avance qu’au niveau de l’oeil, mais pas encore du nerf optique et du cerveau : il faut donc que le trajet fonctionne.
Ecrans: attention les yeux !
On parle beaucoup de l’influence des écrans : pensez-vous que les jeunes générations vont connaître davantage de difficultés ?
Le problème c’est que les écrans sont constitués de LED. En apparence la lumière est blanche, mais le pic d’émission est très souvent davantage dans le bleu. Or, le bleu de haute énergie est proche de l’ultra-violet, et est donc dangereux pour la rétine. On ne parle pas encore de problème de santé publique, mais je crains pour l’avenir. Il existe cependant des lunettes avec un filtre jaune qui permettent de filtrer la lumière bleue.
A SAVOIR
Le Pr Laurent Kodjikian donnera une conférence grand public sur la DMLA à l’hôpital de la Croix-Rousse le lundi 22 Juin à 18 heures.