Le rebond épidémique se confirme et montre, une semaine après la levée des mesures sanitaires et notamment celle du masque obligatoire, que la menace de la Covid-19 est loin d’être écartée. Portés par le sous-variant BA.2. Omicron, les taux d’incidence augmentent dans tous les départements d’Auvergne-Rhône-Alpes. De quoi susciter un regain de vigilance, sans pour autant alarmer outre-mesure, selon les épidémiologistes lyonnais Philippe Vanhems et Bruno Lina, qui soulignent l’impact jusqu’ici très relatif sur le système hospitalier. Leur principale crainte ? Qu’un nouveau variant ne vienne amplifier brutalement cette sixième vague…
On l’aurait presque oublié, ce satané Covid-19. L’air printanier, la levée des restrictions le 14 mars dernier et, surtout, le ras-le-bol général après deux ans d’épidémie nous ont offert le plus imprudent des cocktails. La sixième vague, en effet, est bel et bien en train d’enfler et accapare de nouveau une attention un temps détournée par les coups de canons russo-ukrainiens.
“L’épidémie repart”, confirme le professeur Philippe Vanhems, épidémiologiste aux Hospices Civils de Lyon. Les taux d’incidence sont en hausse dans chaque département d’Auvergne-Rhône-Alpes (lire À SAVOIR), sous l’influence du sous-variant BA.2 d’Omicron. Bien sûr, le seuil impressionnant des 500 000 cas par jour atteint en janvier est encore loin, mais l’augmentation des contaminations à la Covid-19 est sensible, avec 89 763 cas recensés lundi dans le pays, contre 65 880 le lundi précédent (14 mars) et 52 715 celui d’avant (7 mars).
Sur les plateaux techniques lyonnais des laboratoires Biogroup, situés au Groupama Stadium et à la Clinique de la Sauvegarde, ce frémissement se fait plus que sentir. Alors que plus de 5000 dépistages PCR y sont réalisés chaque jour (contre 25000 en janvier au plus fort de la cinquième vague), le taux de positivité frôle déjà les 30% et ne cesse d’augmenter.
Covid-19 : la sixième vague reste sous contrôle
À l’heure où nombre de restrictions sont tombées, à commencer par celle du port du masque obligatoire, faut-il pour autant s’alarmer ? “Nous sommes face à des taux d’incidence élevés”, admet le Pr Vanhems, “mais nous n’analysons plus les seuils de la même manière. Durant les premières vagues, un seuil de 400 cas pour 100 000 habitants était jugé très préoccupant”. La situation a changé, et si “nous faisons face à un variant Omicron très transmissible, la source virale ne génère pas les mêmes inquiétudes en matière de gravité des cas”.
Les hôpitaux ne sont plus sous tension et l’épidémie de Covid-19, pour l’instant, est sous contrôle, comme l’explique le Pr Bruno Lina, lui aussi épidémiologiste à Lyon. “Il existe plusieurs facteurs qui freinent la progression du virus. Plus de 80% de la population a reçu deux doses de vaccin et environ 60% les trois doses. 20 millions de personnes ont été infectées par Omicron en France. C’est énorme. L’immunité collective contribue à ralentir l’épidémie mais elle n’est pas stérilisante. Résultat, on se retrouve aujourd’hui avec un taux d’incidence de près de 900 cas/100 000 habitants. Mais si nous avions connu un tel niveau de contamination il y a un an, on serait dans un chaos total !”
Covid-19 : le taux de contamination va continuer à progresser ?
La levée des mesures barrières, très attendue, favorise pourtant bien la reprise épidémique. Le gouvernement, qui ne s’attendait sans doute pas à ce rebond, s’est trouvé pris au piège de sa promesse d’un allègement au 14 mars. “Il aurait mieux fait de conditionner cet allégement à un taux d’incidence acceptable, et non à une date”, constate Philippe Vanhems. Mais les jeux sont fait, et rien ne laisse présager, pour l’instant, un retour en arrière et l’adoption de nouvelles mesures, tant le pays a su apprendre à composer avec l’épidémie. “Cette expérience de deux ans de crise sanitaire rend la population bien plus à l’écoute des messages de santé publique”.
De quoi rendre optimiste pour les semaines à venir ? C’est là toute la question. Selon le Pr Bruno Lina, “le taux de contamination devrait continuer de progresser dans les prochaines semaines en l’absence de mesures barrières, même si la hausse des températures devrait freiner l’épidémie. Le scénario actuel confirme qu’il va falloir apprendre à vivre avec le virus. Même si l’obligation de porter le masque a été levée, il faut garder les bons réflexes et ne pas hésiter à maintenir certaines mesures barrières comme le masque en intérieur. Maintenant, on va surveiller l’indicateur des hospitalisations, en espérant qu’un nouveau variant ne vienne pas gâcher notre été…“.
L’épidémie n’est pas derrière nous, c’est une évidence. Et rien, comme depuis deux ans, ne permet d’observer l’avenir avec certitudes. D’où la nécessité, en cette période de relâchement général, de maintenir une vigilance particulièrement accrue.
À SAVOIR
Au 21 mars, les taux d’incidences en Auvergne-Rhône-Alpes s’élevaient à 441 cas pour 100 000 habitants dans la Loire, 508/100 000 en Haute-Loire, 545 en Savoie, 560 dans le Rhône, 599 dans la Drôme, 621 en Isère, 624 en Haute-Savoie, 645 dans l’Ain, 792 dans le Puy-de-Dôme, 818 en Ardèche, 1032 dans le Cantal et 1065 dans l’Allier. Le taux d’incidence moyen, en France, est de 686 cas pour 100 000 habitants.