La natalité en France est en chute libre. Avec seulement 723 000 bébés nés en 2022, il s’agit du chiffre le plus bas depuis plus de 75 ans. Cette tendance préoccupante se reflète également dans le département du Rhône où la diminution des naissances soulève des enjeux majeurs en termes de natalité. Plus d’explications avec Jean-Loup Durousset, président du groupe hospitalier Noalys auquel appartient l’hôpital privé Natecia dans le 8ème arrondissement de Lyon, sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 25 mai 2023.
En France, le nombre de naissances a atteint son niveau le plus bas depuis 1946. Selon les dernières estimations de l’Insee, seuls 723 000 bébés sont nés en 2022. Ce qui représente une baisse de 19 000 par rapport à l’année précédente. Cette diminution importante suscite des inquiétudes quant à la fécondité des Français.
Dans un communiqué publié en début de mois, Jean-Loup Durousset, président du groupe hospitalier Noalys, a exprimé sa préoccupation quant au manque de politique familiale et à la diminution de la natalité. Selon lui, « la natalité n’a jamais été aussi basse. Le ministre de la santé reste silencieux et, chose étrange, il n’y a plus de ministère de la famille. Nous devons accompagner la jeunesse pour une politique familiale car la fermeture d’une maternité entraîne inexorablement la mort d’un territoire ». Invité de l’émission Votre Santé sur BFM Lyon, Jean-Loup Durousset a exprimé ce mardi 25 mai 2023 ses inquiétudes vis-à-vis de la diminution des naissances.
Une baisse de natalité constante depuis près de dix ans
À l’hôpital Natecia, quelles sont les baisses concrètes que vous observez actuellement ?
Le nombre de naissances à l’hôpital Natecia a atteint son pic le plus élevé en 2014 ; avec 4559 naissances. Depuis lors, nous constatons une baisse constante. Cette année, nous prévoyons entre 2100 et 2200 accouchements. Cela représente une diminution de moitié sur une période de neuf ans.
Comment expliquez-vous cette baisse progressive du nombre de naissances ?
Il y avait un phénomène qui pouvait être anticipé, car entre 1987 et 1993, nous avons déjà connu une baisse du nombre de naissances. Cela nous a amenés à envisager que le nombre de femmes en âge de procréer suivait cette tendance similaire. Cependant, il y a également un phénomène international de baisse de la fécondité. Initialement, la France avait un taux de fécondité de deux enfants par femme. Mais au fil des années, ce chiffre est passé à 1,8 et nous constatons que la tendance est toujours à la baisse.
La baisse des naissances : un phénomène national
La tendance à la baisse du nombre de naissances est-elle similaire dans les régions urbaines et rurales, aussi bien au nord qu’au sud du pays ?
En dehors de la Bretagne, qui connaît une baisse légèrement moins prononcée, la tendance à la baisse des naissances est observée à l’échelle nationale. Cependant, il convient de noter que certains territoires d’outre-mer, tels que Mayotte, ont connu une augmentation des naissances en mars 2023. Pour le reste du pays, la moyenne nationale indique une baisse d’environ 8% des naissances en mars 2023.
Ressentez-vous une menace pour votre établissement dans le Rhône ?
Nous sommes confrontés à plusieurs enjeux importants. Tout d’abord, l’équilibre économique de notre établissement est fragile, notamment en raison des récentes crises, telles que la pandémie de COVID-19, que nous avons traversées. De plus, nous faisons face à une pénurie de personnel, ce qui complique davantage la situation. En outre, nous devons constamment nous adapter à la baisse des naissances, ce qui nécessite des ajustements continus. Malheureusement, la vitesse à laquelle nous pouvons nous adapter est plus lente que celle à laquelle les naissances diminuent. Cela crée des difficultés majeures pour notre établissement, car nous devons constamment faire face à des changements et des ajustements rapides.
Quel est le seuil de naissances à partir duquel un établissement risque de fermer ?
Le seuil de fermeture d’un établissement obstétrique dépend de sa configuration. Si l’établissement dispose d’une grande superficie, comme trente mille m2 de bâtiments, cela diffère d’un établissement plus petit. Pour se réadapter, il est nécessaire de diversifier les activités et de trouver des praticiens qui peuvent compléter avec des activités chirurgicales ou médicales.
Dans la région Rhône-Alpes, il existe cinquante-trois établissements obstétriques. Parmi eux, vingt-deux établissements réalisent moins de mille naissances. Si on appliquait la règle qui préconisait autrefois la fermeture des maternités réalisant moins de mille naissances, cela signifierait que la moitié des départements n’auraient plus de maternité.
Dans le Rhône, nous sommes relativement bien lotis. Il faut noter que parmi les départements français, il y en a quatre qui réalisent plus de deux mille accouchements par mois. Il s’agit de l’Île-de-France (Paris), le Nord, les Bouches-du-Rhône avec Marseille et le Rhône avec Lyon. Cependant, dans le reste du pays, il existe des départements où le nombre d’accouchements est inférieur à cent.
Concrètement, quels sont les changements que vous espérez avoir afin de faire face à la situation ?
Plusieurs éléments sont à prendre en considération. Tout d’abord, il existe une absence de préoccupation concernant la santé économique des établissements de santé. Il n’y a pas de symposium ou de regroupement des acteurs impliqués pour favoriser les échanges et discuter de la situation. Cette absence de coordination est préjudiciable. Il a été suggéré à l’agence régionale de santé de réunir les acteurs concernés afin de coordonner les efforts, partager les difficultés et dresser un constat commun.
Maternité repoussée et avancées contraceptives
Remarquez-vous une tendance où les femmes deviennent mères à un âge plus avancé ?
Il est évident que la notion de parentalité a évolué ces dernières années. La vision traditionnelle de la parentalité d’il y a trente ans n’est plus la norme d’aujourd’hui. Dans nos établissements, nous accueillons la parentalité telle qu’elle est présente, que ce soit des jeunes couples, des couples plus âgés, recomposés, homosexuels ou autres. Il est crucial d’accompagner ces nouveaux parents et de mettre en place des campagnes pour célébrer la fierté d’être parent, quelles que soient les situations. Il est regrettable qu’il n’y ait plus de ministère de la famille, comme si la famille traditionnelle était devenue péjorative.
Est-ce que l’évolution des moyens de contraceptions, y compris la vasectomie chez les hommes, a également contribué à ce phénomène ?
Les deux phénomènes ont joué un rôle important. Tout d’abord, l’accès à une contraception différente pour les hommes a eu un impact significatif, avec une situation croissante de méthodes contraceptives masculines dans les établissements de santé. En ce qui concerne les femmes, il y a eu un décalage entre l’âge moyen de la maternité. Il y a dix ans, l’âge moyen était de vingt-huit ans, aujourd’hui il est de trente ans, et il pourrait atteindre trente-et-un an demain.
Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du 25 mai 2023 sur Ma Santé TV.
À SAVOIR
Contrairement aux idées reçues, la crise COVID et les confinements à répétition n’ont pas entraîné une augmentation des naissances. La période morose de la pandémie n’a pas favorisé un sentiment d’optimisme nécessaire pour concevoir un enfant. De janvier à mars 2021, une baisse de 20% des naissances a été observée.