Régimes drastiques, émissions de télé-réalité mettant en scène des pertes de poids spectaculaires… les patients rêvent aujourd’hui de se sculpter un corps de rêve au moyen de techniques extrêmes. Cédric Ben Chemhoun, nutritionniste et diététicien à Lyon, met en garde contre ces promesses bien trop alléchantes…
Récemment, de nombreux « hyper régimes » ont été incriminés. Faut-il dès lors se méfier dès qu’on entend ce terme ?
Le problème est que le mot régime est devenu un terme fourre-tout. Au départ, il s’agit d’un concept intéressant, visant à équilibrer le schéma alimentaire d’un patient. Le problème est qu’au fil des années, les patients ont demandé des résultats de plus en plus rapides, ce qui a permis à certains charlatans de promouvoir des régimes très violents, supprimant par exemple les féculents ou les protéines. Certains protocoles préconisaient même des jours de jeûne pour créer des déficits. De ce fait, l’inconscient collectif associe au régime l’idée de frustration. Du coup, les spécialistes de la nutrition ont abandonné ce terme, au profit de « régulation nutritionnelle » ou « réapprentissage alimentaire ».
Régimes et effet yoyo
Les régimes s’accompagnent-ils nécessairement d’un effet yoyo ?
Pas du tout, l’effet yoyo apparaît chez l’humain quand la perte de poids induite se produit sans accord cérébral. Dans les régimes très agressifs, on perd souvent plus de muscle que de graisse. Le gros problème est que cette fonte rapide est très stressante pour le cerveau. Ce dernier va se souvenir que la perte de poids s’est faite sous la contrainte. Du coup, le jour où vous rouvrez les vannes, votre cerveau va fonctionner comme un ordinateur qui restaure son système. Il va essayer de se remémorer quand il a eu une journée sans stress, et forcément, il va se rendre compte qu’il se sentait bien avant le régime. Quand on ne fait pas un régime structuré, on peut reprendre plus de poids car le corps est naturellement constitué pour stocker. Pour ne pas avoir cet effet yoyo, il faut donc que ce soit le cerveau qui soit à l’origine de la fonte. Le cerveau doit comprendre qu’il est plus économique pour lui de déstocker. Ces kilos perdus sans stress seront perdus durablement.
Les limites du sport pour maigrir
Sur la TNT, on voit de nombreuses émissions dans lesquelles des personnes en très fort surpoids perdent jusqu’à 70 kg en un an, notamment au moyen d’entraînements sportifs militaires. Quel regard portez-vous sur ces programmes ?
Cela véhicule beaucoup de fausses idées sur la perte de poids. Mes patients regardent ces émissions et s’imaginent que si de telles pertes sont possibles, ils pourront eux-aussi aisément perdre 10 à 15kg. Le problème est que chez ces patients en obésité morbide, faire du sport du matin au soir va créer un déficit calorique très important. Mais une personne qui a simplement 10 kg en trop ne perdra pas un gramme car le corps fonctionne très différemment. Chez quelqu’un qui ne souffre pas d’obésité morbide, le sport ne fait pas maigrir mais il empêche cependant de grossir. De nombreuses patientes se plaignent de conserver leur cellulite malgré des heures de sport quotidien. Quand on a accumulé des graisses sur le ventre, faire des abdos ne va pas suffire, la seule manière de les ôter est de perdre du poids de manière globale en passant par une phase de nutrition pour se réadapter.
Perte de poids, soyez réalistes !
Tous les objectifs ne sont donc pas atteignables ?
Non, certains objectifs ne sont pas accessibles en raison de la morphologie de la personne. En ce moment, je reçois de nombreuses femmes qui veulent avoir le « tigh gap » (écart entre les cuisses, ndlr), sauf que cela est une question de génétique et d’ossature. Si vous avez un bassin étroit, vous pourrez essayer, vous ne l’aurez jamais. Lors de la première consultation, après osculation complète, nous allons déterminer ce qui est faisable en termes d’objectifs. Certains veulent perdre beaucoup plus que nécessaire mais en général, on trouve toujours un objectif avec le patient. Je vais bien expliquer le protocole envisagé et la durée de suivi en fonction de la localisation de la graisse. On va éventuellement utiliser des appareils pour cibler certaines zones. En fonction du résultat, on va ensuite voir si on assouplit si la perte de poids est rapide, ou voir s’il y a des intolérances alimentaires. On organise des rendez-vous tous les 15 jours. Pour avoir un résultat efficace, il faut faire du sur-mesure.
A savoir
L’IMC (indice de masse corporelle) est le rapport entre votre taille et votre poids. Pour le calculer: poids/taille x 2. Un individu de corpulence normale présente un IMC compris entre 18,5 et 25. Chez l’adulte, un indice compris entre 25 et 30 est considéré comme un signe de surpoids, un indice compris entre 30 et 35 s’assimile un signe d’obésité modérée, alors qu’on parle d’obésité sévère si un individu affiche un IMC entre 35 et 40. Enfin, il est question d’obésité morbide lorsque l’indice de masse corporelle dépasse 40.
Sur la planète, l’épidémie de surpoids et d’obésité toucherait aujourd’hui 2,1 milliards de personnes, soit près de 30% de la population mondiale, dont plus de 62% dans des pays en développement. Avec l’évolution de la “malbouffe”, cette tendance pourrait s’accentuer dans les prochaines années pour toucher la moitié des adultes dans le monde d’ici à 2030 selon une étude publiée récemment par le McKinsey Global Institute.