Près d’un sénior à domicile sur dix souffre de dénutrition. Perte d’appétit, isolement, difficultés à faire ses courses… Si les causes sont multiples, les conséquences le sont aussi entre perte de mobilité, chutes et aggravation des maladies chroniques. Face à ce fléau silencieux, Aline Victor, cheffe de projet chez Nutrisens, le spécialiste lyonnais de la nutrition santé, lance la plateforme NutriD, dédiée à la nutrition des personnes âgées. Un concept innovant répondant à un réel besoin, qu’elle est venue présenter sur le plateau de l’émission Votre Santé.
Maladie passée sous silence, la dénutrition touche près de 700 000 personnes âgées en France selon la Société Francophone Nutrition Clinique & Métabolisme (SFNEP). Si les séniors hospitalisés et en institution sont particulièrement concernés, les personnes âgées vivant à domicile ne sont pas épargnées. Le constat, affligeant, révèle ainsi que 10% d’entre-eux ne se nourrissent pas suffisamment. Avec à la clé des conséquences potentiellement gravissimes.
Véritable enjeu de santé publique, ce fléau a poussé Aline Victor, cheffe de projet Expert Nutrition & Business Developpement au sein du Groupe Nutrisens, à lancer il y a un an la plateforme NutriD, dédiée à la nutrition des personnes âgées. Invitée de l’émission Votre Santé du jeudi 20 janvier sur BFM Lyon, elle a répondu aux questions d’Élodie Poyade et de Pascal Auclair, rédacteur en chef du groupe Ma Santé, sur cette épidémie mal connue chez les plus âgés.
Les séniors ont besoin d’être accompagnées par un nutritionniste diététicien
Pourquoi avoir créé cette plateforme ?
Mon expérience dans le médico-social m’a permis de comprendre qu’il existe deux facteurs importants à prendre en compte dans la vie des personnes âgées. D’un côté, il y a la fragilité et de l’autre, la dépendance qui entraîne également des risques. Elles doivent donc être pris en charge pour déconstruire leurs idées reçues sur la nutrition. Elles ont donc besoin d’être accompagnées par un nutritionniste diététicien.
Le problème est qu’elles sont souvent seules dans ce domaine lorsqu’elles sont maintenues à domicile. Ou alors, elles sortent de l’hôpital sans réels conseils nutritionnels. L’objectif de la plateforme est donc de leur faire bénéficier des consultations, à distance en limitant la fracture entre l’hôpital et le retour à domicile et maintenir une continuité dans la prise en charge nutritionnelle.
Concrètement comment cela fonctionne ?
Le principe est le même que celui de Doctolib. Après s’être identifiée, la personne âgée pourra avoir accès aux plannings des différents diététiciens. Elle pourra alors choisir le professionnel et le créneau horaire qui lui convient et la payer directement en ligne. Ensuite, le diététicien reçoit une notification de rendez-vous. À l’heure convenue, il contactera la personne âgée par téléphone.
La démarche en ligne peut s’avérer complexe pour ceux qui ne sont pas à l’aise en informatique. Comment sont-elles accompagnées ?
Il existe deux types de personnes âgées face à l’informatique. Celles qui maîtrisent bien et celles qui au contraire vont avoir besoin d’aide, généralement des personnes fragiles voire dépendantes. Un proche aidant ou de l’entourage peut donc les accompagner pour la prise de rendez-vous. Au sein de Nutrisens, nous avons également une équipe pouvant guider ceux qui en ont besoin.
La diététique faussement associée au régime
Un an après la création de la plateforme NutriD, quel premier bilan pouvez-vous tirer ?
La crise sanitaire et notamment les périodes de confinement ont rendu difficile le lancement de la plateforme. Un autre problème auquel nous sommes confrontés concerne les idées reçues des personnes âgées sur la nutrition et la diététique. Certains associent par exemple la diététique au régime. Il en résulte donc une crainte dans la démarche de contacter les diététiciens. Or, l’objectif des diététiciens est d’accompagner les personnes âgées à mieux se prendre en charge, à limiter leur fragilité et à améliorer leur quotidien.
Combien de temps faut-il à une personne âgée pour retrouver une nutrition normale ?
La consultation sur la plateforme dure trente minutes. Au bout de deux ou trois séances d’explications, la personne âgée arrive généralement à reprendre de bonnes bases de nutrition.
“Casser l’idée fausse que lorsqu’on vieillit on doit moins manger”
Pourquoi la question de la nutrition est-elle si importante chez les personnes âgées ?
L’étape de la fragilité arrive en général autour de 65 ans, au moment où les maladies chroniques s’aggravent, telles que le diabète, l’obésité, les maladies cardiovasculaires ou encore la dénutrition, qu’on connaît moins. Si cette fragilité est prise en charge suffisamment tôt, on peut ainsi limiter la dépendance et maintenir les séniors à domicile le plus longtemps possible. L’année des 65 ans est donc charnière pour limiter la fragilité et la dénutrition.
Quels sont les signes d’une dénutrition ?
L’un des principaux signes est la perte de poids. Une personne âgée qui perd beaucoup de poids rapidement signifie qu’elle perd de la masse musculaire, ce qui entraîne une perte de mobilité et d’autonomie. Cela veut dire que la personne ne peut plus faire ses tâches de la vie quotidienne seule et ne peut plus faire ses courses elle-même. La perte d’appétit et de l’envie de manger sont également des critères primordiaux qui doivent interpeller.
Quels conseils pouvez-vous donner aux personnes qui ont perdu l’appétit voire qui souffrent de dénutrition ?
Il faut tout d’abord casser l’idée fausse que lorsqu’on vieillit on doit moins manger. Il faut au contraire manger de la même façon en gardant l’appétit et le plaisir de manger : donc ne pas s’arrêter de manger de la viande ou encore des produits laitiers.
Lorsque la dénutrition est installée et qu’il y a eu une véritable perte d’appétit et de poids, il est important de consommer des produits enrichis en protéines et en calories. La personne doit également faire appel à son médecin traitant pour qu’il lui prescrive des compléments nutritionnels oraux en pharmacie. Enfin, il faut également réussir à combler les carences en calories ou en protéines par des aliments riches.
Existe-t-il des erreurs à ne pas commettre pour éviter la dénutrition ?
Il ne faut surtout pas manger léger le soir : une soupe et un yaourt par exemple, en pensant que cela va suffire. Il faut au contraire se faire plaisir, manger de manière qualitative et suffisamment pour combler les besoins nutritionnels de l’organisme.
À SAVOIR
Dédiée à la nutrition des personnes âgées, la plateforme NutriD met en lien les séniors avec des diététiciens nutritionnistes spécialisés dans la dénutrition. La plateforme de téléconsultation est accessible via ce lien : www.nutrid-online.com