Manque d’appétit, vêtements trop amples, fatigue… Les premiers signes de la dénutrition, qui touche 4 à 10% des séniors à domicile et 60% des séniors hospitalisés, doivent être pris très au sérieux. Un diagnostic précoce de cette maladie indolore et silencieuse est indispensable pour favoriser une prise en charge efficace, comme l’explique le professeur grenoblois Éric Fontaine, responsable de l’unité de nutrition artificielle du CHU de Grenoble.
La dénutrition est souvent perçue comme un fléau réservé aux pays pauvres, en proie à la famine et au manque d’eau. Il existe pourtant plusieurs formes à cette maladie très présente en France, où elle toucherait plus de 2 millions de personnes, soit un peu plus d’une personne sur trente. Nombre de patients ignorent même en être victime.
La dénutrition est une maladie indolore, donc perçue sans gravité. Elle est fréquemment la conséquence d’une maladie primaire, à laquelle on en attribue à tort les symptômes (perte d’appétit, amaigrissement, fatigue…) Il s’agit pourtant bien d’une pathologie à part entière, succédant souvent à la première maladie mais nécessitant des soins bien spécifiques. Elle peut conduire à l’hospitalisation du patient et, dans certains cas, à son décès.
Dénutrition : des victimes fragilisées
Les personnes âgées en perte d’autonomie, les personnes souffrant de maladies chroniques, les malades du cancer et les personnes hospitalisées en soins intensifs font partie des populations les plus touchées.
On recense deux millions de personnes dénutries en France, dont 400 000 séniors dénutris à domicile et 270 000 séniors dénutris en EHPAD. 10% des enfants hospitalisés seraient également concernés, ainsi que 20 à 40% des personnes hospitalisées pour des pathologies lourdes.
Dénutrition: des causes multiples
- Une pathologie lourde fragilisant le métabolisme du patient : cancer (40% des malades cancéreux sont dénutris), SIDA, etc.
- Une maladie neurodégénérative (40 % des malades d’Alzheimer sont dénutris)
- L’isolement, qui réduit l’envie et la possibilité de faire ses courses et donc d’accéder à la nourriture
- Le vieillissement : le risque de développer une maladie grave augmente avec l’âge
- Un trouble d’ordre psychologique (anorexie, dépression)
- L’absorption de médicaments contre l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque ou le cancer (sensation de nausée)
- La consommation d’alcool (réduction de l’appétit) ou de tabac (altération du goût et de l’odorat)
Comment prévenir la dénutrition ?
- S’alimenter de manière riche et conséquente
- Se peser régulièrement
- Supprimer les régimes, qui après un certain âge favorisent la dénutrition
- Avoir une bonne hygiène bucco-dentaire, afin de ne pas être gêné pour manger
Dénutrition : les signes qui doivent alerter
Le malade lui-même, mais aussi l’entourage et les professionnels de santé (médecin généraliste, infirmier…) sont à même de détecter les premiers signes de la dénutrition. Dans ce cas, allez consulter ! Un dépistage précoce est en effet essentiel pour favoriser une prise en charge efficace.
- Une perte de poids inexpliquée (hors régime spécial ou programme diététique)
- Des vêtements trop larges, une ceinture resserrée, etc.
- Des portions alimentaires de plus en plus réduites
- Un manque d’appétit
- Des placards/réfrigérateurs vides ou remplis de produits périmés
- Une fatigue chronique
Des traitements adaptés aux patients
Il existe trois formes principales de soins, administrés de manière progressive en fonction de l’évolution de la dénutrition. L’approche médicale peut toutefois s’accompagner d’une prise en charge psychologique pour agir sur la ou les causes de la dénutrition. Le traitement, en tout cas, ne peut fonctionner sans la volonté du patient.
L’enrichissement alimentaire consiste à privilégier des plats à forte teneur en calorie et protéines. Privilégiez fromage, charcuterie, matières grasses, etc. Contrairement aux préceptes actuels, ne limitez pas les aliments gras et sucrés. Commencez votre repas par les aliments riches et terminez par les légumes et les fruits.
Les compléments alimentaires oraux se présentent sous formes variées : crèmes et desserts enrichis, purées de fruits, boissons, pains ou biscuits. Ce sont des solutions pratiques : prêt à l’emploi, à mélanger ou à textures adaptées. Ces aliments sont prescrits et en partie remboursés (voir la liste des produits remboursables sur www.ameli.fr).
La nutrition artificielle, en hospitalisation puis à domicile (sonde ou voie intraveineuse) : un recours particulièrement efficace lorsque le patient n’a pas faim.
De lourdes conséquences sur la santé
La dénutrition est une maladie sous-estimée, dont on peut mourir. Ses effets peuvent être particulièrement pénibles sur le quotidien, provoquant une altération générale de l’état du patient (fatigue, amaigrissement), une fonte de la masse musculaire propice aux problèmes respiratoires, chutes et fractures, une fragilisation des défenses immunitaires.
La dénutrition peut aussi engendrer des troubles d’ordres psychologiques et comportementaux (anorexie, dépression…), ainsi que digestifs (fécalomes, diarrhées, etc.)
En cas de maladie chronique, la dénutrition aggrave les symptômes de la pathologie primaire, favorise les complications post-opératoires, retarde la guérison et, en cas de maladie incurable, réduit de 50% l’espérance de vie du patient.
À SAVOIR
En janvier 2016, le professeur Fontaine a créé un collectif de lutte contre la dénutrition (CLD) regroupant des professionnels de santé, des usagers, des aidants, des sociologues, des personnalités religieuses et politiques, des économistes. La réflexion citoyenne et politique sur les moyens de lutter contre la dénutrition a abouti à un manifeste signé par près de 6 000 personnes.