Les députés viennent d’assouplir la loi Evin qui limitait de manière stricte la publicité pour l’alcool en France. Un amendement vivement critiqué par la ministre de la Santé et les associations de prévention contre l’alcoolisme. Comment devient-on dépendant à l’alcool ? Comment lutter contre ce fléau de la société ? Les réponses de spécialistes en Haute-Savoie.

Quand l’alcool n’est plus un plaisir…

Qui vient consulter dans votre structure et quel est leur parcours  ?

­Pascal Griglio : Les personnes téléphonent ou passent, la secrétaire écoute leurs demandes et les oriente. Une partie nous est aussi adressée par la Justice, pour les obligations de soins, par leurs médecins traitants, ou parfois accompagnés d’une structure médico-sociale : un centre d’hébergement, d’insertion. Ou bien de leur entourage, mais ce n’est pas le plus fréquent. Mais le le plus important, c’est de passer la porte !
Francine Michel : Il y a différentes périodes dans l’alcoolisation. Avant de venir nous voir, l’entourage va essayer beaucoup de choses : la réflexion, contrôler les bouteilles, et c’est quand ils n’en peuvent plus qu’ils vont appeler. Quand l’entourage dit « ce serait bien que tu consultes », la personne dit « non, je n’en suis pas là quand même ». C’est un produit totem pour notre beau pays et dans la tête des personnes, tout le monde boit…

A quel moment faut-il venir vous voir, ? Quand la consommation dépasse-t-elle le cap du « trop » ?

­PG : Trop, c’est quand ça commence à poser un problème, tout simplement.
FM : tout le monde est différent devant l’alcool mais souvent, quand on a de petites réflexions de l’entourage, genre « tu en as pris une bonne hier soir, t’as mal aux cheveux ? », qui reviennent assez souvent, là, la personne peut se poser des questions.
PG : Ça peut aussi être une personne qui dérape, veut se tester, arrête, cherche à reprendre le contrôle mais s’aperçoit que ce n’est pas si simple que ça. Ou quand la consommation prend un sens auto thérapeutique, que le patient ne l’utilise plus dans le partage convivial mais qu’il y trouve un sens de médicament pour soulager une tension, un stress, se donner du courage.
FM : Car au début, l’alcool, ça marche bien ! Mais au fil du temps, il faut augmenter la dose pour être pas trop mal plutôt que bien. Le piège est là !
PG : Quand les patients évoquent l’image de l’alcoolique, ils vont décrire quelqu’un qui n’est pas eux. Au fond, ils le savent, mais c’est trop douloureux.

Consulter en priorité son médecin traitant

Par où commencer si l’on se pose des questions ?

PG : Un médecin de ville peut aborder le sujet. Il y a une dizaine d’années a été mis en place un repérage précoce où les médecins doivent intégrer dans leur questionnaire les habitudes, antécédents autour de la consommation d’alcool. Il peut être utilisé soit lors de la première consultation, soit régulièrement à des moments clés.
Le médecin doit aussi définir le stade où en est le patient. Si on est dans l’usage simple, s’il a basculé dans le mésusage ou s’il est dans une relation de dépendance. Cela ouvre le dialogue, se fait au moins sur deux consultations. On fixe des objectifs avec le patient, on voit s’il les atteints ou non. Si cela fonctionne, souvent c’est qu’on était dans un mésusage, avec une possibilité de revenir en arrière et contrôler la consommation.

Que cherche-t-on à savoir ?

PG : Ces interventions de repérages précoces sont très cadrées. On cherche certains signes : hypertension, prise de poids, irritabilité, troubles du sommeil… Rien de spécifique, mais un faisceau de faits. Il y a aussi des examens biologiques pour chercher des perturbations au niveau du foie, des transaminases ou des gamma GT. Un repérage précoce peut aussi passer par un auto questionnaire : le questionnaire AUDIT, le DETA, ou le Fagerström sur le tabac. Quand on a déterminé le stade où en est le patient, la proposition de soins est un terrain compliqué car le patient ne perçoit pas son stade comme nous. Il faut donc trouver un terrain d’entente.

Quelle différence entre mésusage et dépendance ?

FM : La barrière est très floue des deux côtés : il n’y a pas de clignotant orange. Il peut y avoir dépendance physique, ou psychologique et comportementale : c’est lié au lieu et au mode de consommation.

Comment s’y retrouver ?

FM : La dépendance physique, c’est quand il y a des signes de sevrage, de manque quand on décide d’arrêter : tremblement, sueurs dans la nuit et le matin, poussées de tension ou risque de crise d’épilepsie, crises calmées par la reprise du produit. Il faut donc être prudent en s’engageant sur une diminution ou un arrêt de l’alcool, pour être sûr qu’il n’y ait pas d’incident. Le sevrage d’alcool, on peut en mourir. Le sevrage sauvage est donc dangereux.

Sevrage à l’alcool: les bienfaits de la cure

Combien de temps cela peut-il prendre pour arrêter l’alcool ?

PG : Les Csapa ne font que de l’ambulatoire et de l’orientation. Notre travail est de convaincre le patient, si c’est nécessaire, de passer en établissement hospitalier pour un sevrage en toute sécurité.
FM: Un sevrage, c’est maximum 8 jours. Lorsqu’il va sortir, il va être rattrapé par ses envies, et ça se travaille en ambulatoire, en consultation pour travailler à entrer dans une vie en dehors de l’alcool, se reconstruire. En ambulatoire, ce n’est pas impossible si l’environnement est favorable. Sinon, c’est là que que la cure peut se poser comme solution. Elle dure alors pendant environ quatre semaines. Si l’entourage est en souffrance, c’est la période où ils viennent nous rencontrer pour effectuer un travail sur l’après cure. Car au retour, la personne va être différente, il va y avoir des « ardoises » relationnelles. Cela peut durer donc de quelques semaines à quelques mois, voire une année.

Cela arrive-t-il souvent d’aller jusqu’à la cure ?

FM : Il y a très peu de places dans les hôpitaux. C’est compliqués de mettre un patient en sevrage. Or nous avons bien 3 à 4 sevrages par mois, l’hôpital local en a autant sans parler des médecins traitants. On oriente du coup plutôt les gens vers un centre qui peut prendre en charge également la première semaine de sevrage comme à Hauteville.
PG : Il existe également des centres spécialisés qui accueillent des femmes, qui représentent 30% des patients. Il en existe en Ardèche, dans la Dôme… Il n’y a que des femmes avec enfants en bas âge, pour des séjours jusqu’à 6 mois. Il y a dans le Jura un centre post cure quand la situation nécessite un temps un peu plus long, de l’insertion professionnelle…

De nouveaux traitements pour arrêter l’alcool

Cela est-il pris en charge ?

FM : La cure pour l’addiction est prise en charge à 100%.
PG : On peut aussi être en affection de longue durée, tous les soins en rapport à l’alcool sont alors pris à 100%.

Quel est le taux de réussite ?

FM : Le taux de réussite est d’environ 30% à un an pour les produit licites ou illicites.

Y a-t-il eu du nouveau dans le traitement de l’addiction à l’alcool ?

PG : De nouvelle thérapeutiques sont apparues ces dernières années par le biais de médicaments. Il y a des molécules validées depuis de nombreuses années comme le Naltrexone et l’Acamprosate. et plus récemment deux nouvelles sont apparues. Le Baclofène, qui bénéficie d’une recommandation temporaire d’utilisation depuis mars 2014, qui aide au maintien de l’arrêt de l’alcool, et à la gestion de la consommation dans un cadre très précis : ce n’est pas un médicament de première ligne, mais de seconde intention après de multiples échecs. Ce peut être une arme intéressante quand la pulsion reste forte après l’arrêt.
Et en septembre 2014 il y a eu une autorisation de mise sur le marché européenne pour le Nalmefene, dans une indication d’aide à la diminution de la consommation d’alcool pour les patients dont la consommation est supérieure à 6 verres standards par jour. Cela nécessite un suivi psychosocial, on ne prend pas ça tout seul. C’est une aide à un moment donné dans le parcours.
(1) Les députés ont modifié la loi Évin en refusant de revenir sur un amendement du Sénat distinguant information et publicité sur l’alcool. En d’autres termes, cet amendement rend possible l'”information” sur l’alcool si celle-ci n’est pas considérée comme de la publicité.

Un alcoomètre développé par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) permet désormais d’évaluer la consommation d’alcool des internautes et de déceler ainsi un éventuel risque pour la santé. D’autres sites comme alcoolassistance.net ou masef.com proposent également des tests pour connaître votre dépendance à l’alcool

Des spécialistes de la dépendance à l'alcool
Francine Michel, Pascal Griglio et Jennifer Guiot, secrétaire du Csapa de Cluses.

A savoir

Le Centre de soins d’accompagnement de prévention en addictologie (CSAPA) est une association loi 1901 nationale, qui dépend de l’Anpaa (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie) de Paris. En Haute-Savoie, elle compte quatre centres, à Annecy, Cluses, Thonon et Annemasse. Cluses et Thonon sont généralistes et prennent en charge les addictions à toutes substances psychoactives, licites ou non. Annecy et Annemasse sont spécialisés en alcool et tabac et aux addictions sans produit : jeu, sexe…

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Figure du monde de la santé en Auvergne-Rhône-Alpes, il traite de vos pathologies sur les ondes comme sur le web.

1 COMMENTAIRE

  1. bonjour ! je m’appelle serge alcoolique abstinent je Vien de faire ma deuxième cure ,je me sent mieux car je suis suivi par un médecin en addictologie ! ma rechute est du à la banalisation de cette maladie j’ai crue que jetait guérie et non de plus belles pour retoucher le fond! pourtant averti ! et la j’ai beaucoup réfléchi je vais adopté un chiot petit lévrier italien car je me sens comme handicapé ! et sur que je vais intégré une école canine pour me recentrer et vivre différemment !? le fait de rassurer mon chien ce sera l’apaisement pour moi une manière sur et naturelle d’épanché une soif qui était chimique et destructrice ! puis ça fera deux heureux !

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