En 2021, 949 patients en attente de greffe sont décédés. Autant de personnes de tous âges qui auraient pu être sauvées si le don d’organes, en baisse depuis plusieurs années, devenait naturel et accepté. En cause, une opposition de plus en plus fréquente de l’entourage d’un proche disparu à autoriser un prélèvement d’organes, pour des raisons compréhensibles, mais loin d’être systématiquement légitimes. Tout l’enjeu, pour l’agence de biomédecine et les associations militant pour le don, est donc de convaincre chacun de donner son consentement en amont. Et de contribuer ainsi, en toute connaissance de cause, à sauver des vies. Explications, avec le concours du Dr Michel Corniglion, et de Chantal Gloriod, président et vice-présidente de l’Adot 69.
5 273 greffes ont été effectuées en France en 2021 suite au don d’organes (contre 6105 en 2017). Des chiffres en baisse, qui s’expliquent avant tout par une opposition de plus en plus fréquente des familles. Ces dernières, consultées au moment de la décision, ne sont pas toujours informées de la volonté de leur proche disparu. Elles manquent généralement de sensibilisation à cet enjeu de santé publique. Elles sont souvent amenées à prendre cette décision en état de choc et de sidération, ce qui n’aide pas à l’acceptation.
Les besoins sont toutefois immenses, et l’objectif est avant tout de faire reculer le taux de refus, en améliorant la prévention du oui. 17 000 malades figurent en effet sur la liste d’attente. Et trois d’entre eux décèdent chaque jour faute de greffe disponible.
Don d’organes : comment devient-on donneur ?
Selon la loi, chacun peut être donneur, suivant le principe du consentement présumé. Exprimer son accord à travers une carte d’ambassadeur conservée sur soi est le plus simple. Lorsque la volonté du défunt n’est pas connue, la famille est interrogée. Mais cette requête est formulée dans un moment douloureux et donc moins propice à un accord. L’entourage doit donc être clairement au courant de la volonté d’un donneur potentiel, exprimée de son vivant.
Comment refuser ?
Il suffit de s’inscrire sur le registre national des refus, accessible dès l’âge de 13 ans, les plus jeunes restant soumis à une décision parentale. Toute inscription n’est pas définitive : il est possible de changer d’avis et de sortir du ‘’registre du non’’.
Depuis 2017, la loi autorise à faire état d’un refus partiel (accord pour une partie des organes) : une avancée qui permet de limiter le nombre de refus définitifs.
Qui sont les donneurs d’organes ?
Les prélèvements d’organes sont effectués sur des personnes en état de mort encéphalique, principalement suite à des décès brutaux. En 2021, les prélèvements ont été effectués sur 1392 donneurs décédés et 521 donneurs vivants.
Un donneur donne en moyenne 3 à 4 organes. On peut donner à tout âge, mais la moyenne d’âge des donneurs est de 58 ans. Le don est bénévole et gratuit, tout comme la transplantation.
Quelles restrictions ?
Un bilan est effectué par l’équipe médicale sur la personne décédée afin de déterminer quels organes peuvent être prélevés. Les dossiers présentant des restrictions physiologiques (maladies, addictions, etc…) sont écartés.
À qui donne-t-on ?
Le don est rigoureusement anonyme. Les organes prélevés sont attribués en fonction de plusieurs critères aux personnes sur liste d’attente : urgence absolue, compatibilité de l’âge, distance géographique (les greffons ont un temps limité de survie), taille des organes…
Quels organes sont prélevés ?
- Les organes vitaux les plus fréquemment prélevés sont les reins (3251 greffes sur 5273 en 2021), le foie (1224), le cœur (408), les poumons (316), le pancréas (67). À noter également en 2021 6 greffes du ‘’bloc cœur-poumon’’ et 1 greffe intestinale.
- D’autres parties du corps peuvent également être prélevées : on parle alors de don de tissus humains. Cela concerne en grande majorité des greffes de cornée (5674 en 2021), de vaisseaux sanguins (457), de peau (302), de valves cardiaques (250) et d’os (90).
- De manière exceptionnelle, car l’opération est très complexe, des membres (bras, mains) ont déjà été prélevés.
Don du vivant, comment ça marche ?
Certains organes font l’objet d’un don du vivant. Ces prélèvements sont effectués le plus souvent dans la famille proche, sur la base du volontariat. Il s’agit principalement du foie, qui se régénère spontanément, et surtout du rein (un seul suffit en effet pour assurer les fonctions rénales). En 2021, sur les 3251 greffes du rein, 502 l’ont ainsi été suite à des dons du vivant.
Outre le don de sang, essentiel pour toute greffe et opération, le don de moelle osseuse répond également à une forte demande (cancers du sang, lymphomes…) Ce sont les cellules souches (hématopoïétiques ou CSH) qui sont prélevées, de deux façons différentes.
80% de ces prélèvements se font par filtration du sang, suite à l’injection d’un facteur de croissance des CSH. Les 20% restants sont prélevés sous anesthésie générale par une ponction dans l’os du bassin.
Pour donner, il faut s’inscrire sur le fichier mondial des donneurs volontaires de moelle osseuse, et avoir entre 18 et 35 ans. Le délai moyen d’appel est de 8 ans. 75% des inscrits sont des femmes, mais 75% des dons sélectionnés proviennent des hommes. Les dons masculins sont en effet les plus recherchés.
La France est en retard sur le don de moelle osseuse. Sur les 39 millions d’inscrits à l’échelle mondiale, on ne recense en effet ‘’que’’ 337 832 Français (contre par exemple 8 millions d’Allemands).
Pour s’inscrire : www.dondemoelleosseuse.fr
Comment améliorer le don d’organes ?
Il existe plusieurs leviers susceptibles de favoriser une meilleure réponse à la forte demande de greffes. La première consiste à faire baisser le taux de refus (33%) à travers une meilleure sensibilisation et une généralisation du consentement réel. Une même sensibilisation accrue doit conduire à une hausse des dons du vivant.
Différentes avancées scientifiques et médicales peuvent aussi améliorer le recours au don d’organes. En cas de consentement explicite du malade et de la famille, on peut ainsi envisager la limitation des soins thérapeutiques en soins palliatifs (autrement dit la définition de limites à l’acharnement thérapeutique). D’autres pistes concernent l’allongement des durées ischémiques (le temps de viabilité d’un organe une fois prélevé) ou encore l’atténuation des chocs thermiques imposés aux greffons.
Pour en savoir plus : France ADOT (Fédération des associations pour le don d’organes et de tissus humains)
À SAVOIR
En France, les lois sur la bioéthique sont révisées tous les 4 à 5 ans en France. La dernière de ces révisions remonte à l’été 2021 : à titre d’exemple, elle autorise notamment le don d’organes entre personnes porteuses du virus du VIH.