Après l’annonce de la grossesse d’une enseignante de 65 ans en Allemagne, enceinte de quadruplés, le monde médical s’insurge contre de telles pratiques. Pour Jean-Michel Dreyfus, gynécologue-obstétricien à Lyon, spécialiste de la fécondation in vitro, toutes les limites déontologiques et éthiques ont été dépassées en Allemagne….
Que pensez-vous de l’annonce de la prochaine maternité d’une femme de 65 ans en Allemagne, enceinte de quadruplés ?
C’est triste… Malheureusement, ce n’est pas la première fois. Déjà, dans un passé récent, certains journaux avaient fait l’apologie d’un médecin italien spécialisé dans la grossesse des personnes âgées. On assiste à une course au record très inquiétante, voir catastrophique pour notre profession et l’image qu’elle répercute dans l’opinion publique. On cherche à forcer la nature, à repousser toujours plus loin les limites sans la moindre considération éthique. Le problème est que l’on ne prend jamais en compte l’intérêt de l’enfant à venir, son équilibre et son développement. Or, le médecin a dans sa charte morale et déontologique une vraie nécessité de prendre en charge tous les aspects de la maternité. Il en va de sa responsabilité morale et éthique.
Des risques accrus avec l’âge de la maternité
Dans l’absolu, jusqu’à quel âge peut-on faire un enfant ?
Il n’y a pas de réponse précise à cette question. On peut juste recommander de faire des enfants à un âge “raisonnable”…
Qu’est-ce qu’un âge raisonnable ?
Pour un homme, on peut estimer que l’âge limite ne devrait pas dépasser 100 ans par addition des âges de l’homme et de la femme. Autrement dit, il ne faudrait pas dépasser 60 ans chez un homme si la femme à 40 ans, etc. Si la question de l’âge porte sur la mère, il faut savoir qu’en biologie, chez les primates supérieurs, incluant l’espèce humaine, il existe un phénomène physiologique appelé ménopause. Ce phénomène, absent chez les petits mammifères, apparaît entre 40 et 50 ans, voire bien avant en cas de ménopause précoce, parfois au-delà de 50 ans de manière exceptionnelle. Quoi qu’il en soit, plus on avance en âge, plus les risques sont élevés de faire une fausse-couche notamment. De même, le risque de voir survenir une malformation foetale (anomalie cardiaque, trisomie…) augmente de manière exponentielle à partir de 40 ans. Bref, au-delà de 45 ans, les chances de grossesses naturelles sont quasiment nulles et au-delà de 50 ans, on est carrément dans le déraisonnable.
Une faute médicale et déontologique
Pourtant, une femme de 65 ans attend bien des quadruplés en Allemagne…
Oui, mais en l’occurrence, on a quitté la normalité pour entrer dans le paranormal ou la dérive thérapeutique. C’est en fait un effet colatéral néfaste des progrès enregistrés depuis quarante ans dans la prise en charge de l’infertilité. On est dans le cas d’une fécondation in vitro avec don d’ovule et fabrication d’embryons multiples. La précaution élémentaire aurait été de transférer un ou deux embryons au maximum, mais jamais quatre ! C’est une faute médicale et déontologique, contre nature, avec un risque mortel à la fois pour la mère mais aussi pour les enfants qui vont naître. En effet, tous pèseront entre 800 et 1 000 grammes en raison de leur prématurité, avec de surcroît des risques évidents de lourdes séquelles neurologiques et de malformation.
De telles pratiques sont donc à bannir ?
Oui, car la grossesse est une épreuve physiologique. Il ne viendrait pas à l’idée d’envoyer une femme cosmonaute de 70 ans dans l’espace pour faire des expérimentations. Ce devrait être aussi le cas pour une femme enceinte chez qui les dangers sont majorés avec l’âge, avec une oxygénation moins bonne, parfois du diabète, un utérus altéré, des conditions anatomiques dégradées. Par ailleurs, des études ont démontré que les risques de mort maternelle sont multipliés par 200 lorsque la femme a dépassé 55 ans. Il est donc criminel, à mon sens, de favoriser artificiellement une grossesse comme c’est le cas en Allemagne.
Retrouvez la liste de tous les gynécologues-obstétriciens de votre commune ou de votre quartier sur http://www.conseil-national.medecin.fr/
A savoir
Enseignante allemande, une femme de 65 ans attend des quadruplés. Cette mère de treize enfants, par ailleurs sept fois grand-mère, a déjà fait germer une polémique lors de sa précédente grossesse, à 55 ans. Pour se justifier, Annegret Raunigk a expliqué qu’elle souhaitait “faire plaisir” à sa plus jeune fille” âgée de 9 ans qui désirait un petit frère ou une petite sœur…