Plus de 600 000 personnes sont atteintes d’épilepsie en France. Entre retard de diagnostic, souffrance psychologique et difficultés à appréhender les crises d’épilepsie pour certains épileptiques, le quotidien peut s’avérer difficile. Pour améliorer la vie des personnes épileptiques, l’Institut la Teppe, dans la Drôme, anime un projet de recherche sur un traitement innovant : la détection des crises d’épilepsie basée sur l’odeur. Zoom sur cette avancée avec le Dr Patrick Latour, médecin neurologue à l’Institut La Teppe, en charge du projet.
L’épilepsie se place en troisième position des maladies neurologiques en France, avec plus de 600 000 personnes atteintes. La majorité des patients épileptiques bénéficient de traitements efficaces. Mais les crises sont susceptibles de persister chez 30% d’entre eux, dits pharmaco-résistants)… D’où l’intérêt de savoir prévenir les crises, comme l’explique le Dr Patrick Latour, médecin neurologue à l’Institut La Teppe, dans la Drôme.
Comment se manifeste une crise d’épilepsie ?
En réalité, il faudrait parler d’épilepsies au pluriel. Il existe en effet plus de 60 types d’épilepsies différents, amenant également à une pluralité de symptômes. Une crise d’épilepsie est en fait le résultat d’un court-circuit dans une partie (crise focale) ou la totalité (crise généralisée) du cerveau. Les neurones du cerveau étant liés sous forme de réseau, des zones peuvent être touchées les unes après les autres par ce court-circuit.
Chaque zone du cerveau étant liée à une fonction cérébrale propre les atteintes au niveau du corps durant une crise d’épilepsie peuvent ainsi être différentes et provoquer des symptômes divers. On parle de crise généralisée lorsque toutes les zones du cerveau sont atteintes d’emblée. Cela peut entraîner des symptômes dans tout le corps (chute, tremblements généralisés…) mais aussi des signes cliniques. Ce type de crises d’épilepsie généralisées concerne environ 30% des personnes épileptiques.
Comment reconnaître une crise d’épilepsie ?
La crise se manifeste par des symptômes qui surviennent de manière brutale, sans que l’on puisse les contrôler. Elle dure en moyenne moins de deux minutes. On peut les reconnaître notamment grâce à une sorte de récurrence stéréotypée : cela entraîne les mêmes symptômes à chaque crise. Lorsqu’elle se termine, les patients peuvent soit revenir à un état “normal” soit mettre un peu plus de temps et avoir une sensation “bizarre” durant une période qui peut aller jusqu’à 30 minutes (période dite post-crise).
Les personnes épileptiques ne sentent pas toujours leur crise arriver parce que celle-ci survient brutalement. Il faut noter ainsi qu’en moyenne, les personnes atteintes d’épilepsie ne se rappellent que d’une crise sur deux. Certains d’entre eux ne se souviennent d’aucune d’entre elles. Le diagnostic peut ainsi s’avérer long à être posé.
Quels sont les symptômes qui doivent alerter ?
Cela va dépendre du type d’épilepsie et des zones du cerveau impliquées au cours d’une crise. Cela peut être des absences, des ruptures de contact. Ou encore des tremblements d’un membre, des hallucinations visuelles, auditives ou encore des sensations de picotements dans les bras… En résumé, il existe, pour les crises d’épilepsie focales, autant de symptômes différents qu’il existe de zone du cerveau. Les personnes épileptiques peuvent également voir apparaître certains symptômes puis d’autres qui s’enchaînent. Cela est en lien avec les zones du cerveau atteintes.
Dans le cas de crises généralisées, l’ensemble des neurones est court-circuité d’emblée. Les personnes peuvent tomber, trembler dans tout le corps etc (ici les types de crises d’épilepsie généralisées sont parfaitement identifiées et sont moins nombreuses que pour les crises d’épilepsie focales). Mais cela ne concerne que trois personnes épileptiques sur dix, et non l’ensemble d’entre eux.
Actuellement, quels sont les traitements de l’épilepsie ?
Il existe différents traitements médicamenteux pour éviter les crises. Ces traitements sont efficaces à 70%. Néanmoins, les patients dont les crises sont généralement contrôlées ne sont pas guéris pour autan. Il faut également noter que ce n’est pas parce qu’ils ne font plus de crises qu’ils vont forcément bien dans leur quotidien. Par exemple les médicaments peuvent avoir des effets secondaires (ralentissement, fatigue, stress, difficultés de concentration, isolement…). Il faut mentionner que parmi les thérapies, seule la chirurgie permet de guérir de l’épilepsie. Elle est donc proposée aux personnes épileptiques quand cela est possible (personnes épileptiques présentant des crises focales).
30% des personnes épileptiques sont donc pharmaco résistantes. Les traitements médicamenteux ne fonctionnent pas suffisamment pour éviter la survenue de crises d’épilepsie. Ceux pour qui l’opération n’est pas possible doivent donc vivre avec les crises d’épilepsie sans qu’ils puissent réellement les contrôler. L’objectif est d’améliorer la vie de ces patients en leur permettant de détecter. Et d’appréhender les crises d’épilepsie.
Quelles sont les avancées en terme de thérapie pour mieux gérer les crises ?
Pour aider les personnes épileptiques à mieux gérer leur crises au quotidien, on essaie de développer de nouvelles technologies permettant de les détecter. Dans un second temps d’essayer de les prédire le plus possible. En effet le but est qu’au final la personne épileptique puisse, grâce notamment de nouveaux objets connectés, comprendre la probabilité de faire une crise dans la journée en cours, par exemple. La finalité est de limiter au maximum les risques pour la santé des personnes épileptiques de la survenue d’une crise dans une situation particulière (accidents, mort subite inattendue durant la nuit, arrêt respiratoire puis cardiaque au décours d’une crise d’épilepsie) .
Il faut savoir que dans sept cas sur dix, les crises d’épilepsie entraînent des modifications de la fréquence cardiaque (tachycardie). De manière brutale. Nous travaillons donc sur un patch connecté, placé en face du cœur. Il serait capable de détecter la fréquence cardiaque ainsi que les mouvements.
Vous travaillez actuellement sur une méthode basée sur la “signature olfactive des crises” en lien avec l’odorat des chiens. De quoi s’agit-il ?
Quand la chercheuse qui a lancé cette idée nous a parlé d’une détection des crises d’épilepsie grâce aux chiens, j’étais un peu dubitatif. Au fil de ses études nous nous sommes rendu compte que les chiens avaient effectivement une capacité à détecter les crises d’épilepsie grâce à leur odorat. Il y aurait ainsi une odeur particulière sécrétée pendant la crise d’épilepsie, voire les quatre heures qui la précèdent. Les premiers tests réalisés (sur un petit nombre de personnes épileptiques) ont conclu que ce serait le cas pour les différents types de crises d’épilepsie.
Actuellement, nous allons débuter une étude sur 100 personnes épileptiques. Des patients ayant des crises différentes (focales et généralisées). Les objectifs de cette recherche est donc d’une part de confirmer l’existence d’une odeur particulière au moment de la crise et d’autre part d’estimer le temps que dure cette odeur avant et après la crise.
Où en êtes-vous actuellement pour cette étude ?
Pour le moment nous sommes dans la partie réglementaire de l’étude (demande de toutes les autorisations réglementaires pour ce protocole). Les essais devraient débuter dans les 6 mois. La mise en place et la réalisation de cette recherche demande toutefois des fonds importants. C’est pour cela que nous organisons différents événements afin de récolter des dons pour soutenir et mettre en place cette étude sur la signature olfactive des crises d’épilepsie.
À SAVOIR
L‘Institut La Teppe est un centre médical spécialisé dans l’accueil et le suivi de patients atteints d’épilepsie, à Tain l’Hermitage, dans la Drôme. L’association organise le jeudi 4 mai à Tain l’Hermitage une nouvelle vente aux enchères de grands vins pour récolter des dons. Les fonds de cette soirée serviront donc au financement de la recherche sur la signature olfactive des crises d’épilepsie.