Une usine agroalimentaire fabriquant de l'huile avec de l'hexane.
Le règlement européen de l’agriculture biologique bannit l’usage de solvants pétrochimiques comme l’hexane pour l’extraction des huiles. © Adobe Stock

Présent dans les huiles, margarines, volailles ou encore les œufs, l’hexane, un dérivé du pétrole, soulève une vive inquiétude sanitaire. Une enquête française menée par le journaliste Guillaume Coudray révèle que 25 produits du quotidien sur 54 testés contiennent des résidus de ce solvant. Sans que l’on soit pour l’instant capable, et c’est là tout le problème, de mesurer le risque exact sur la santé des consommateurs…

Miam, du carburant… Les révélations du journaliste Guillaume Coudray, dans son ouvrage paru ce 18 septembre aux éditions La Découverte, font froid dans le dos.

Dans cette enquête menée avec l’appui de chercheurs de l’université du Littoral Côte-d’Opale et d’un laboratoire indépendant, le journaliste d’investigation met en lumière les résultats d’analyses sur 54 produits alimentaires courants : huiles de cuisson, margarines, beurres, mais aussi œufs et volailles. Verdict : 25, soit la moitié, présentent des résidus mesurables d’hexane.

Ce solvant n’apparaît jamais sur les étiquettes. Officiellement, il est classé parmi les « auxiliaires technologiques ». Utilisé uniquement lors de la fabrication, il ne figure pas dans la liste des ingrédients. Mais une partie reste bel et bien présente dans nos assiettes.

L’hexane est un hydrocarbure dérivé du pétrole. Transparent, incolore, très volatil et inflammable, il est utilisé dans de nombreux secteurs : colles, peintures, encres… et surtout dans l’industrie agroalimentaire pour extraire les huiles végétales.

Comment ça marche, concrètement ? Le principe est simple : l’hexane agit comme un « aimant à graisses ».

  1. Broyage des graines : les graines sont d’abord concassées pour libérer l’huile qu’elles contiennent.
  2. Bain de solvant : elles sont ensuite plongées dans l’hexane. Or, ce liquide a une propriété clé : il est lipophile, ce qui signifie qu’il se mélange très facilement aux graisses. Résultat, l’huile « se dissout » littéralement dans le solvant.
  3. Séparation : on obtient un mélange huile + hexane. L’huile est ensuite séparée et le solvant est chauffé pour s’évaporer.
  4. Raffinage : l’industrie affirme que cette étape permet de retirer la quasi-totalité de l’hexane, qui est réutilisé. Mais des traces subsistent dans l’huile raffinée.
  5. Tourteaux pour animaux : les résidus solides (tourteaux) utilisés pour nourrir les animaux d’élevage gardent eux aussi des traces d’hexane, qui peuvent ensuite se retrouver indirectement dans les produits animaux (œufs, volailles).

En résumé, l’hexane n’est pas un ingrédient, mais un outil industriel invisible qui permet de maximiser le rendement. Et c’est précisément cette invisibilité qui inquiète.

Les effets de l’hexane côté professionnel 

En milieu professionnel (dans les usines d’extraction par exemple), les risques sont connus. L’inhalation répétée de vapeurs d’hexane peut provoquer des atteintes neurologiques (neuropathies), des troubles respiratoires ou encore des atteintes de la fertilité.

Le règlement européen CLP classe d’ailleurs le n-hexane comme « suspecté toxique pour la reproduction » (Repr. 2) et « toxique pour certains organes après exposition prolongée » (STOT RE 2).

Mais qu’en est-il pour les consommateurs ? 

Là, le brouillard s’épaissit :

  • À court terme, les autorités estiment que les résidus retrouvés ne posent pas de risque immédiat.
  • À long terme, les données manquent. La dernière évaluation solide date de plus de vingt ans.
  • On sait que le métabolite principal de l’hexane, la 2,5-hexanedione, est neurotoxique. Mais on ne sait pas si les doses infimes ingérées chaque jour par l’alimentation peuvent s’accumuler et avoir un effet.

Face à cette incertitude, l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) a lancé en 2025 une réévaluation complète. Ses conclusions sont attendues en 2026.

Parce que c’est redoutablement efficace et rentable.

  • L’extraction mécanique (pression à froid) permet de récupérer seulement 60 à 70 % de l’huile contenue dans une graine.
  • L’hexane, lui, permet de monter à 95-100 % de rendement.

C’est pourquoi la grande majorité des huiles raffinées vendues en supermarché passent par ce procédé. Sans hexane, les coûts de production augmenteraient, et le prix des huiles et margarines grimperait. Voilà l’argument massue de l’industrie pour justifier son usage.

Le dossier de l’hexane rappelle celui du bisphénol A ou de certains pesticides : des substances autorisées, jugées sûres à petites doses, mais qui finissent par être réévaluées à la lumière de nouvelles données scientifiques.

Alors, pour réduire son exposition : 

  • Privilégier les huiles vierges ou « première pression à froid », obtenues sans solvant.
  • Se tourner vers le bio, qui interdit l’usage d’hexane.
  • Limiter les produits ultra-transformés, qui contiennent souvent des ingrédients extraits avec solvants.

La question reste entière : faut-il accepter que nos assiettes contiennent, même en traces infimes, un dérivé du pétrole ?

À SAVOIR

Au-delà de son usage dans l’alimentation, ce solvant est classé par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) parmi les composés organiques volatils (COV) qui contribuent à la formation de l’ozone troposphérique, un polluant de l’air néfaste pour la santé et l’environnement. 

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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