Les effets du coronavirus sont-ils longs à se dissiper ? Apparemment oui ! Alors que la deuxième vague entame lentement sa décrue, de nombreuses victimes printanières de l’épidémie de Covid-19 ne sont toujours pas tirées d’affaire. Fatigue, difficultés respiratoires, apnées du sommeil, voire perte de goût et d’odorat… Certains symptômes perdurent. Une étude lancée par le CHU de Grenoble tente justement d’éclaircir les dessous de ces affectations longue durée, plus importantes chez les patients les plus gravement touchés. Explications avec le Pr Renaud Tamisier, pneumologue et membre de l’équipe de recherche au CHU de Grenoble.
Fatigue, perte de l’odorat et du goût, essoufflement… Les témoignages de patients Covid « longue durée » s’accumulent. En effet, si la majorité des cas positifs à la Covid-19 sont asymptomatiques et ne présentent pas de symptômes notables, d’autres ont moins de chance. Les manifestations semblent alors s’éterniser, voire s’aggraver.
Mais pourquoi une telle différence clinique ? Depuis fin juillet, le CHU de Grenoble mène l’enquête. Une étude nommée Co-Survivors analyse la portée des séquelles dans le temps sur différents groupes de patients. Quelles sont les séquelles respiratoires ? Comment évoluent la qualité de vie et le sommeil ? Autant de questions que les chercheurs explorent afin de mieux cerner l’impact prolongé du SARS-CoV-2. Le point sur l’étude au côté du Pr Renaud Tamisier, pneumologue au CHU de Grenoble.
Le Covid-19, une maladie chronique, avec séquelles chroniques ?
En plein reconfinement, il devient urgent de percer la multitude de mystères entourant la Covid-19. Aussi bien pour guérir cette infection que pour orienter les décisions de prévention. Un constat qui a poussé depuis quelques mois le CHU de Grenoble à entamer une étude sur les patients Covid longue durée.
En effet, certains cas positifs pourtant révolus continuent de subir les séquelles de la Covid-19. Si la prévalence de Covid longue durée est encore floue, les plaintes des patients sont réelles et exhaustives. Détérioration de la qualité de vie, fatigue persistante, troubles neurologiques résiduels… Quelles sont donc les symptômes majeurs des patients longue durée ?
« Les séquelles majoritairement observées relèvent des atteintes respiratoires, comme des essoufflements, mais aussi de divers états de fatigue physique, semblable à une forme d’asthénie. Toutefois, on note aussi une forte incidence sur les troubles du sommeil, probablement liés au stress aigu vécu lors de l’hospitalisation des patients », explicite le Pr Renaud Tamisier. Des manifestations problématiques et nécessitant des soins adaptés réguliers.
Séquelles en hausse pour les patients aux formes graves?
On a tendance à penser que les patients atteints de cette forme longue de Covid-19 sont ceux dont le pronostic vital était engagé. Le Pr Tamisier confirme: « Dans notre étude, ce sont bien les patients ayant été hospitalisés et présentant des formes graves du Covid-19 qui se retrouvent victimes de séquelles longue durée ».
D’autre part, bien que la majorité des cas longue durée aient été hospitalisés, les patients en réanimation n’en sont pas les seules victimes. En effet, en Angleterre, une méta-analyse dénote une absence de différences significatives post-hospitalisation entre les patients des soins intensifs et ceux de soins plus classiques. Sont alors pris en compte des symptômes moins handicapants, tels que la perte de goût ou d’odorat.
Néanmoins, nouvelle rassurante, les cas positifs asymptomatiques sont les grands absents de ce Covid longue durée. Leur réponse immunitaire semble avoir été suffisante au regard de l’infection, engendrant une rémission rapide et spontanée. Ainsi, l’organisme ayant pu combattre le virus de manière davantage efficiente, aucune séquelle n’est à déplorer. Mais sont-ils pour autant immunisés ? Rien n’est encore sûr.
Coronavirus, une infection virale aux effets similaires aux autres
Si chaque maladie possède une phase de rémission, celle du Covid-19 longue durée semble particulièrement longue. Entre séquelles et nécessité de reprendre une vie « normale », les symptômes rapportés semblent parfois interminables voire accrus. Ainsi, les séquelles de cette infection virale sont-elles inhabituelles ?
« En réalité, ce n’est rien de réellement inhabituel. Toute maladie grave passagère peut entrainer une rémission longue », explique le Pr Renaud Tamisier. En effet, à la manière d’une mononucléose ou d’une grippe, le corps fait face à une fatigue post-virale, parfois des mois durant.
Ce qui inquiète dès lors est la réalité à venir derrière la rémission. « Pour l’instant, nous ne pensons pas que ces séquelles soient irrémédiables. Toutefois, nous n’avons que trois mois de recul, parfois six chez certains patients. Il faudra plus de temps pour obtenir une réponse objective ». Ainsi, étant donné le manque de connaissance du Covid longue durée, mieux vaut consulter si les symptômes persistent plusieurs semaines ou mois après l’infection.
Cependant, le Pr Renaud Tamisier tient à soulever un point essentiel lors du suivi de patients post-Covid+. « Souffrir de séquelles après une telle infection n’est pas surprenant. Pour autant, avant d’identifier ces symptômes comme des séquelles, il faut pouvoir écarter d’autres pathologies qui se seraient déclarées après. Ce qui est tout à fait possible ».
Mieux comprendre les séquelles pour améliorer le suivi
Arrivée à l’échéance des trois mois de suivi début octobre, les professionnels et scientifiques dépeignent les premiers résultats de l’étude. « Le principal résultat observé est celui des séquelles d’apnée du sommeil. Il semble que plus le patient soit vulnérable au Covid-19, plus ces troubles a posteriori sont fréquents », atteste le Pr Renaud Tamisier.
Dès lors, « l’étude a deux missions principales. Celle de proposer un suivi et une prise en charge aux patients qui souffriraient de séquelles. Mais aussi celle de description la plus précise et sans erreur de ce que sont les séquelles post-Covid ». Un objectif clair face à cet enjeu de santé publique à venir. Surtout face à l’incertitude d’une finalité pandémique. Plus cette crise sanitaire s’allonge, plus comprendre ses conséquences et ses répercussions est essentiel pour développer une stratégie de traitement.
À ce stade de l’étude, les conjectures sont encore nombreuses. Fatigue, sommeil, respiration… Autant d’éléments à suivre dans le temps. « Notre véritable problème aujourd’hui est celui du manque de fond. Pour poursuivre et compléter l’étude, nous avons besoin de ressources suffisantes. Tous ceux qui souhaitent nous aider peuvent effectuer un don à la fondation UGA ». Une route qui semble donc encore longue avant un rétablissement complet, mais pas impossible.
À SAVOIR
Cette étude Co-Survivors, menée en association avec les CHU de Nancy, Créteil et Bobigny, ainsi que l’Inserm, a recueilli 118 participants sur les 400 attendus. Après une première méta-analyse des données récoltées trois mois après le diagnostic Covid, l’objectif est de suivre sur le long terme les patients. Ainsi, des recueils d’informations réguliers auront lieu. En totalité, ce sont cinq années durant lesquelles l’étude continuera de fournir des réponses.