Face à la situation épidémique, les exigences de fin de vie sont remises au premier plan. Entre hausse des décès et population vieillissante, l’accompagnement de fin de vie se présente comme un enjeu majeur de santé publique. Et pourtant, les soins palliatifs restent de grands oubliés face aux autres aspects médico-psychologiques. Le point sur la situation actuelle des soins palliatifs avec le Dr François Cousin, médecin de santé publique au Centre National des Soins Palliatifs et de la Fin de Vie à Paris.
En Auvergne Rhône-Alpes, plus de 69 000 décès ont été référencés en 2018. Avec un taux de mortalité de 8,7 % en moyenne, presqu’un dixième de la population AuRA meurt chaque année. De quoi s’intéresser de plus près aux soins palliatifs, aide et accompagnement à la fin de vie pour les patients et leurs familles. Comment meurt-on dans notre région ? Et dans quelles conditions ?
Unités de Soins Palliatifs (USP), Lits Identifiés de Soins Palliatifs (LISP), Equipes Mobiles de Soins Palliatifs (EMSP)… Autant de termes techniques que de solutions pour la fin de vie. Pourtant, ces différents recours restent déployés avec des inégalités parfois conséquentes. Explications au côté du Dr François Cousin, médecin spécialisé dans les soins palliatifs et la fin de vie et membre de l’équipe en charge du nouvel atlas des soins palliatifs en France.
Fin de vie, des droits et des lois
Depuis l’affaire Vincent Lambert, de nombreuses réflexions éthiques se penchent sur les conditions de fin de vie. Le but ? Permettre au mourant de partir dans la dignité, sans souffrance et en fonction de sa volonté. Et si l’euthanasie reste prohibée en France, la législation a toutefois permis des avancées en matière de droits du malade et en fin de vie.
En effet, depuis la loi du 9 juin 1999, les soins palliatifs ont fait leur apparition. Définis comme « soins continus visant à soulager la douleur, apaiser la souffrance psychique et sauvegarder la dignité de la personne malade », ils permettent également à l’entourage d’être soutenu. Dès lors, un congé de solidarité familiale a été mis en place afin d’accompagner un proche en fin de vie.
Toutefois, deux autres législations encadrent ces droits. Ainsi, la loi Leonetti (2005) rend compte du devoir du médecin à sauvegarder la dignité du mourant et ne pas s’obstiner déraisonnablement. La personne en fin de vie est également apte à refuser des traitements. Par ailleurs, la loi Claeys-Leonetti (2016) ajoute l’instauration d’un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès sous certaines conditions. Des droits désormais fondamentaux dans la prise en charge des personnes en fin de vie.
« Les avancées législatives du droit à la fin de vie sont malheureusement sources de questionnements sur le terrain. Nombreux sont les professionnels dans la confusion voire dans la peur d’une mauvaise compréhension et donc application de cette loi. Quand peut-on réellement mettre en place une sédation profonde ? Est-ce trop tôt ? », relate François Cousin.
Soins palliatifs : des besoins en hausse
Avec le vieillissement de la population française, accompagner et prendre en charge la fin de vie relève d’une cause majeure. En effet, les projections confirment une tendance en très forte hausse d’ici quelques années avec l’augmentation du nombre de décès et de maladies chroniques graves. « Avec la population vieillissante, davantage de personnes figureront dans la nécessité d’une prise en charge de fin de vie. Dans les EPHAD, les hôpitaux, mais aussi à domicile. D’où le besoin tant d’unités de soins palliatifs que d’équipes mobiles », explique François Cousin.
Un besoin qui questionne en ces temps de pandémie. Les patients Covid+ en réanimation, dans un état parfois critique, bénéficient-ils également de ce dispositif de fin de vie ? « Si nous n’avons pas un recul suffisant face à cette crise, il semble toutefois cohérent que certains patients, pour lesquels aucune amélioration n’est possible, puissent bénéficier de la sédation profonde. Un dispositif inhérent à la fin de vie ».
En outre, plus de la moitié des décès de la région en 2016 sont dus à des maladies graves et évolutives. Tumeurs, maladies de l’appareil respiratoire, circulatoire, digestif ou du système nerveux… Les causes sont nombreuses et ne concernent pas uniquement la population âgée. Si 70 % des décès touchent les personnes de plus de 75 ans, le taux de mortalité n’est pas corrélé au seul facteur de l’âge. La population générale fait aussi face à des maladies incurables ou potentiellement mortelles nécessitant des soins palliatifs.
Ainsi, parmi tous les décès enregistrés dans les services de médecine, chirurgie et obstétrie, 39 % avaient reçu un codage soins palliatifs au cours de l’année précédente. Un chiffre qui s’élève à 52 % dans les services de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR).
Soins palliatifs, « encore trop de disparités »
Encore trop de disparités dans l’offre sont observées au sein de la région. Si l’Allier et le Cantal ont connu les plus forts taux de mortalité en 2018, aucun de ces deux départements ne possèdent d’Unités dédiés aux Soins Palliatifs. En revanche, l’Ain possède plus de 3 USP pour 100 000 habitants malgré un faible taux de mortalité.
En outre, les différences restent accrues entre départements d’une même région. La Drôme ne possède que 3,8 Lits Identifiés Soins Palliatifs pour 100 000 habitants, face aux 14,7 LISP du Cantal. Toutefois, les Equipes Mobiles de Soins Palliatifs observent une meilleure homogénéité au sein de la région, malgré quatre départements légèrement à la baisse.
« Aujourd’hui, on suppose que le nombre de Lits Identifiés Soins Palliatifs compensent les faiblesses en Unités de Soins Palliatifs. Pour autant, nous allons mener une enquête afin de définir la qualité de ces soins pour les LISP. Et ainsi d’évaluer si cette hypothèse se confirme », précise François Cousin.
Plan d’action du gouvernement pour la fin de vie
Régulièrement, des plans nationaux sont mis en place afin de garantir l’application des droits de fin de vie. Ainsi, le dernier plan s’est achevé en 2019. Mais avec la vague massive de décès due à la crise épidémique, le ministre de la santé a tenu à réengager cette attention particulière portée aux soins palliatifs. Et ce en annonçant la préparation du prochain plan national.
En effet, Olivier Véran a « salué les efforts des équipes de soins palliatifs en première ligne durant la crise liée au COVID-19 » et rappelé l’objectif. « Garantir à toute personne de recevoir des soins palliatifs adaptés ». Dès lors, le prochain plan national se centrera sur trois axes majeurs : diffuser et renforcer la culture palliative, garantir l’expertise et l’accessibilité à ces soins ainsi que déployer les prises en charges de proximité.
« Notre dernier atlas des soins palliatifs en France confirme le bon développement territorial en matière de fin de vie. Cependant, certaines zones restent en sous-effectif voire vide d’Unités de Soins Palliatifs. Alors même que l’objectif du dernier plan national était de 1 USP pour 100 000 habitants. De même, nous attendions 30 Equipes Mobiles de Soins Palliatifs. Seulement quatre ont été créées », explique François Cousin. Des avancées prometteuses mais encore insuffisantes. « L’accent devrait pour la suite être mis sur le renforcement de l’acculturation palliative en ville, en dehors des hôpitaux pour les fins de vie à domicile ».
À SAVOIR
Les soins palliatifs s’adressent à toute personne atteinte de maladie grave, chronique, évolutive ou terminale avec un pronostic vital engagé en phase avancée ou terminale. Et ce quel que soit l’âge du patient. À noter que ces soins palliatifs sont pris en charge par l’Assurance Maladie.