Les victimes de harcèlement au travail ont tendance à chercher des solutions à l’extérieur de l’entreprise. Or, la psychiatre Brigitte Font le Bret, experte auprès de la Cour d’appel de Grenoble, estime que les acteurs internes sont souvent les premiers à pouvoir agir. Explications.
Le médecin du travail en premier recours
C’est un comble, mais le médecin du travail n’est généralement pas la première personne consultée dans les cas de harcèlement au travail. Très souvent, les gens se dirigent vers leur généraliste, mais ce dernier va avoir des moyens d’action limités. S’il détient des preuves évidentes, des signes cliniques, il peut déclarer la personne en état de maladie professionnelle. Mais bien souvent, ces signes se résument à des crises de larme et à un épuisement.
A cette situation, plusieurs raisons. Déjà, la plupart des salariés ne savent pas qu’ils peuvent aller consulter le médecin du travail en dehors des visites obligatoires, et sans en aviser leur employeur. Deuxièmement, et c’est bien là que le bât blesse : « beaucoup de salariés pensent que le médecin du travail va jouer le jeu de l’employeur. Or, il est tenu au secret professionnel », rappelle Brigitte Font le Bret, psychiatre auprès de la Cour d’appel de Grenoble. Le médecin du travail, spécifiquement formé, pourra faire émerger une première alerte si par exemple un nombre anormalement élevé d’employés viennent le consulter.
La CHSCT
Dans tous les établissements de plus de 50 employés, il existe un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans lequel on trouve des salariés de l’entreprise formés aux risques psycho-sociaux. La CHSCT a une mission de protection et de prévention de la santé des salariés, et notamment de leur santé mentale, ce qui inclut ainsi le harcèlement moral. Lorsque la CHSCT alerte l’employeur, celui-ci est obligé d’en tenir compte. S’il refuse les propositions avancées par la CHSCT, ce dernier doit motiver son refus.
L’inspecteur du travail
Dans le secteur privé, il est possible d’aller voir un inspecteur du travail. Celui-ci est également soumis au secret professionnel. « Ce n’est pas parce que vous allez le consulter qu’il va déclencher un PV contre l’entreprise. Vous pouvez simplement aller le voir pour lui demander si ce comportement est normal ou non », explique la psychiatre.
L’avocat
Le harcèlement moral relève du terrain juridique, et on ne peut que vous conseiller d’aller voir un avocat de droit social ou d’aller à la maison de l’avocat demander des conseils. Sachez que certaines assurances comprennent un contrat juridique qui peut prendre en charge ce type de consultation. « Cela permet aux personnes de voir si elles exagèrent la situation ou si leur dossier mérite d’être défendu. C’est le rôle des avocats, et l’avantage est qu’ils connaissent bien les entreprises de leur région et donc éventuellement les précédents », souligne Brigitte Font le Bret.
Parlez-en à vos collègues
Enfin, même si les personnes victimes de harcèlement au travail ont souvent perdu toute confiance dans le monde de l’entreprise, l’idéal est d’en parler aussi avec vos collègues. « Avec l’open-space peu propice aux confidences, le travail toujours plus individualisé, les pauses déjeuner et café réduites… les équipes sont moins solidaires et il est plus difficile d’en parler. Pourtant, c’est très important car communiquer enlève un certain sentiment de honte et d’incapacité. Il faut que la personne puisse être rassurée sur ses compétences, et comprendre que si elle ne parvient pas à faire son travail comme elle le souhaiterait, c’est qu’on ne lui en donne pas forcément les moyens », conclut la psychiatre.
A savoir
Ce n’est jamais le médecin qui va acter le cas de harcèlement au travail. Ce dernier va acter les symptômes du patient, et ce sera à l’avocat ou au juge de dire si cette qualification est reconnue.
on observe une multiplication des poursuites pénales au motif de harcèlement moral, qui posent souvent des problèmes complexes d’imputabilité et de réalité des plaintes avec pour conséquence l’aboutissement de peu de procédures : comme le harcèlement moral pose souvent de sérieux problèmes de preuves, il vaut mieux prévenir tout comportement harceleur par une politique de prévention qui en dissuade les auteurs potentiels, qui s’exposent à des sanctions nécessairement associées à une faute grave (mutation, suspension temporaire, voire licenciement)