Le harcèlement moral relève du droit et est strictement défini sur le plan légal. Quels sont les cas de figure rencontrés ? Quelles pièces apporter au dossier ? Quelles sanctions potentielles ? La réponse avec Me Katia GUILLERMET, Avocat Associé dans le 6ème arrondissement à Lyon.

Quelle est la définition juridique du harcèlement moral  ?

Selon le code du travail, le harcèlement moral est constitué par les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits, à la dignité du salarié, d’altérer  sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Concrètement, comment cela se manifeste-t-il  au quotidien  ?

Derrières ces “agissements”, il peut se cacher aussi bien :

  • des injures
  • un ton de parole ou des gestes brusques : jeter des dossiers sur le bureau du salarié
  • l’obligation d’accomplir certaines tâches peu valorisantes ou hors des fonctions dans le but d’humilier le salarié, de réduire l’importance de sa fonction
  • la suppression de certaines tâches pour “punir” le salarié
  • la recherche perpétuelle de petits reproches à faire, qui souvent confine au ridicule pour le regard extérieur, mais qui déstabilise totalement la victime.

Au final, ces agissements ont pour effet de porter un coup à la dignité du salarié qui se sent épié, a l’impression de devenir “la proie” de son harceleur avec le sentiment souvent d’être “nul”. Généralement, l’état de santé s’en ressent aussi bien d’un point de vue physique (manifestations dermatologiques diverses, perte de sommeil…), que psychique (dépression, envies suicidaires…).

Comment être reconnu comme victime ?

La loi n’impose au salarié que d’apporter un faisceau d’indices laissant supposer l’existence d’un harcèlement.  Ce sera à l’employeur de prouver qu’il ne commet aucun harcèlement. Le législateur a souhaité inverser la charge de la preuve tant il est difficile au salarié de démontrer ces faits. Souvent, les collègues refusent de témoigner par peur de subir le même comportement. Le harceleur peut aussi veiller à ne laisser aucune trace et offrir ainsi deux visages : charmant en public, bourreau en petit comité.
L’attestation de témoins est une très bonne preuve. Il ne faut pas hésiter à solliciter :

  • les collègues en leur rappelant qu’ils sont eux-mêmes protégés. En effet, si l’employeur venait à prendre une sanction dans un temps proche de leur témoignage, cela serait reconnu éminemment suspect par les juridictions.
  • les contacts extérieurs : livreurs, facteur… qui eux ne sont pas soumis à la hiérarchie du harceleur.

Il faut rappeler que les enregistrements obtenus sans l’autorisation des personnes ne sont pas recevables. On ne peut donc pas produire d’enregistrement sous la table. La collecte de mots, notes… laissés au salarié peuvent également démontrer le ton employé.  La production de mails et de sms est quant à elle parfaitement recevable. Un journal intime tenu par un salarié pendant des années a également été retenu comme preuve dans l’un de mes dossiers. Ce journal racontait des événements de la vie de bureau et contenait beaucoup de matière démontrant des conditions  inacceptables  de travail.
Enfin, le volet médical peut également être très intéressant. Il ne faut pas hésiter à s’ouvrir à son médecin ou au médecin du travail. Il faut savoir que les psy sont frileux à utiliser le mot “harcèlement moral” qui a bien entendu une connotation juridique et notamment pénale. Ils préféreront utiliser l’expression “dépression réactionnelle“. Souvent, le harceleur viendra immanquablement affirmer que si le salarié a des problèmes de santé psychiques, cela n’est pas de son fait mais provient d’un “état antérieur”. Il conviendra alors de produire un dossier médical pour permettre de dater ces troubles et ainsi démontrer qu’ils coïncident avec le harcèlement.

Quelles sont les sanctions prises lorsque l’on est reconnu victime de harcèlement moral ?

Pour être reconnu victime de harcèlement moral il existe deux solutions qui peuvent d’ailleurs être cumulables car elle n’ont pas les mêmes conséquences :

  • saisir le conseil de prud’hommes : il allouera des dommages et intérêts à la victime selon le préjudice subi (durée du harcèlement, conséquence sur la vie professionnelle…)
  • porter plainte et saisir la juridiction répressive : ce qui a pour but de punir l’employeur pénalement (amende pénale, prison avec sursis)

A SAVOIR

En France, un sondage réalisé par IPSOS auprès d’un échantillon de 471 salariés représentatifs de la population française, estime qu’un salarié sur trois se sent harcelé moralement. 37% des sondés ont déjà vu un collègue se faire harceler, 12% se font insulter, 22% sont humiliés et 16% se retrouvent « placardisés ».

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Journaliste indépendante depuis 2013, Paulina Jonquières d'Oriola s'est longtemps spécialisée dans la rédaction d'articles santé : psycho, sexualité, santé animale... Une fine plume au service de l'info santé !

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