Pour régler leurs troubles du sommeil, les Français sont de grands consommateurs de médicaments. Pourtant, il a été prouvé que les somnifères ont un effet délétère sur la santé. Auteure de l’ouvrage “Bien dormir sans médicaments” (éd. Odile Jacob), et de passage à Lyon, la sophrologue Clémence Peix Lavallée propose d’explorer des pistes alternatives pour retrouver les bras de Morphée.
Les Français sont de grands consommateurs de médicaments. Est-ce que les psychotropes pour dormir, c’est toujours une mauvaise idée ?
Officiellement, il ne faut pas prendre de psychotropes plus de 2 à 4 semaines. Ces derniers sont souvent prescrits lorsqu’une personne fait face à un choc brutal, comme un décès. Le cerveau n’arrive alors plus à s’éteindre et la personne ne peut plus trouver le sommeil. Il est ensuite conseillé de stopper les psychotropes et de passer à une thérapie pour verbaliser et aider à ce que le deuil se fasse. Mais au delà de 2 semaines, le cerveau s’habitue à ne plus dormir. En, plus, le problème des psychotropes est qu’ils anesthésient le système de réparation du cerveau. Malheureusement, les patients que je reçois en consomment depuis 10 ou 20 ans. C’est très dommageable parce que l’on sait qu’une prise de plus de 6 mois de somnifère type benzodiazépine augmente le risque de développer Alzheimer de 51%. Aussi, quand on prend pendant plus de 3 mois un anxiolytique, on multiplie par 7 ses risques de développer une maladie neurodégénérative. Il est enfin extrêmement dangereux de donner des somnifères aux personnes qui souffrent d’apnée du sommeil car cela multiplie par 8 les apnées du sommeil.
Insomnie et psychotropes, un cercle vicieux
Il s’agit donc d’un vrai enjeu de santé publique…
Quand on arrête les somnifères, le cerveau ne sait plus dormir naturellement. Le sevrage peut prendre plus de 18 mois. On diminue la posologie en augmentant les techniques naturelles en parallèle. Le sommeil est un vrai enjeu de santé nationale. Cela suppose aussi un vrai coût pour la sécurité sociale avec les risques socioprofessionnels et les maladies associées. La HAS a envoyé des recommandations de santé. Mais il est difficile pour le généraliste qui voit arriver une personne en souffrance de dire non à la prescription de somnifères. Ce qui est embêtant c’est que l’on rentre ensuite dans un cercle vicieux avec une reconduction des ordonnances, alors que l’on sait qu’au bout de 15 jours, les somnifères ne font plus effet. Il faut alors sans cesse changer de molécule. Mieux vaudrait prescrire 30 minutes minimum d’activité physique par jour ! Par contre, la mélatonine (hormone du sommeil) peut être intéressante. Celle que l’on achète sans ordonnance a une durée de vie flash de 20 minutes, donc il faut se coucher immédiatement après l’avoir prise. Quant à la mélatonine sur ordonnance, elle se diffuse pendant toute la nuit pour favoriser le sommeil lent profond. On la recommande grandement pour les séniors car environ 70% des femmes séniors consomment des somnifères.
La sophrologie pour dormir sans médicaments
Que peut donc apporter la sophrologie aux personnes qui ont perdu le sommeil ?
La sophrologie nous permet de vivre les exercices avec le patient, de nous mettre à leur rythme et d’essayer ainsi de créer une alliance thérapeutique. La sophrologie permet une belle qualité de relation car le thérapeute n’a pas d’emprise sur le patient. L’idée est de construire un programme personnalisé qui rendra la personne autonome. C’est à la fois de la relaxation, de l’hypnose et de la méditation, le tout combiné à une approche de pleine conscience. Le protocole est très encadré et permet de calmer le système nerveux et de détendre les tensions corporelles. Chaque séance de sophrologie nous amène au bord du sommeil, dans un lâcher prise confortable et sécurisant, une répétition, simulation d’un endormissement de bonne qualité. Nous rééduquons notre cerveau à s’endormir !
Quel exercice pourriez-vous conseiller avant de dormir ?
Une équipe de l’université d’Oxford a démontré que si l’on s’endort avec une image relaxante, on met en moyenne 22 minutes de moins à trouver le sommeil. Alors endormez-vous avec un souvenir de vacances, un beau sourire. La sophrologie nous invite à ne pas nous focaliser sur le négatif : si l’on donne au cerveau pour consigne qu’il doit s’endormir, on restera éveillé.
Quand on est dans son lit et que l’on rumine, est-ce qu’il faut se lever et aller bouquiner sur le canapé ?
Si cela arrive en début de nuit, on se lève et on attend le prochain train. Tant pis si l’on rate un cycle, au moins on aura un endormissement de qualité. Si par contre on se réveille en pleine nuit, il faut analyser si on a une tension dans le corps, si l’on a envie de faire pipi ? Dans ce cas on se lève puis on se remet au lit et le corps va à nouveau se détendre en se recouchant. Mais si on se réveille et qu’on est si épuisé que l’on ne peut pas se lever, on se focalise juste sur la respiration. Cela permet de canaliser la pensée et de calmer le système nerveux.
A SAVOIR
Le top 5 des conseils de Clémence Peix Lavallée pour retrouver le sommeil en douceur:
-Se lever à heure fixe, week-end compris : les grasses matinées ne sont pas une bonne façon de récupérer des heures de sommeil. Il faut aussi aller se coucher dès les premiers signes du sommeil.
-Ne jamais faire d’activité qui fasse augmenter la température le soir (activité physique ou excitante mentalement, repas lourd épicé)
-S’exposer à la lumière le matin et augmenter la température corporelle le matin en se mettant en mouvement. Plus on fait du sport tôt dans la journée, plus on avance son heure de coucher.
-Connaître son sommeil. Ne pas mettre au lit à 20H un enfant couche-tard si ce n’est pas son rythme, et le laisser dormir le matin. A l’inverse, couchez-vous tôt si c’est votre rythme, même si votre conjoint se couche plus tard.