Selon les projections de l’OMS, 25% des Français pourraient souffrir d’obésité en 2030. Comment lutter contre cette épidémie ? Quelles bonnes pratiques adoptées ? Les réponses de Martine Laville, experte internationale, responsable du Centre de Recherche en Nutrition Humaine Rhône-Alpes.
Combien de personnes sont aujourd’hui considérées comme “obèses” en France ?
Aujourd’hui, 15% de la population adulte est considérée comme obèse, alors qu’il n’y en avait que 7 à 8% lors des premières études, il y a vingt ans. On a donc doublé le taux d’obésité en France en deux décennies. Plus inquiétant, une projection récente de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) estime que 20 à 25% de la population française sera obèse en 2030. Nous serions alors au même niveau que les Allemands qui ont déjà dépassé les 20%, alors que les Anglais et les Irlandais pourraient atteindre les 30% et même les 40% en Grèce, pays qui paie le prix de la précarité. Les Pays-Bas, en revanche, resteraient à moins de 8% d’obèses. C’est la preuve que les modes de vie ont une incidence sur le taux d’obésité observé dans les pays. Une autre étude menée en Angleterre a ainsi démontré que le nombre de voitures par foyer, l’absence d’activité physique et le nombre d’heures passées devant la télé influaient de manière significative sur le taux d’obésité d’une population. La sédentarité est clairement l’ennemi de l’obésité !
Comment devient-on obèse ?
Au départ, il y a toujours un déséquilibre de la balance énergétique. En d’autres termes, un individu mange trop par rapport à ce que son corps dépense. Nos modes de vies modernes, les moyens de transport, ont fait baissé cette dépense énergétique quotidienne. Le problème, c’est que lorsque l’obésité s’installe, elle devient une maladie chronique difficile à combattre, avec à la clé des complications comme le diabète ou l’hypertension. Il est donc essentiel de pouvoir traiter l’obésité de manière précoce. Les jeunes filles en léger surpoids ne doivent pas, notamment, se lancer dans des régimes drastiques, souvent contre-productifs sur le long terme. Elles doivent consulter rapidement, changer leur mode de vie, leur alimentation, faire de l’activité physique, pour ne pas tomber dans l’obésité. Plus cette maladie est prise tardivement, plus elle est délicate à traiter.
La chirurgie, à réserver aux cas extrêmes
L’hérédité joue-t-elle un rôle dans l’obésité ?
Oui, l’hérédité à une influence dans certains cas, de même que la génétique. Mais ce n’est pas la seule explication à l’évolution rapide de l’obésité dans notre pays. Aujourd’hui, on considère que moins de 5% de l’obésité présente une cause clairement génétique. L’alimentation de la femme enceinte a aussi une incidence par exemple.
De nouvelles techniques sont-elles à l’étude pour vaincre l’obésité ?
La chirurgie de l’obésité a beaucoup progressé. Mais elle reste réservée à des cas extrêmes, lorsque toutes les solutions thérapeutiques ont été épuisées. Par ailleurs, beaucoup de médicaments ont été retirés du marché en raison de leurs effets secondaires. Ils réduisaient l’appétit mais jouaient aussi sur l’humeur, avec des risques de dépression ou de complications cardiovasculaires. Actuellement, des études tentent de démontrer le rôle de la flore intestinale, le fameux microbiote, sur l’obésité et son développement. L’un des enjeux consiste à manipuler cette flore intestinale avec des microbiotiques, des germes capables d’améliorer l’assimilation des aliments.
Attention à l’effet yoyo des régimes très restrictifs
Les régimes et autres cures d’amaigrissement sont-ils à proscrire ou à encourager ?
Il faut surtout prescrire une alimentation équilibrée. Les régimes très restrictifs sont dangereux car, dans ce cas, le corps se met en hyper métabolisme. Automatiquement, il cherche à dépenser moins d’énergie. Mais dès que l’on stoppe le régime, le corps recommence à stocker. Cela se traduit par le terrible effet yoyo. On arrive donc à l’effet inverse. Il faut donc privilégier des régimes moins restrictifs associés à une activité physique régulière car c’est le muscle qui brûle l’énergie.
L’obésité est-elle plutôt masculine ou féminine ?
L’obésité n’a pas de sexe ! La différence, c’est que les femmes prennent surtout de la graisse dans les hanches et dans les cuisses, ce qui est moins délétère sur le plan métabolique que l’obésité des hommes concentrée dans le ventre, induisant souvent hypertension, cholestérol et diabète.
L’âge a-t-il une incidence sur l’obésité ?
Non, l’obésité peut se déclarer à tout âge, même si la maladie augmente avec l’âge. Ce n’est qu’avec le très grand âge que le corps commence à se sécher.
La sédentarité, l’ennemi de l’obésité
Les parents sont-ils coupables ?
Les parents, la société… Tout le monde est un peu coupable ! Plus que la notion de culpabilité, il faut insister sur la responsabilité de chacun face à ce fléau. Le problème, c’est que tous les individus ne sont pas égaux face à leur environnement. Il est clair que les problèmes sociaux-économiques jouent énormément. Tout le monde ne peut pas aller au travail à pied et s’assurer une alimentation équilibrée !
Alors, comment lutter de manière efficace contre l’obésité ?
Avec une bonne hygiène de vie, manger régulièrement des fruits et des légumes, faire une activité physique régulière, prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur… Pour les enfants, il faut aussi insister sur l’importance du sport, limiter les jeux vidéos, la télévision, la sédentarité en général.
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A savoir
L’obésité est un excès important de poids par augmentation de la masse graisseuse d’un individu. Selon l’OMS, on peut définir l’obésité d’une personne en fonction de son IMC (indice de masse corporelle) calculé en divisant son poids (exprimé en kg) par sa taille au carré (exprimée en m²). Une personne dite “normale” présente un IMC compris entre 18,5 et 25. Elle est en surpoids si son IMC est compris entre 25 et 30. On parle d’obésité lorsque l’individu affiche un IMC supérieur à 30. Exemple de calcul: 80 kg / 1,80 m x 1,80 m = IMC de 24,7.