Face à la progression de l’obésité infantile, les parents doivent privilégier l’éducation au goût dès le plus jeune âge. Explications de la diététicienne nutritionniste grenobloise Barbara Balland pour lutter contre le surpoids de nos enfants.
L’obésité infantile touche de plus en plus d’enfants en France. A partir de quand commence l’éducation au goût ? On dit même que cela débuterait déjà dans le ventre de la mère…
Barbara Balland : Effectivement, l’éducation au goût débute déjà dans le ventre de la maman. C’est une éducation inconsciente. Ce que l’on sait, c’est que plus l’on va diversifier son alimentation, utiliser des herbes, des épices… bref, tout ce qui donne du goût, plus le liquide amniotique va en être imprégné. En Inde, il paraît même que le liquide amniotique des mamans sentirait le curcuma !
Qu’en est-il de l’étape de la diversification alimentaire ?
L’étape de la diversification alimentaire est un moment important, mais il ne faut pas non plus trop mettre la pression sur les parents. Il est clair qu’il ne faut pas tarder, et qu’il peut être embêtant qu’un enfant n’accepte que des textures lisses, et refuse tout ce qui est en morceaux. Mais après, il ne faut pas croire que parce qu’un petit n’aime pas les épinards, cela durera toute sa vie. Mon conseil pendant la diversification alimentaire est d’opter pour des produis simples avec des goûts simples. Si vous faites justement goûter les épinards, associez-les à un aliment neutre comme la pomme de terre avec un peu de beurre ou d’huile, pour que bébé identifie bien les goûts. Il faut miser sur la qualité des produits qui doivent être frais, de saison, et si possible bios pour avoir un maximum de saveur.
Contre l’obésité infantile, variez les plaisirs !
Quels sont ensuite les moments clefs dans l’éducation au goût de l’enfant ?
Au début, le bébé mange de tout : des fruits, des légumes… Puis entre 2 et 5 ans, surtout à l’arrivée en maternelle, se produit une sorte de néophobie, c’est à dire une peur de tous les nouveaux aliments. Tous les enfants passent par là. A ce moment là, inutile de forcer l’enfant, mais il ne faut pas non plus abandonner. Le soir, on lui demande de goûter un petit peu même s’il n’aime pas. On peut aussi lui proposer le légume sous la forme d’un gratin, d’une tarte. Les parents croient parfois que le petit doit manger le légume à l’eau, sans crème, sans sel, alors que l’adulte lui-même n’en aurait pas envie. C’est aussi l’époque où il est conseillé que les parents se mettent à table avec l’enfant pour montrer qu’ils apprécient eux-mêmes l’aliment. Ensuite, les enfants se mettent en général à manger à nouveau de tout, jusqu’à l’adolescence.
A l’adolescence, les ados mangent en général à la cantine, et malheureusement, ils ressortent souvent du repas sans avoir consommé grand chose. A l’heure du goûter, ils se ruent sur les sodas, gâteaux et autres aliments très riches, ce qui fait qu’ils n’ont plus très faim le soir. Au dîner, il est pourtant important de leur faire un repas complet avec légumes, féculents, viande ou poisson.
La curiosité, un principe fondamental
Quel est selon vous le principe le plus important à transmettre ?
Le grand principe, c’est la curiosité. Si l’enfant ne goûte même pas, il ne saura pas ce que cet aliment va évoquer chez lui. En général, les premières tentatives ne sont pas très fructueuses, puis on éduque le goût et on apprend à aimer des choses différentes. La curiosité vient également avec le plaisir de cuisiner. Les choses bien présentées donnent envie, il faut que les plats changent souvent. C’est comme cela qu’on éveille la curiosité et le goût.
Certains parents s’amusent à poster sur les réseaux sociaux des photos de leur lunchbox hypercréatives préparées pour leurs enfants. Rendre la nourriture plus ludique, c’est une bonne idée ?
Oui, du moment que lorsque l’enfant mange, il garde conscience qu’il mange et qu’il ne joue pas. Les Japonais transforment les légumes en petits animaux, je trouve cela génial. On sait que lorsque l’on change la forme, la plupart du temps on va avoir l’impression de changer aussi le goût. Par exemple, vous avez bien plus de chances de faire manger des fruits à un enfant s’ils sont placés sur une brochette que s’ils sont simplement coupés dans une assiette.
Obésité, gare au sucre
Qu’est-ce qu’un bon goûter pour l’enfant ?
Il peut s’agir de pain avec un peu de chocolat ou un peu de fromage, d’un fruit… Vous pouvez aussi associer un gâteau au yaourt maison avec une petite compote. Quand il s’agit d’un goûter à mettre dans le sac, la petite compote en gourde sans sucre ajouté est une bonne idée. Vous pouvez y ajouter deux gâteaux, mais attention, ils ne doivent pas être sucrés : préférez le petit beurre avec un peu de chocolat noir dessus, au gâteau fourré. Vous pouvez également préparer un gâteau maison disposé dans des petits moules que vous congelez et ressortez au fur et à mesure si vous n’avez pas beaucoup de temps. Côté boissons, vous pouvez leur donner du jus de fruits, mais pas si vous leur avez déjà donné de la compote qui est sucrée. Si vous donnez du jus de fruits, alors optez pour un gâteau peu sucré, ou un bâtonnet de fromage. Il ne faut juste pas doubler les apports en sucre. Les briquettes au lait chocolaté ne sont pas une mauvaise idée, mais encore une fois assortissez-les d’un gâteau peu sucré.
Doit-on bannir les sodas, chips, bonbons ? Ou cela doit juste demeurer exceptionnel ?
Bannir totalement est une aberration, les enfants seront encore plus attirés. En revanche, vous pouvez cantonner cela aux moments type pique-nique, ou aux voyages. Par exemple, vous n’allez au MacDo que lorsque vous êtes sur la route, ou pour un anniversaire.
La consommation prématurée de sucres conduit-elle à plus forte addiction plus tard ?
A court terme, le plus grand risque, ce sont les caries. Et puis il y a le danger de s’habituer à un goût sucré. Certains enfants ne savent par exemple plus boire d’eau. Bien sûr, il y a le risque de surpoids et d’obésité, mais ce n’est pas parce qu’un enfant est maigre qu’il supporte bien ce type de nourriture. Un enfant trop maigre, c’est aussi le signe d’une mauvaise alimentation, que son corps n’arrive pas à se construire. Ainsi, je conseille de ne pas intégrer la consommation de sucres avant un an, et seulement sous la forme de miel, confiture, cacao… Pour les chips, les sodas, tant que les petits ne sont pas influencés par les autres enfants, autant qu’ils n’y goûtent pas, soit pas avant trois ans.
Des repas équilibrés
Quels sont les grands principes du petit déjeuner ? Du déjeuner ? Du dîner ?
Au petit déjeuner : un produit laitier, un produit céréalier (pain, muesli, céréales peu sucrées), un fruit ou un petit jus de fruits, de l’eau).
Au déjeuner : un peu de légumes, crudités, féculents, un petit morceau de viande ou de poisson. La quantité de protéines doit être adaptée à l’âge et la taille de l’enfant : vous pouvez prendre la référence de son poing, cela ne doit pas l’excéder. En dessert, soit un laitage nature avec un peu de sucre, soit un fruit. Si à midi vous avez opté pour le fruit, préférez le soir un laitage.
Au dîner : jusqu’à la préadolescence, l’enfant entre 8 et 10 ans n’a pas forcément besoin de protéines le soir. Optez donc pour un féculent, des légumes, un petit morceau de fromage et un fruit. A partir de la préadolescence, ou si votre enfant est sportif, ajoutez une portion de protéines.
A savoir
On estime que l’obésité touche près de 10% des enfants. Elle est notamment causée par un bilan énergétique positif : les apports caloriques ou énergétiques sont supérieurs aux dépenses. L’héritabilité de l’obésité oscille de 25 à 45 %.