Douleurs chroniques, déformations, difficultés à marcher… Quelles sont les pathologies les plus fréquentes liées au pied ? Quels conseils pour garder des pieds en bonne santé ? Les réponses de Denis Josseaume, podologue, délégué Savoie de l’Union française pour la santé du pied.
Consulter un podologue au moins une fois dans sa vie
Pourquoi sensibiliser à la santé du pied ?
Parce que le pied est le mal aimé de la santé ! Même si ça a changé depuis la mise en place de ces dépistages. On a en fait tendance à souffrir sans consulter : 65% des gens souffrent du pied, et 33% nécessitent impérativement une visite chez le podologue. On n’a pourtant pas le réflexe.
Quels problèmes détectez-vous alors le plus souvent ?
Les problèmes liés à la marche : il faut prendre en compte que l’on fait 5000 à 6000 pas par jour, 2,5 fois le tour de la terre dans une vie. On a donc des douleurs d’orteils, de la griffe, des déformations… Le plus souvent, c’est la déformation du gros orteil qui dévie vers l’intérieur. On a aussi des métatarsalgies : des douleurs sous l’avant du pied, des tendinites, syndrome de Morton, des syndromes canalaires, qui sont un pincement des nerfs entre deux têtes métatarsiennes et qui obligent à retirer les chaussures tant c’est douloureux. Le patient a le sentiment d’une douleur électrique, c’est le « signe de la sonnette ».
Faut-il considérer que nous aurons tous mal au pied un jour ou l’autre ?
Oui, on a tous mal au pied un jour ou l’autre. Une consultation, un bilan annuel me paraît indiqué, comme on le fait tous pour le dentiste. Il faut faire acte de prévention. Tout monde devrait consulter un podologue au moins une fois dans sa vie. Les sportifs savent l’importance de la qualité de l’appui plantaire, mais c’est aussi vrai pour les femmes enceintes, l’enfant en phase de croissance, l’adolescent ou le diabétique.
En quoi les diabétiques sont-ils particulièrement exposés ?
Le pied est à risques chez le patient diabétique. Ils viennent consulter deux fois par an pour les grades les plus surveillés. Le diabète est une maladie sournoise. Les grades élevés sont sujets à une altération de la sensibilité du phénomène cicatriciel : quand ils se blessent au pied, ils ne s’en rendent pas compte tout de suite et vont au devant de gros troubles cicatriciels avec, à terme, un risque d’amputation. Un grand nombre de celles-ci ont été évités par la prise en charge, depuis 2008 par la CPAM, des diabétiques de type 2 ou 3. Alors que nous sommes dans un phénomène de déremboursement important, il a été considéré que les prendre en charge permet de grandes économies à la Sécu et à la collectivité. Le coût d’une amputation, c’est le salaire annuel de deux infirmières !
Opération en cas d’incapacité fonctionnelle
Les soins du pied sont-ils bien couverts ?
Il y a une faible participation pour les soins hors nomenclatures, mais les mutuelles de plus en plus font un geste. Parmi les prestations des podologues prises en charge, il y a la correction de la voûte plantaires et les semelles orthopédiques, sur prescription du médecin.
En arrive-t-on fréquemment à envisager une opération pour des atteintes du pied ?
L’indication opératoire pour nombre de pathologies, c’est l’incapacité fonctionnelle, quand on ne peut plus marcher ou se chausser. Mais avant la chirurgie, il faut avoir épuisé les ressources médicales, et donc voir le podologue. Il convient de garder à l’esprit que le pied n’est pas isolé, c’est la partie terminale et le premier outil de locomotion, la fondation de l’édifice : des douleurs aux genoux, aux chevilles, aux hanches, dans les lombaires peuvent être générées par un trouble postural au niveau du pied, et l’inverse est vrai. Une scoliose peut provoquer des hyper appuis unilatéraux.
Dés lors, faut-il prendre quelques précautions lorsque l’on achète une paire de chaussures ?
Effectivement, tout commence par l’acte d’achat : il est préférable d’acheter des chaussures en fin de journée, quand le pied a manifesté ses faiblesses : il gonfle, souffre d’échauffement… Le propriétaire d’une automobile vérifie ses pneus à chaque saison. Il doit en être de même pour les chaussures. Le phénomène d’usure génère une déformation, avec une correction pathologique sur la démarche qui peut causer de nombreux soucis.
Attention aux talons hauts !
Porter des talons hauts est-il aussi problématique ?
Le pied a une répartition naturelle : 50% du poids du corps à l‘avant, 50% à l’arrière : dès qu’on dépasse 2,5 à 3 cm de talon, on augmente ce pourcentage sur l’avant. Cela influe sur le temps de passage et de pression sur l’avant du pied et augmente douleurs et déformations. C’est donc joli et élégant, mais ça a des répercussions. Le but n’est pas de dire d’arrêter définitivement le talon mais d’en avoir conscience, et de ne les réserver qu’à un usage exceptionnel. Le podologue n’est pas quelqu’un qui va faire la morale, il a conscience des considérations professionnelles…
Pourquoi organiser des dépistages à l’école, dès cinq ans ?
A cet âge, on a des phénomènes de croissance qui aboutissent à des troubles rotationnels. Mais il suffit parfois d’agir avec parcimonie et en donnant de bons conseils aux parents, des conseils de chaussage, comme ne pas trop systématiquement porter des baskets par exemple. L’enfant n’est pas un adulte en miniature. Avec des chaussures trop molles, il va se retrouver dans un environnement trop cotonneux, sans la perception proprioceptive. Par ailleurs, les baskets ne favorisent pas une bonne croissance si elles sont portées tout au long de la journée. Elles favorisent au contraire les dermatoses et l’hypersudation.
A savoir
– 65 % des Français ressentent des douleurs au niveau des pieds. Les femmes sont 68 % à ressentir des douleurs aux pieds contre 58 % des hommes.
– 38% ont des problèmes au niveau des ongles des pieds (mycoses, traumatiques, plicatures). Les hommes ont nettement plus de problèmes d’ongles de pieds que les femmes.
– Plus d’un tiers (36 %) des femmes ont des cors aux pieds et 45 % d’entre elles ont des durillons. 41 % ont recours au podologue.
– 33 % des hommes portent habituellement des baskets.
– Le type de chaussage le plus fréquent est la chaussure de ville (67 %), plus pour les femmes (73 %) que pour les hommes (55 %).
Les hommes sont 19 % à porter habituellement des baskets.
Enquête réalisée par l’UFSP sur un panel volontaire à un examen de dépistage.