La biographie hospitalière est une pratique peu connue, mais qui a un impact considérable sur les patients en fin de vie. En France, ils ne sont qu’une trentaine de biographes hospitaliers, également appelés « passeurs de mots ». Cette approche implique d’offrir aux patients atteints de maladies graves et incurables la possibilité de raconter leur vie. En retour, ces patients reçoivent gratuitement leur biographie sous la forme d’un livre soigneusement relié. Pour ces personnes, cette initiative représente une manière de laisser une trace de leur parcours de vie, de leurs expériences, de leurs passions ou d’un événement particulier. En quoi consiste ce métier ? Comment écrire le récit d’une vie ? Réponses avec Florence Saint Loubert Bié, biographe hospitalière au groupe hospitalier-Saint Joseph Saint-Luc à Lyon, sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 2 mai 2023.
Depuis septembre 2022, l’hôpital Saint-Joseph Saint-Luc a mis en place un nouveau type de soin de support pour les patients atteints de maladies graves et hospitalisés en soins palliatifs : la biographie hospitalière. Florence Saint Loubert Bié, l’une des trente biographes hospitalières en France, est chargée de cette mission. Cette pratique est considérée comme un soin complémentaire au soutien psychologique. Elle permet aux patients de mieux vivre leur situation en leur offrant un moment d’écoute et de partage.
Plus d’explications sur cette profession étonnante avec Florence Saint Louvert Bié, biographe hospitalière à Lyon, lors de l’émission Votre Santé du mardi 2 mai 2023 sur BFM Lyon.
“Des histoires d’une grande intensité émotionnelle”
Pourriez-vous décrire en quoi consiste votre métier ?
La biographie hospitalière est une nouvelle profession qui consiste à offrir un accompagnement aux personnes en soins palliatifs ou atteintes de maladies graves. L’objectif est de les aider à écrire le récit de leur vie ou d’un événement qu’ils souhaitent transmettre à leurs proches. De plus, ce service est entièrement gratuit. À la fin de l’accompagnement, ces personnes reçoivent un livre personnalisé relié par un artisan d’art.
Ces rencontres sont souvent très enrichissantes, car les patients sont à un stade difficile de leur maladie et ont un désir de transmettre quelque chose de significatif à leurs proches. Ils partagent des histoires d’une grande intensité émotionnelle, mais qui transmettent également la beauté et la richesse de la vie.
De quelle manière entrez-vous en contact avec le patient ?
Nous travaillons en étroite collaboration avec les professionnels de santé et les soignants. Nous n’allons pas directement dans les chambres pour proposer l’écriture du récit de vie aux patients. Au départ, les soignants nous indiquent les patients susceptibles d’être intéressés par cette démarche.
Par conséquent, soit les soignants présentent cette possibilité aux patients en premier lieu, soit nous les contactons nous-même, mais toujours après avoir obtenu l’approbation des soignants.
Pourriez-vous expliquer comment se passe le processus d’écriture d’un récit de vie pour un patient ?
Le processus pour écrire le récit de vie d’un patient commence par une prise de contact avec les soignants pour savoir si la personne est intéressée et disponible pour cette démarche. Ensuite, une première rencontre est organisée pour discuter avec le patient de ses motivations, de ses attentes et de la manière dont il souhaite raconter son histoire.
Je leur demande toujours s’ils acceptent que notre entretien soit enregistré, car cela me permet d’être plus disponible pour l’échange. Tout ce qui est dit durant les séances est confidentiel. En effet, la décision de partager leur récit appartient au patient.
En fonction des souhaits du patient, le processus peut prendre plusieurs formes, allant de séances régulières à une seule séance pour faire une biographie express. Le nombre de séances nécessaires dépend de chaque cas et de la complexité de l’histoire à raconter. Le processus est toujours adapté aux besoins et aux capacités de chaque patient.
Ensuite, une fois que le patient à raconter son histoire, le travail de mise en forme et d’écriture commence. Mon objectif est de rester fidèle à la voix de la personne, plutôt que de faire des prouesses littéraires.
Ensuite, je demande au patient de relire attentivement le livre. Cette étape est importante pour m’assurer d’avoir retranscrit leur histoire de la bonne manière.
Biographie hospitalière: des histoires uniques à chaque rencontre
Quels sont les récits partagés par les patients ?
Je suis induit à différents types de récits. Par exemple, j’ai rencontré une femme d’une cinquantaine d’années qui souhaitait retracer sa vie depuis sa naissance jusqu’à sa maladie actuelle, de manière chronologique. Bien que très en colère au départ, étant donné les difficultés qu’elle a rencontrées dans sa vie, elle a peu à peu pris conscience de la valeur de sa vie au fil de nos rencontres.
Une autre femme, en raison de sa maladie et de ses traitements, avait des problèmes de mémoire. J’ai donc utilisé le questionnaire de Proust pour lui poser quelques questions. Et à partir de ses réponses, elle a pu écrire un hommage fabuleux de sa vie à ses proches.
J’ai également rencontré un patient qui avait déjà commencé à écrire sa vie. Mais qui, en raison de ses traitements, était très fatigué. J’ai donc repris là où il s’était arrêté et j’ai continué à écrire son récit avec lui.
Enfin, j’ai rencontré un autre patient qui souhaitait transmettre à ses petits-enfants la fierté de leur nom de famille. Il m’a raconté des événements très difficiles qu’il a vécus durant la guerre, mais dont il était finalement assez fier.
En somme, chaque rencontre est unique, avec des situations et des histoires différentes.
Est-ce qu’il y a une récurrence de certains sujets que les patients ont envie d’aborder en fin de vie ?
Chaque personne est unique et à des besoins différents. Bien que raconter sa vie puisse avoir des vertus thérapeutiques, il m’arrive d’orienter les patients vers des professionnels compétents tels que des psychologues, car je ne suis pas une thérapeute. Cependant, le fait de partager son histoire de vie peut avoir des effets très positifs pour les patients.
Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du 2 mai 2023 sur Ma Santé TV.
À SAVOIR
Ce travail peut être difficile car il met en contact avec des personnes qui souffrent d’une maladie grave ou en soins palliatifs. Les biographes hospitaliers doivent faire preuve d’une grande sensibilité et d’empathie envers les patients tout en gardant une certaine distance pour ne pas être submergé par l’émotion. Cependant, malgré la difficulté de la situation, il y a une belle dimension humaine dans ce travail. Les patients leur font confiance en livrant leur intimité, ce qui crée un lien particulier et précieux.
