Chaque année, plus de 700 000 enfants, en France, sont victimes de harcèlement scolaire, entre insultes, moqueries et coups. Le sujet est longtemps resté tabou, mais de plus en plus de voix s’élèvent pour favoriser une prise de conscience à la hauteur du danger qui pèse sur des épaules trop frêles pour y faire face sans l’aide des adultes. Malgré tout, le harcèlement scolaire peine à être reconnu comme un délit spécifique inscrit dans la loi. Un vide juridique que les actions d’un collectif lyonnais, l’Association Hugo, pourraient contribuer à combler. Explications.
Le harcèlement scolaire est un fléau qui, malgré sa prise en compte par l’éducation nationale depuis plus de dix ans, laisse ses victimes démunies dans la plupart des cas. 80 % des suicides en 2020, chez les jeunes, sont dus au harcèlement scolaire, selon le secrétaire d’État en charge des familles et de l’enfance Adrien Taquet. Signe d’une prise de conscience, de nombreux dispositifs dédiés à la lutte contre le harcèlement par le gouvernement ont été mis en place. Un numéro d’appel (3020), un site internet (non au harcèlement) ou l’enseignement physique et moral en font notamment partis. Mais ces initiatives restent insuffisantes face à l’ampleur du phénomène.
Aucun passage de la « loi Blanquer » pour une École de la confiance, promulguée en juillet 2019, n’évoque le harcèlement scolaire, qui touche pourtant 10 % des élèves français. Un député du Finistère, Erwan Balanant, a donc décidé de travailler sur une proposition de loi pour que ce fléau devienne un délit et soit inscrit dans le code pénal. Cette pénalisation éventuelle du harcèlement scolaire était au cœur d’un webinaire organisé le 12 février dernier par l’Association Hugo, collectif lyonnais fondé par une ancienne victime et très engagé dans la reconnaissance du statut des victimes.
Parmi les participants de cette rencontre virtuelle figurait aussi l’ancienne ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud Belkacem, qui durant son mandat avait mis en place plusieurs mesures contre le harcèlement scolaire.
120 propositions de loi contre le harcèlement scolaire
Dans son rapport nommé « Comprendre et combattre le harcèlement scolaire », le député Modem du Finistère Erwan Balanant soumet 120 propositions de loi pour lutter contre le harcèlement scolaire, de la formation des adultes et la sensibilisation des enfants à la création d’un délit spécifique. L’une de ces motions soumet donc l’idée d’une nouvelle qualification pénale pour le harcèlement scolaire. « Il faut définir un interdit, à l’image de celui que le code pénal a défini il y a quelques années pour le harcèlement au travail », explique-t-il.
Cette proposition de loi n’aurait pas un but purement répressif. Elle servirait avant tout d’outil de prévention, sensibilisation et d’accompagnement des victimes comme des harceleurs.
Cette proposition de loi s’appuie sur trois grands axes :
– redéfinir le harcèlement scolaire, affiner sa définition.
– avoir dans le code pénal son pendant qui figure dans le code de l’éducation. Cela favoriserait une articulation fluide entre la discipline scolaire et le code pénal.
– redéfinir le statut et l’accompagnement des victimes, insuffisant aujourd’hui. La reconnaissance du statut de victime permettrait notamment aux familles d’être remboursées par la sécurité sociale.
Cette proposition de loi ne prend pas uniquement en compte le harcèlement scolaire « classique ». En effet, le cyber-harcèlement est également concerné.
Les cas de cyber-harcèlement en hausse
Le premier confinement a révélé une augmentation de 43% d’élèves cyber-harcelés. Le cyber-harcèlement est un fléau de plus en plus inquiétant. Ce phénomène, observé depuis la montée en puissance des réseaux sociaux, inflige des dégâts considérables. Les enfants, qui se font harceler en permanence même en dehors du milieu scolaire, n’ont plus de répit.
Il existe plusieurs formes de cyber-harcèlement :
– le flaming : envoyer des messages violents, menaçants, insultants
– le revenge porn : photos ou vidéos à caractère intime publiées par un ancien petit-ami
– l’exclusion : exclure une personne d’un groupe pour se moquer
– l’usurpation d’identité : prendre l’identité de quelqu’un en se faisant passer pour lui
– le dénigrement : décrédibiliser une personne avec des rumeurs qui portent atteintes à son image, sa réputation…
– l’outing : divulguer des informations intimes ou confidentielles sans le consentement de la personne
– happy slapping : filmer et publier une scène de violence subi par une personne
Le rapport du député Erwan Balanant a été remis au gouvernement le 13 octobre 2020. Il a été, par la suite, présenté devant la commission des affaires culturelles le 9 décembre dernier. Si cette proposition de loi devait être validée, elle serait porteuse d’un espoir réel pour de nombreuses victimes, trop souvent abandonnées par les adultes.
À SAVOIR
À Lyon, un Centre de Formation du Harcèlement Scolaire (CFHS) a ouvert ses portes à l’automne 2019. Il a pour but de former les professionnels de santé, de l’éducation, des secteurs juridiques ou socio-éducatifs aux problématiques du harcèlement scolaire. L’ASSOCIATION HUGO est à l’origine de sa création. Cette dernière est une association lyonnaise luttant contre le harcèlement scolaire. Elle a été créée en janvier 2018 par Hugo Martinez. Ce jeune homme a lui-même été harcelé à l’école pendant 12 ans.