Une trentaine de praticiens des Hospices Civils de Lyon publie une tribune sur le site “Le Monde.fr”. Une initiative inédite pour dénoncer la situation du monde hospitalier à Lyon et en France, en alertant les pouvoirs publics sur ses problèmes de financement. “L’avenir des HCL est en péril” estiment les signataires qui veulent défendre le deuxième CHU de France.
Depuis hier, « Le Monde.fr » publie sur son site une tribune rédigée par une trentaine de praticiens hospitalo-universitaires des Hospices Civils de Lyon, parmi lesquels le Président de la Commission Médicale d’Etablissement, le Président de l’Université Lyon 1, les doyens des facultés de médecine et de nombreux chefs de services de renommée nationale et internationale.
De manière très inédite, ces médecins ont fait le choix de prendre la plume à la suite d’une Commission Médicale d’Etablissement où le projet de budget de l’établissement a été rejeté par les représentants du corps médical. Ils évoquent la situation locale mais surtout les problématiques plus vastes et nationales relatives à l’organisation de l’offre hospitalière sur le territoire, au modèle de financement des hôpitaux … et interpellent les pouvoirs publics.
L’intégralité de la tribune publiée sur le site “Le Monde.fr”:
Depuis bientôt sept ans, les Hospices civils de Lyon (HCL), 2ème centre hospitalo-universitaire français, opèrent une véritable révolution culturelle dans l’indifférence générale. Pour rétablir une situation financière dégradée, mais aussi et surtout pour moderniser l’offre de soins et maintenir l’excellence des prises en charge, la communauté hospitalière a engagé des réformes profondes et consenti des efforts sans équivalent dans le monde hospitalier public : concentration de l’activité par fermeture de plusieurs sites et regroupements de services, diminution de plus de 1000 postes, industrialisation des fonctions logistiques, optimisation des achats, développement des prises en charge ambulatoires et innovantes… tout en assumant un accroissement de l’activité (+ 30 000 séjours), des investissements indispensables (50 % des services rénovés) et en maintenant un haut niveau d’excellence en termes d’innovations médicales comme de recherche.
Jamais établissement public de santé n’aura engagé une telle évolution. Mais nous l’avons assumée. Les mots efficience, productivité, optimisation des ressources sont devenus notre quotidien, affichant même en épigraphe de notre projet d’établissement notre ambition de développer, tous ensemble, une « éthique de la performance ». Grâce à cette mobilisation générale, les HCL ont significativement redressé leurs indicateurs financiers, tangeantant l’équilibre financier il y a encore quelques mois. Ils ont gagné en productivité, sans perdre la qualité des soins prodigués aux patients.
Pourtant, nous sommes à la veille de retrouver une situation financière qui met de nouveau en péril l’avenir des HCL, qui risque de bloquer les projets d’innovation, d’amoindrir l’attractivité du CHU pour les jeunes professionnels et de désespérer la communauté hospitalière tout entière. Pour 2015, la baisse des financements de l’assurance maladie, conjuguée à la hausse mécanique des dépenses (en raison, essentiellement, de mesures catégorielles et revalorisations salariales décidées par les pouvoirs publics), nous conduit inexorablement vers un nouveau rebond déficitaire ; à un retour 3 ans en arrière ; à un coup d’arrêt des investissements alors que notre niveau en la matière est déjà fort contraint et sans commune mesure avec les besoins d’équipements, de mise en sécurité et de rénovation de nos hôpitaux.
Dans ce contexte, si les HCL veulent se maintenir à flot, les efforts demandés aux hospitaliers vont devoir être doublés. Les personnels des HCL ont une grande conscience du contexte économique de notre pays et de la nécessité de contribuer à l’effort national. Ils l’ont d’autant plus qu’ils ont pris le virage de la rigueur depuis plusieurs années, assumant des choix difficiles, avec responsabilité.
Pour autant, ce nouveau tour de vis, dans des proportions jamais égalées, portera-t-il réellement ses fruits ? Ou les HCL se débattent-ils dans un contexte et un environnement qui n’est pas ou plus adapté, rendant leurs efforts vains ? Pour notre part, nous sommes convaincus que cette situation n’est pas inéluctable mais interroge :
Sur le modèle de financement à l’activité qui pénalise les CHU et notamment les plus gros, en finançant mal l’investissement et en ne prenant pas suffisamment en compte la lourdeur des prises en charge : de nombreux séjours réalisés en CHU, notamment les plus complexes et pour les pathologies les plus rares, se voient appliquer un tarif moyen de remboursement qui ne couvre pas les coûts spécifiques engagés, notamment en termes de capital investi en équipements de pointe.
Sur la politique de santé qui continue de disperser les moyens, par définition rares, d’une part en conservant, voire confortant, de nombreuses structures hospitalières sur le territoire national, sans préciser leurs rôles respectifs et sans organiser leurs complémentarités. Cela disperse, des compétences médicales rares, sans garantir pour autant la sécurité des soins. D’autre part en saupoudrant les moyens dédiés à la recherche alors même que tous les grands pays contributeurs les concentrent pour faire face à des enjeux désormais mondiaux.
Sur le modèle même des CHU dans leurs 3 compétences (enseignement, recherche soins) et leurs places de pivot territorial et d’établissement de dernier recours.
Aussi, nous demandons :
– Un appui des pouvoirs publics pour réaliser des opérations de restructuration d’ampleur, légitimes sur un plan médical comme génératrices d’efficience.
– Une inflexion du modèle de financement pour un système plus équitable et tenant compte des spécificités des CHU et de leurs missions de recours, de recherche et d’enseignement.
– Une véritable réflexion stratégique, qui précise la place des CHU et leur rôle nécessairement incontournable dans les projets médicaux des territoires.
Les médecins du CHU lyonnais posent un acte public fort et inédit. Ils ne le font pas par corporatisme ou parce qu’ils refusent l’effort. Ils ne le font pas en opposition avec la Direction ou avec les autres corps de métier de l’établissement. Ils le font par attachement viscéral au service public hospitalier et à ses missions. Pour préserver son rôle de formation des médecins de demain. Pour garantir l’excellence du CHU et le rayonnement de sa recherche. Ils le font, surtout, pour que jamais ne soit entamée la qualité des soins prodigués aux patients.
SIGNATAIRES
Pr O. Claris, président de la Commission médicale d’établissement des HCL
Pr F-N. Gilly, président de l’Université Lyon 1
Pr C. Burillon, doyen de la faculté de médecine Lyon-Sud , doyen de la faculté de médecine Lyon-Sud
Pr J. Etienne, doyen de la faculté de médecine Lyon-Est
Pr Véronique Trillet-Lenoir ; Pr Jérome Honnorat ; Pr Pierre Cochat ; Pr Claude Négrier ; Pr Philippe Douek ; Pr Charles Dumontet ; Pr Martine Laville ; Pr Pierre Krolak-Salmon ; Pr Vincent Piriou ; Pr Pierre-Jean Valette ; Pr Bruno Lina ; Pr Pierre-Yves Gueugniaud ; Pr Gilles Salles ; Pr Roland Chapurlat ; Pr Gilles Rode ; Pr Sandra Vukusic ; Pr Jean-François Mornex ; Pr Cyrille Colin ; Pr Fabien Zoulim ; Pr Emmanuel Morelon ; Pr Lionel Badet ; Pr Laurent Julliard ; Pr Gilles Aulagner ; Pr Gilbert Kirkorian ; Pr René-Charles Rudigoz.
La situation n’est ni pire ni meilleurs dans tous les hôpitaux de France et la pénurie de médecins ne fait que conduire à des surcoût du fait de l’intérim.