Les idées reçues sur les antidépresseurs.
La prise d’antidépresseurs est primordiale en cas de dépression sévère. ©Pixabay

La santé mentale des Français ne cesse de se dégrader depuis plusieurs années, phénomène qui s’est largement accentué avec la crise sanitaire. Déprime, dépression, anxiété… Résultat, le recours aux antidépresseurs s’est inévitablement accru. Mais cette consommation de médicaments est-elle dangereuse ? Faut-il s’inquiéter de l’effet des antidépresseurs ? On démêle le vrai du faux avec le concours du Dr Pascal Verrier, psychiatre à Lyon.

Contrairement aux idées reçues, les Français sont loin d’être les plus grands consommateurs d’antidépresseurs. Seulement 50 doses quotidiennes pour 1 000 habitants, loin derrière la moyenne mondiale de 58 doses pour 1 000 habitants. Mais pourquoi cette peur du Français envers les antidépresseurs ?

Souvent catégorisé comme « fragiles », « déprimés à vie » ou encore « fainéants », les personnes ayant recours aux antidépresseurs font face à de nombreux stéréotypes. Pourtant, les antidépresseurs sont des médicaments parmi d’autres. Entre confusion et absurdité, le point sur la réalité des antidépresseurs avec le Dr Pascal Verrier, psychiatre à Lyon.

Les antidépresseurs ne sont prescrits que pour les dépressions.

FAUX. Si la prescription d’antidépresseurs est le plus souvent réalisée afin de traiter des troubles dépressifs, ce ne sont pas les seules cibles. En effet, les substances antidépressives peuvent également soigner les troubles anxieux, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), troubles bipolaires ou certaines douleurs.

Entre autres, les antidépresseurs sont recommandés aux patients atteints de syndromes myélodysplasiques. Cette maladie développe une carence en globules rouges, globules blancs ou plaquettes dans le sang. Or, dans ce cadre-là, le corps humain souffre également d’un faible taux de sérotonine, indispensable à la fabrication de globules rouges. Suivre un traitement d’antidépresseurs permet ainsi à ces personnes d’améliorer leur anémie.

Anxiolytique et antidépresseur, c’est la même chose !

FAUX. Si ces deux molécules font partie de la même famille de psychotropes, ils ne soignent pas les mêmes troubles. Les antidépresseurs sont communément utilisés pour soigner la dépression, alors que les anxiolytiques calment seulement les angoisses à court terme.

C’est d’ailleurs la consommation d’anxiolytiques qui plaçait en 2015 la France vice-championne européenne. En effet, l’idée reçue selon laquelle les Français consommeraient trop d’antidépresseurs est fausse. Ce sont les benzodiazépines, composés des anxiolytiques et des hypnotiques, qui sont eux fortement prescrits.

Les antidépresseurs ne sont pas recommandés pour les enfants, adolescents et femmes enceintes.

VRAI. Peu d’études se sont intéressées à la prise d’antidépresseurs chez les enfants et adolescents. Les rares études menées sur les adolescents démontrent un taux d’efficacité plus faible. En cause ? Un développement cérébral pas assez mature. Ainsi, les antidépresseurs ne sont prescrits aux enfants et adolescents qu’en cas d’extrême détresse et sous vigilance accrue.

En revanche, les antidépresseurs chez les femmes enceintes gardent leur efficacité habituelle. Pourtant, les antidépresseurs sont déconseillés aux femmes enceintes. Il s’agit là d’une recommandation avancée dans l’intérêt de l’enfant pour ne pas accroitre certains risques de perturbation bégnine post-natale.

Cependant, une analyse risques-avantages est de mise : les effets de la dépression maternelle ne sont également pas recommandables au développement du bébé. Ainsi, si l’état de la mère nécessite obligatoirement des antidépresseurs, elle pourrait continuer à les prendre, sans pour autant mettre la santé du bébé en danger.

Les antidépresseurs, c’est inefficace !

FAUX. En cas de dépression, c’est toute la chimie cérébrale qui est perturbée. Entre autres, des molécules dites de sérotonine, noradrénaline et glutamate n’assurent plus efficacement leur rôle. Conséquences ? Le cerveau ne parvient plus à former certaines connexions neuronales et le système de réponse au stress est déréglé.

Ainsi, les personnes ont beau tenter d’accéder un bien-être mental, si la dépression est chronique ou sévère, les efforts semblent vains sans recours aux antidépresseurs. Ces derniers vont permettre de rétablir un fonctionnement cérébral approprié. À noter que désormais d’autres techniques permettent de jouer sur ces mécanismes cérébraux. C’est le cas de la stimulation magnétique transcrânienne ou du neurofeedback dynamique.

Attention toutefois à l’amalgame : les antidépresseurs seuls ne suffisent pas. Il faut faire un travail personnel pour identifier la souffrance, l’accepter et trouver des solutions adaptées. Pour cela, l’aide d’un thérapeute est recommandée en complémentarité avec la prise d’antidépresseurs.

Première semaine : l’antidépresseur agit dès la première prise.

VRAI. Le mécanisme d’action des antidépresseurs se déploie dès la première prise. En revanche, les antidépresseurs ne font pas effet immédiatement. Les ressentis bénéfiques ne démarrent que les premières semaines, aux alentours de la deuxième ou troisième semaine de prise.

En effet, la guérison grâce aux antidépresseurs passent par trois étapes. La phase d’attaque qui dure jusqu’à un mois débute parfois par une aggravation des symptômes ou en tout cas par des effets secondaires. Ce n’est qu’à la fin de cette phase d’attaque que les symptômes dépressifs commencent à s’améliorer. La deuxième phase, appelée convalescence, est plus longue : de 3 à 8 mois. Pendant cette période, le patient recommence à se sentir bien mais peut toutefois faire face à des rechutes passagères. Enfin, la dernière phase de guérison marque la possibilité d’arrêter le traitement sans risque de rechutes.

En revanche, si une deuxième dépression survient, le traitement par antidépresseurs durera douze mois. Voire cinq ans en cas de récidive.

Dès que je me sens mieux, je peux arrêter de prendre des anti-dépresseurs.

FAUX. Se sentir mieux n’indique pas forcément une guérison. Comme expliqué précédemment, les rechutes restent possibles et il faut continuer le traitement plusieurs mois encore pour atteindre un pallier de non-retour.

De plus, arrêter du jour au lendemain le traitement n’est pas recommandé. Il est davantage conseillé de réduire petit à petit les doses prises. Un ou deux mois est ainsi nécessaire à l’arrêt complet. À l’exception des antidépresseurs dernière génération permettant un arrêt plus brutal du traitement. Sans quoi, des effets secondaires tels que des étourdissements, de l’anxiété, des nausées peuvent apparaitre. Arrêter en douceur, c’est avant tout ménager sa santé.

Beaucoup d’effets secondaires sont rapportés.

VRAI. Les antidépresseurs génèrent un certain nombre d’effets secondaires les premières semaines. Somnolence, constipation, sécheresse buccale, difficultés sexuelles, nausées… La liste des effets secondaires est longue. Cependant, chaque personne réagira différemment au traitement. Certaines personnes ressentiront un ou deux effets peu dérangeants, d’autres pourront endurer des contrecoups plus dérangeants comme les nausées par exemple.

On parle ainsi d’environ 10 % de fréquence des effets secondaires. À noter que plus la personne est réticente au traitement, plus les effets secondaires risquent de subvenir.

C’est pourquoi les antidépresseurs sont mis en place par un psychiatre ou un médecin généraliste qui s’assurera de la volonté de la personne à poursuivre le traitement malgré les effets. Le professionnel de santé est également présent pour encourager et guider le patient dans son traitement. Ainsi, il peut prescrire des médicaments pour lutter contre les effets secondaires si ceux-ci sont trop présents.

Qu’importe l’antidépresseur, il améliorera ma santé mentale.

VRAI…  ET FAUX. Si certaines personnes ne répondent pas au traitement, elles sont rarissimes. Qu’importe l’antidépresseur utilisé, les premiers effets bénéfiques se feront ressentir à la fin du premier mois. En revanche, il est possible que son effet sur le long terme ne soit pas suffisant au regard de la personne. Dans ce cas, deux solutions, augmenter la dose ou changer d’antidépresseur.

Cependant, si l’antidépresseur a été prescrit sans réelle nécessité, il se peut qu’aucun effet positif ne soit remarqué. En effet, seules les dépressions caractérisées d’épisodes dépressifs majeurs ou certains épisodes moyens répondent au traitement. Les dépressions dites mineures ne nécessitent pas d’antidépresseurs et ne répondront pas au traitement en conséquence. Autrement dit, les déprimes passagères ne sont pas concernées par ces traitements.

Les antidépresseurs sont comme la drogue, on peut devenir dépendant.

FAUX. Les antidépresseurs n’induisent pas de dépendance physique, à l’inverse de certains anxiolytiques. Les patients sont tout à fait capables d’arrêter le médicament sans ressentir de sensation de manque.

En effet, seules les substances à action rapide créent une dépendance physique. Telle que la drogue. Or, les antidépresseurs possèdent un mécanisme d’action plutôt lent. Ainsi, pas de risque de dépendance.

En revanche, une dépendance dite psychologique peut être observée. C’est le cas des personnes ayant peur que l’arrêt n’altère leur qualité de vie. Dans ce cas, le médecin doit rassurer la personne et lui démontrer que, même sans médicament, elle ne craint pas de ressentir un nouveau mal-être.

Je peux boire ou conduire pendant la durée de mon traitement.

VRAI. Si la conduite est autorisée durant la durée du traitement, de même que la consommation d’alcool, mieux vaut éviter les premières semaines. En effet, les antidépresseurs risquent d’altérer la sécurité de la conduite de par leurs effets secondaires.

Nausées, migraines, étourdissements… Des aléas à prévoir dans chacune des activités au début de la prise. De même, l’alcool risque d’augmenter l’intensité des effets secondaires ressentis. Ainsi, si boire ou conduire est possible, il est conseillé de limiter ces deux activités les premières semaines, où les effets secondaires sont les plus forts.

À SAVOIR

Pendant la crise sanitaire, ce sont 187 000 délivrances d’antidépresseurs qui ont été vendues en plus par rapport à ce qui était attendu. En outre, un bond de presque 20 % du taux d’antidépresseurs achetés a été enregistré lors des deux premières semaines de la pandémie.

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