chirurgie réparatrice mâchoire en 3D © Pixabay

Reconstruire une mâchoire en exploitant une des facettes de la 3D… Telle est le défi relevé par les chirurgiens lyonnais qui se servent d’un bout d’os du péroné pour réparer les “gueules cassées”. Explications.

Reconstruire la mâchoire à l’aide de l’os du péroné n’est pas nouveau. En effet, la technique existe depuis la fin des années 1980 mais a largement évolué grâce à une innovation expérimentée pour la première fois en 2015 par un hôpital niçois: la modélisation en trois dimensions, aujourd’hui parfaitement maîtrisée par les équipes médicales de l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon.

Une innovation qui facilite le travail de reconstruction de la mâchoire

Cette technique consiste à modéliser la mandibule et le péroné du patient à l’aide d’images scanner. Un logiciel calcule ensuite les angles et la forme des coupes à réaliser sur le péroné. Les morceaux d’os sont alors positionnés pour obtenir un aperçu virtuel de la reconstruction de la mâchoire. Un document répertoriant ces informations est alors envoyé à une entreprise belge spécialisée dans la fabrication de guides de coupe de l’os du péroné. Ces éléments en polyamide sont équipés de trous grâce auxquels le péroné sera fixé à l’aide de plaques en titane.
L’équipe ORL de l’Hôpital de la Croix Rousse, séduite par l’innovation, en a déjà fait bénéficier une quinzaine de patients. C’est le cas de Rosa, 72 ans, opérée le 8 septembre 2017 et qui a retrouvé sa mandibule droite grâce à la modélisation 3D. Traitée pour un cancer de la gorge depuis 2012, elle avait vu la radiothérapie lui causer de lourds effets secondaires, de la nécrose de la mâchoire à la perte des dents, sur fonds de douleur insupportable. « Je ne pouvais plus manger sans avoir de douleurs. Jour après jour, ma mâchoire se mettait à craquer de plus en plus, à tel point que j’en suis arrivée à pouvoir m’enlever mes propres dents », confie la patiente. De plus, celle-ci a mis plus d’un an et demi avant de vouloir consulter. Redoutant l’intervention chirurgicale alors peu connue, elle a fini par se faire opérer au risque de voir sa peau à son tour attaquée.
Comme Rosa, 14 autres patients ont donc bénéficié de cette intervention. La plupart suite à un cancer leur causant un trou dans la mâchoire. Cette technique est aussi utilisée pour les personnes victimes de tirs ou ayant tenté de mettre fin à leurs jours.

Une  prouesse médicale onéreuse offrant de nombreux avantages

« Avant, c’est comme si vous deviez monter un meuble Ikea sans avoir de plan, de vis, et de trous fixés à l’avance. Le chirurgien se retrouvait face à un puzzle sans guide et perdait du temps à assembler les morceaux du péroné dans la bouche du patient», explique Philippe Ceruse, professeur du service ORL à l’Hôpital de la Croix Rousse.
La reconstruction de la mâchoire est une opération longue, d’environ neuf heures. Le chirurgien mettait auparavant près de deux heures pour parvenir à modeler les morceaux de péroné contre 30 minutes grâce à l’impression 3D. De plus, reconstituer la mâchoire sans modèle nécessitait des ajustements, des recoupes : « un vrai travail artisanal », confie Philippe Ceruse. Cette innovation offre un gain de temps considérable sur l’intervention et, surtout, assure un résultat esthétique et fonctionnel proche de la réalité.
Par ailleurs : « une fois l’opération passée, il n’y a pas besoin de suivi particulier. Les patients peuvent reprendre une vie normale directement après. Seuls les personnes étant auparavant sous traitement ou étant déjà suivies seront suivies tout au long de leur vie. C’est le cas par exemple pour les patients atteints de cancer », explique Philippe Céruse.
Outre l’avantage esthétique qu’apporte la modélisation 3D, cette méthode joue également un rôle social. D’après l’équipe ORL de l’Hôpital de la Croix Rousse, certains patients à la mâchoire déformée avaient le sentiment d’être rejeté par leur entourage. « Ils étaient souvent perçus comme les gueules cassées des temps modernes », explique le docteur Carine Fuchsmann.
Cependant, cette innovation aux multiples bénéfices a un surcoût de 2000 euros pris en charge par les Hospices Civils de Lyon. Les frais engendrés par l’opération ne peuvent être couverts par toutes les cliniques françaises c’est pourquoi l’hôpital de la Croix Rousse est le seul à proposer cette nouvelle méthode de reconstruction de la mandibule en Rhône-Alpes.

A SAVOIR

Depuis plus de trente ans, les chirurgiens se servent de l’os du péroné pour reconstituer les mâchoires. Situé dans la jambe, le péroné n’intervient en aucun cas sur la mobilité du membre. Le prélèvement d’un ou plusieurs morceaux de l’os n’handicape pas le patient.

Article précédentPréventica (santé au travail) revient à Lyon-Eurexpo
Article suivantProthèse mammaire : les conseils d’un expert français

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici