UNe jeune femme montrant son ventre et son microbiote intestinal.
Un microbiote en bonne santé a des vertus qui dépassent le cadre du seul domaine de la nutrition. Photo FReepik

D’ici quelques années, le recours à l’analyse du microbiote intestinal sera sans doute aussi courant qu’une prise de sang ou une analyse d’urine. Les progrès, en la matière, sont fulgurants et une meilleure connaissance de notre flore intestinale va permettre de révolutionner une partie de nos prises en charges, y compris dans le cadre de maladies chroniques variées comme le cancer, Alzheimer ou la dépression ! Les explications de l’un des grands spécialistes français du microbiote intestinal, le chercheur Joël Doré, qui anime une conférence grand public sur le sujet ce jeudi 9 mars 2023 à la Cité de la Gastronomie de Lyon.

Le microbiote intestinal est un allié précieux dont nous sommes loin d’avoir mesuré l’infinité du potentiel. Son rôle essentiel pour notre santé est aujourd’hui parfaitement reconnu. Mais les perspectives thérapeutiques offerte par cette science relativement nouvelle n’ont pas encore été explorées. Cela fait quarante ans que Joël Doré, l’un des plus grands spécialistes internationaux de la discipline, se démène pour en faire la démonstration. Expert en microbiome intestinal à l’INRAE, le chercheur revient sur l’intérêt de conserver une flore intestinale en bonne santé, sur son impact sur les maladies chroniques et sur les avancées scientifiques dans ce domaine.

Qu’est-ce que le microbiote intestinal ?

Il s’agit de l’ensemble des micro-organismes de nos intestins, avec lesquels l’être humain est en interaction en permanence. Nous sommes en relation avec 50 000 milliards de bactéries, levures, champignons, virus dans nos intestins. Nous en avons autant que nous avons de cellules: nous sommes autant bactériens que humains ! Il s’agit d’une relation de symbiose, à bénéfice mutuel. On a été éduqués à croire que nous sommes face à des microbes agresseurs. Mais nous sommes en train de revoir cette vision un peu caricaturale des choses en se rendant compte que nos microbiotes, et notamment le microbiote intestinal, recèle énormément de propriétés bénéfiques.

Comment fonctionne-t-il ?

Les microbes étaient sur la planète bien avant l’humain. Ils ont occupé tous les espaces, écologiques et biologiques, au fur et à mesure de leur apparition. Ce fut le cas des intestins des insectes, des poissons, des mammifères et bien sûr des êtres humains. Ces microbes utilisent les décomposés de l’alimentation, notamment ce qui n’est pas digéré par les enzymes humaines, comme les fibres ou les matières végétales. Ils nous apportent des vitamines, des oligo-éléments, des potentiels de détoxication alimentaire. Ces microbes assurent aussi une fonction protectrice, en occupant l’espace et en empêchant les microbes extérieurs de s’installer. Lorsque l’on mange un yaourt ou fromage, on ouvre la porte à des milliards de bactéries, qui se contentent donc de transiter sans se fixer. Et, enfin, ils “discutent” avec l’organisme, avec les cellules de la paroi intestinale, avec nos défenses naturelles, avec nos tissus adipeux comme le foie, les poumons, le cœur, le cerveau…

Depuis quand a-t-on pris la mesure du rôle fondamental du microbiote ?

Cela n’est pas nouveau, on en parlait déjà à l’époque de Pasteur. On commençait alors à le caractériser par des outils basiques, en faisant pousser les bactéries sur des milieux de culture. Ce fut l’unique moyen d’apprendre à connaître le microbiote. Jusqu’à ce que la biologie moléculaire apporte de nouvelles réponses à partir des années 80. Cette technologie a progressé, jusqu’à un virage important au changement de siècle. Au-delà de caractériser un gène marqueur des bactéries présentes pour répondre à un problème bien particulier, on est devenus capables, en utilisant des analyses de séquençage massif, de réaliser une photographie complète de notre écosystème intestinal. Cela a ouvert un champ de perspectives immenses.

L’analyse du microbiote intestinal au cœur de la médecine de demain

Notamment dans le traitement des maladies chroniques ?

Il y a des symptômes classiques d’un dérèglement d’un intestin. Certains ne sont pas associés au microbiote intestinal. En revanche, on s’est aperçu en travaillant sur les pathologies intestinales que le microbiote des malades était altéré. Par extension, on a fait le même constat en travaillant sur d’autres maladies non intestinales. C’est notamment le cas du diabète, de l’obésité ou des maladies du foie. Ou encore de la dermatite, des cancers, des maladies neurodégénératives comme Parkinson ou Alzheimer, des maladies neuropsychiatriques comme l’autisme, la schizophrénie, la bipolarité, la dépression… À chaque fois, on s’est rendu compte que le microbiote du patient était altéré.

Ce constat a-t-il déjà prouvé son efficacité thérapeutique ?

Pour l’instant, le microbiote est un levier utile en matière de prévention ou de thérapie. C’était l’idée à travers ce qui s’est développé autour des probiotiques ou des compléments alimentaires. Après, on s’est demandé si cela pouvait avoir un potentiel diagnostic et/ou pronostic. La science dit que oui, mais nous n’en sommes pas encore là dans l’application. Si un médecin, un nutritionniste ou un thérapeute veut se servir des informations d’une photographie du microbiote, il faut qu’elles lui soient traduites et générées par des processus répondant à des standards. Aujourd’hui, il n’y a pas encore de processus qui permettrait aux médecins de prescrire l’analyse du microbiote de la même façon qu’il va prescrire une prise de sang. D’ici deux à cinq ans, ce recours à l’information du microbiote va émerger. Et on a de bonnes raisons de penser qu’il va se généraliser. On aura les standards, les grands noms du secteur qui travaillent dessus, et nous aurons la référence. Celle-ci est en construction: l’objectif, au niveau mondial, est d’avoir à disposition un million d’échantillons associés à l’humain. Il faudra ensuite démontrer la pertinence clinique de ces informations dans la prise en charge des malades.

Qu’est ce que le projet French Gut, porté par l’INRA ?

Le French Gut est un moyen d’accélérer la science du microbiote. Son objectif est d’ouvrir la voie à de nouvelles thérapies innovantes face à des maladies chroniques (cancers, obésité, diabète…) et les troubles en lien avec le cerveau (autisme, Parkinson, Alzheimer…) Le French Gut est un projet de science participative. Il est initié par MetaGenoPolis, porté par INRAE et réalisé en collaboration avec l’AP-HP, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris et un consortium de partenaires publics et privés.

Comment conserver un microbiote en bonne santé ?

Si le mode de vie ou encore l’activité physique jouent des rôles importants, le levier principal est la nutrition. Les fibres végétales sont des sources de carbone et d’énergie pour nos microbes. Quand on mange des végétaux en richesse et en diversité, on stimule la richesse et la diversité de nos microbes intestinaux. On agit sur les paramètre de l’intestin. Quand il est en bonne santé, on offre le gîte et le couvert au microbe, qui nous apporte sa protection en échange.

On sait que l’alcool favorise la perméabilité intestinale, mieux vaut donc l’éviter. Que les acides gras oméga 3 ont des vertus protectrices et anti-inflammatoires. Que les protéines vont protéger la paroi intestinal, que les polyphénols, qui donnent la couleur des aliments, protègent contre les inflammations et le stress oxydant. Et qu’avoir des apports réguliers de microbes vivants, via les produits laitiers ou des boissons fermentées, est bon pour notre microbiote.

A SAVOIR

Tout savoir sur notre microbiote intestinal, conférence grand public gratuite le jeudi 9 mars 2023 à la Cité de la Gastronomie de Lyon. Animée par Joël Doré, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement français (INRAE), accompagné par le Pr Tristan Ferry, chef de service adjoint Maladies Infectieuses et Tropicales aux Hospices Civils de Lyon et le Dr Julien Scanzi, gastroentérologue aux Centres Hospitaliers de Clermont-Ferrand et de Thiers.

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Journaliste expert santé / Rédacteur en chef adjoint du Groupe Ma Santé. Journaliste depuis 25 ans, Philippe Frieh a évolué dans la presse quotidienne régionale avant de rejoindre la presse magazine pour mettre son savoir-faire éditorial au service de l'un de ses domaines de prédilection, la santé, forme et bien-être. Très attaché à la rigueur éditoriale, à la pertinence de l'investigation et au respect de la langue française, il façonne des écrits aux vertus résolument préventives et pédagogiques, accessibles à tous les lecteurs.

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