Le moustique pourrissait déjà la vie des dinosaures. Véridique : il est apparu il y a 170 millions d’années et ne semble toujours pas prêt à s’éteindre. Cette nuisance a été particulièrement sensible cet été, entre fortes chaleurs et violents orages. Du moustique inoffensif à sa version tigre plus dangereuse, sa prolifération est une réalité à laquelle il faudra désormais s’adapter. À quoi est-elle due ? Faut-il s’inquiéter ? Comment s’en protéger ? Les explications de Gilles Besnard, entomologiste à l’EID (Entente Interdépartementale Rhône-Alpes pour la Démoustication), en Savoie.
La présence du moustique, tous les témoignages le confirment, n’a jamais été aussi pénible que cet été. Et la tendance n’est pas prête de s’inverser. Son espèce la plus dangereuse, celle du moustique tigre, a même clairement pris ses quartiers en Auvergne-Rhône-Alpes, et notamment dans la métropole de Lyon. Dernière illustration de cette menace désormais omniprésente ? Deux cas de dengue été détectés au sein d’une même famille, tout juste revenue d’une zone tropicale, à Saint-Didier-au-Mont-d’Or, dans la nuit du 6 au 7 septembre. Un « traitement préventif exceptionnel » contre l’insecte a été effectué.
Le moustique tigre, comme ses congénères plus classiques, s’est définitivement installé dans la quasi-totalité des départements français et n’a pas fini de proliférer. Il va donc falloir apprendre à vivre avec cette nuisance. Le point avec Gilles Besnard, entomologiste à l’EID (Entente Interdépartementale Rhône-Alpes pour la Démoustication).
Pièges et sprays : nos moyens de protection sont-ils efficaces ?
Y a-t-il vraiment des « peaux à moustique ? »
Pas vraiment. Ce sont plutôt les odeurs corporelles propres à chacun et indépendantes de l’hygiène qui font que l’on attire plus ou moins les moustiques. Autre élément : la sensibilité. Il y a des gens qui ne ressentent pas la piqûre donc qui ont l’impression de ne pas en avoir. D’autres font des grosses réactions donc ressentent toutes leurs piqûres.
Les sprays anti-moustique sont-ils vraiment efficaces ?
Ils sont testés et recommandés. Donc oui ils sont efficaces ! Il y en a des spéciaux pour le corps et d’autres pour les vêtements. En parallèle, pour réduire le risque d’être piqué, il faut porter des vêtements longs, amples, de couleur claire et resserrés aux extrémités pour empêcher l’insecte de rentrer. Les vêtements amples sont importants car le moustique peut trouver la peau et piquer à travers un vêtement serré.
Ne sont-ils pas toxiques pour la peau ?
Non, les répulsifs corporels sont fait exprès : ils ne sont pas fait avec les mêmes dosages que les sprays pour les vêtements par exemple, pour être mieux supportés par la peau. Comme tout cosmétique, ils sont testés pour voir s’il n’y a pas des phénomènes indésirables.
Et les plantes comme la citronnelle, le thym, le géranium… ?
Elles ont certainement un effet répulsif mais pas autant que les produits. Les plantes ont 50% d’efficacité donc fonctionnent surtout dans un secteur vraiment infecté par les moustiques. Sinon la différence n’est pas visible.
Qu’en est-il des pièges ?
Certains ont une efficacité partielle, d’autres aucune. Ceux qui dégagent du CO2 sont les plus efficaces. Ceux avec des ultra-sons, de la lumière, des UV… n’ont aucun impact sur le moustique, ce sont des pièges gadget.
Quels sont les moyens de s’en débarrasser ?
Peut-on réellement se protéger de cette invasion ?
Ce n’est qu’à travers une lutte communautaire que l’on pourra limiter la présence du moustique. Chacun doit agir dans le même sens. Il faut ainsi faire la chasse à tout ce qui retient de l’eau, comme les bidons, les coupelles de fleurs, les seaux, les jouets d’enfants… C’est la solution la plus efficace. Si on élimine tous ces récipients de nos jardins et de nos terrasses, le moustique n’a en effet plus accès à l’eau, son environnement naturel pour pondre ses œufs. Il faut savoir qu’un simple bidon peut libérer un millier de moustiques ! Avoir ces quelques réflexes simples réduirait drastiquement la population de moustiques.
Parmi les autres solutions envisageables, il est possible de mettre du gravier dans les coupelles sous les pots de fleurs. Ainsi, le moustique ne pourra plus pondre ses œufs à l’intérieur. Un filet anti-insecte pour les bidons de recueil d’eau de pluie (vendu dans les jardineries) empêche aussi la pénétration des moustiques. Il est donc possible d’économiser l’eau… sans favoriser le développement du moustique !
Le moustique tigre inquiète : à quoi est due sa prolifération nouvelle ?
Elle n’est pas si récente que cela. Le moustique tigre est arrivé en France en 2004, et en Auvergne-Rhône-Alpes en 2012. Comme il se développe dans les recueils d’eau, il s’est très bien implanté autour des zones urbaines. Plus il fait chaud, plus il se développe. Et cette année, les orages de la fin du mois d’août ont apporté beaucoup d’eau et cette humidité a provoqué un pic de présence de moustiques tigres. Les conditions étaient en effet idéales pour le développement des œufs.
Qu’attendre des années à venir ? Le réchauffement climatique va-t-il aggraver la situation ?
Le réchauffement climatique, peut-être. Mais le comportement des personnes, certainement. Je le répète : il ne faut surtout pas laisser de récipients remplis d’eau traîner dans nos espaces extérieurs. C’est la plus grosse cause de développement du moustique en général, et donc également du moustique tigre, qui lui est porteur de maladies potentiellement graves.
Le moustique tigre vecteur de maladies
Comment ces insectes se trouvent-ils infectés par des maladies ?
Le moustique tigre est un vecteur : il est capable de transmettre une maladie d’une personne à l’autre. En France métropolitaine, il n’y a heureusement que cette espèce de moustique qui susceptible de transmettre des maladies comme la dengue, le chikungunya et le virus Zika. Cette contagion est encore plus courante dans les régions d’outre-mer, par les moustiques mais aussi par d’autres animaux. Et si un voyageur rentre d’une de ces zones en étant infecté, il peut tout à fait être piqué par un moustique tigre et le rendre ainsi ‘’infectant’’. Ces cas dits « autochtones », qui sont à la base de la transmission des maladies, restent toutefois plutôt marginaux.
Quelle est la proportion de moustiques tigres infectés ?
Ça reste heureusement plutôt rare. Depuis que le moustique tigre est arrivé en France, on recense 150 cas d’infections avérées. Dont 20 cas de dengue cette année.
À quel point ces maladies sont-elles dangereuses ?
Il n’y a pas vraiment de profil type de personnes à risque. Ce sont des maladies à virus, qui présentent donc des symptômes classiques (fièvre, maux de tête…). Un peu comme la grippe, mais en été. Elles sont parfois un peu plus longues que celles provoquées par les virus courants en France. Les périodes de fièvre peuvent aller jusqu’à 10 jours et conduire, parfois, à une hospitalisation. En France métropolitaine, aucun décès n’a été attribué à l’une de ces maladies. En revanche, une grosse épidémie de chikungunya s’est soldée par plusieurs cas mortels à la Réunion en 2006.
Faudra-t-il bientôt se faire vacciner contre ces maladies ?
Il n’y a pas de vaccin efficace pour l’instant, donc ce n’est pas à prévoir.
On entend souvent que le moustique est l’animal le plus mortel de la planète. Est-ce vrai ?
C’est vrai par le fait qu’il transmet beaucoup de maladies mortelles, de type paludisme ou fièvre jaune. Mais ces maladies propres aux zones tropicales ne sont pas encore arrivées chez nous. Cela ne signifie pas que ce ne sera pas le cas un jour. Avec un réchauffement important, il est possible que certains moustiques transmettant ces maladies finissent par s’installer à leur tour en France, d’ici quelques dizaines d’années.
Doit-on définitivement apprendre à vivre avec cette nuisance ?
Oui, mais il est surtout important que chacun comprenne son rôle à jouer contre le moustique en général, et le moustique tigre en particulier. Leur nuisance est principalement liée à nos comportements. L’insecte s’est totalement adapté à l’homme, qui le laisse proliférer trop librement autour des habitations. Ce dont nous subissons de plus en plus fortement les conséquences.
À SAVOIR
Le moustique tigre est désormais implanté dans la quasi-totalité des départements français : 67 sur 96. Et il n’a pas fini de se développer ! Tous les départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes sont touchés, hormis la Haute-Loire, pour l’instant épargnée.