Pour les obèses, le recours à un régime drastique apparaît souvent comme une solution pour perdre du poids. Un remède plus dangereux que le mal, selon le docteur Vincent Frering, chirurgien digestif à la clinique de la Sauvegarde, à Lyon.
Le nombre d’obèses a doublé dans le monde depuis 1980. Pourquoi une telle progression ?
L’obésité est un problème de pauvres dans les pays riches, et de riches dans les pays pauvres. La problématique est avant tout lié à notre rapport à l’alimentation. La ‘’junk food’’ coûte moins cher et est plus facile à préparer qu’une cuisine à base de légumes frais. L’obésité progresse aussi car parallèlement l’évolution de la société fait que l’on bouge de moins en moins.
Cette progression a-t-elle modifié le regard de la médecine sur l’obésité ?
L’obésité a longtemps été l’un des parents pauvres de la médecine. Mais l’on sait aujourd’hui qu’il s’agit d’une maladie mortelle, qui est la cause de 55 000 décès par an en France. La dernière étude de l’ObEpi met en lumière l’évolution dramatique de l’obésité, qui concerne 7 millions de Français. Aujourd’hui, 32% de la population française est en surpoids, et 15% est obèse.
Quelles sont les étapes de l’obésité ?
On entre dans l’obésité très tôt, et on peut même être obèse sans s’en douter. L’immense majorité des patients nous consultent d’abord pour des raisons esthétiques, poussés par le poids social. C’est là qu’ils se rendent compte que l’obésité est une véritable maladie, qui peut avoir d’innombrables conséquences : diabète, cirrhose du foie, arthrose, apnée du sommeil, cancers (utérus, colon, prostate…), troubles gynécologiques, infertilité….
A quel stade l’excès de poids devient-il problématique pour la santé ?
Plus l’indice de masse corporel augmente, plus le risque de complications augmente et fait diminuer l’espérance de vie. On arrive progressivement dans l’obésité morbide (*) en multipliant notamment les régimes. Les régimes restrictifs, à la mode aujourd’hui, ne servent à rien sur le long terme, car ils n’éliminent pas les cellules grasses. Une fois arrivé, assez rapidement, au poids espéré, on arrête de faire des efforts et l’on regrossit immédiatement, avec une prise de poids souvent plus importante.
La chirurgie, seul traitement efficace contre l’obésité
Avant d’envisager la chirurgie, quels sont les moyens d’enrayer la prise de poids ?
Un problème de poids doit être pris en charge, avec des objectifs réalisables : stopper la prise de poids, d’abord, puis étudier les moyens d’en perdre, en adaptant l’alimentation. C’est la vocation de nos équipes pluridisciplinaires, qui comprennent des nutritionnistes, des psychologues. Perdre un kilo par mois dans le confort, en étant bien, c’est parfait. Mais pour beaucoup, ce n’est pas assez rapide et souvent les gens se découragent.
Des chercheurs américains auraient mis au point une pilule réduisant de 30% le surplus de graisse. Vous y croyez ?
Attention aux idées reçues, les pilules miracles n’existent pas ! Aucun médicament, à ma connaissance, ne fonctionne efficacement en matière de traitement de l’obésité. Il faut espérer qu’un jour, la thérapie génique parvienne à mettre au point quelque chose capable de tuer la cellule adipocytaire (la cellule grasse). Mais on ne sait pas encore le faire. Et le seul traitement efficace de l’obésité, aujourd’hui, est chirurgical.
A quel moment peut-on envisager une intervention chirurgicale ?
On propose une opération à des patients souffrant d’obésité depuis plus de cinq ans et pour lesquels les différentes tentatives de perte de poids suivies par des médecins ont échoué. L’IMC doit aussi être supérieur à 40, voire entre 35 et 40 en cas de complications pour la santé : hypertension, diabète ou encore apnée du sommeil.
* Indice de masse corporel supérieur à 40 (voir ci-dessous)
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A SAVOIR
Le surpoids et l’obésité sont dus à un excès de masse grasse qui, notamment en se stockant autour du cœur et dans les viscères, peut avoir de lourdes conséquences sur la santé. Ils se mesurent grâce à l’indice de masse corporelle (IMC), qui correspond au poids divisé par le carré de la taille, exprimé en kg/m2. Selon l’OMS, un IMC égal ou supérieur à 25 kg/m2 correspond à un surpoids. L’obésité débute à partir d’un IMC égal ou supérieur à 30. On parle d’obésité morbide à partir d’un IMC supérieur à 40, de super obésité au dessus de 50 et de super super obésité au-delà d’un IMC de 60.
La Clinique de la Sauvegarde, à Lyon, en tête du palmarès 2015 des hôpitaux et cliniques publié par le magazine l’Express, est l’une des références françaises en matière de traitement de l’obésité. L’établissement est avec l’hôpital Saint-Grégoire à Rennes l’un des deux centres privés CSO (Centre Spécialisé Obésité).
Lyon accueillera du 28 au 30 mai 2015 un congrès international de l’obésité, organisé au Palais des Congrès, à la Cité Internationale.
Même pour des gens en “simple surpoids”, le régime est souvent dangereux et inefficace. Si il peut y avoir autant d’obèses qui s’y mettent, c’est que l’information sur l’utilité des chirurgies digestives est mal connue et sans doute mal relayée.