Les Hospices Civils de Lyon, qui gèrent 13 établissements hospitaliers, recrutent des centaines de soignants et notamment des infirmiers spécialisés. ©Freepik

Alors que les besoins de renforts dans les hôpitaux sont exacerbés par la crise sanitaire, les candidats semblent se faire de plus en plus rares. Inquiète de cette baisse d’attractivité et en pleine reprise se l’activité hors-Covid, les Hospices Civils de Lyon lancent une vaste campagne de recrutement pour combler les besoins grandissants de leurs treize établissements. Invité de l’émission Votre Santé, Guillaume du Chaffaut, directeur adjoint des HCL, donne les détails de cette grande opération séduction à destination des soignants. 

Le secteur du soin et de la santé n’a jamais autant peiné à attirer de nouvelles recrues, infirmiers et aides-soignants en tête. Compliquée avant l’épidémie de Covid-19, la situation s’est détériorée, notamment en raison des retards de soin à rattraper. Plusieurs centres hospitaliers, en particulier dans les secteurs du grand âge, ont ainsi de plus en plus de mal à embaucher pour compenser cette hausse d’activité. Alors que les manifestations et les cris d’alarme des soignants font de plus en plus de bruit, les Hospices Civils de Lyon lancent à leur tour une alerte… à la pénurie de personnel.

Guillaume du Chaffaut, directeur général adjoint des HCL, était l’invité d’Élodie Poyade et de Pascal Auclair, rédacteur en chef du groupe Ma Santé dans l’émission Votre Santé du jeudi 24 juin sur BFM Lyon.

“La situation fait que nous avons particulièrement besoin de recruter”

Vous lancez une grande campagne de recrutement. Concrètement, combien de postes sont à pourvoir et pour quels métiers ? 

Aujourd’hui, il y a une centaine de postes à pourvoir dans des métiers précis. Ce sont principalement des infirmiers et en particulier des infirmiers spécialisés : anesthésistes, de blocs opératoires et dans les secteurs de nuit ou en gériatrie, sur lesquels nous avons besoin de renforts. Nous recrutons également des manipulateurs en électroradiologie médicale pour les services d’imagerie.

La crise sanitaire a t-elle aggravé la situation due au manque de personnel aux HCL ?

Le constat que l’on fait est que l’on a pas de problème de recrutement. C’est-à-dire que cette campagne de recrutement n’est pas liée à une difficulté d’attractivité du CHU car le personnel de santé a envie d’y travailler. Le recrutement est lié à deux enjeux que nous avons en ce moment. Un besoin de renfort car nous sortons de la crise et qu’il faut rattraper l’activité retardée pendant la crise. Et nous avons également des projets, donc nous créons de l’emploi.

Au sein des HCL, nous avons aujourd’hui plus d’entrées que de sorties, c’est-à-dire plus de personnels qui nous rejoignent durablement que de personnels qui nous quittent pour la retraite ou pour travailler ailleurs. Mais en ce moment, la situation fait que nous avons particulièrement besoin de recruter. Il est vrai que la crise est une mise en lumière particulière de ces personnels hospitaliers qui ont beaucoup lutté et que je salue d’ailleurs. Et nous avons besoin que d’autres nous rejoignent pour accompagner ce mouvement. 

“Les perspectives de carrière aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles d’avant”

La crise a mis en lumière les soignants mais également le manque de moyens des hôpitaux et les difficiles conditions de travail. Est-ce compliqué aujourd’hui de faire naître des vocations ? 

Ce n’est pas compliqué de faire naître des vocations. Le personnel a envie de rejoindre les Hospices Civils de Lyon parce qu’ils ont vu leurs confrères engagés dans ces équipes qui ont relevé les défis de la crise durant les trois vagues. Et qui relèvent maintenant les défis du reste de l’activité.

Il faut également noter que les pouvoirs publics ont fait des efforts considérables à la sortie de la crise. Les accords de Ségur, mis en place depuis un an maintenant, représentent 8 milliards d’euros injectés dans l’hôpital public et notamment pour l’attractivité des carrières hospitalières. La rémunération et les perspectives de carrière aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles d’avant, d’il y a une année.

Le directeur général adjoint, Guillaume du Chaffaut (à droite) répond aux questions de Pascal Auclair, rédacteur en chef du groupe Ma Santé. ©BFMLyon

Ce n’est tout de même pas suffisant. Plusieurs soignants, notamment des HCL, expliquent que les conditions de travail ne sont plus acceptables. Ils manquent de moyens pour travailler correctement…

On entend parfaitement ce discours et les soignants ont le droit de l’exprimer. Nous avons besoin de faire plus et notamment sur la rémunération mais également en quantité, en nombre de personnels. J’insiste sur le fait que nous créons de l’emploi aux HCL, la dynamique est donc positive. Nous avons également besoin de pourvoir les postes. Car quand ils ne sont pas pourvus, c’est difficile pour ceux qui restent.

Et nous avons également besoin d’investir dans la qualité de vie au travail. Dans la manière de vivre tous ensemble dans un établissement qui compte 24 000 professionnels. Il est important d’avoir des moments de détente et de relaxation mais également des temps de vie collective et en équipe. Ce sont des sujets sur lesquels nous travaillons en priorité parce que ce n’est pas tout d’être assez nombreux, il faut aussi pouvoir travailler dans de bonnes conditions.

Très concrètement, combien gagne aujourd’hui une infirmière ? Et quelle a été la revalorisation de son salaire ? 

Le salaire est entre 1800 et 3000 euros en fin de carrière. La valorisation est de plus de 200 euros par rapport à l’année dernière avec le Ségur de la Santé. Et les grilles indiciaires sont plus favorables, c’est-à-dire que le salaire en fin de carrière va être beaucoup plus haut qu’il ne l’était jusqu’à présent. Le message que nous souhaitons faire passer est que nous investissons sur notre ressource humaine.

Les soignants jonglent d’avantage entre secteur privé et public

Vous avez évoqués les conditions salariales et de vie, est-ce que le fonctionnariat est un argument encore valable aujourd’hui ? 

Le fonctionnariat, la capacité d’avoir une perspective de carrière dans la fonction publique, fonctionne encore pour un certain nombre de professionnels. À tel point que l’on propose aux professionnels de rentrer dans la Fonction publique dès leur arrivée à l’hôpital.

D’autres, à l’inverse, ne sont pas intéressés par la Fonction publique. Mais plutôt par le fait de relever d’un défi à travers un contrat d’une certaine durée puis d’aller travailler ailleurs… Pour peut-être revenir ensuite aux HCL. Et nous avons pensé des mesures pour mieux les rémunérer car jusqu’à présent ils n’étaient pas les professionnels sur lesquels nous portions le plus d’attention salariale. Nous avons également besoin d’inventer un nouveau modèle pour ces professionnels qui viennent travailler un moment à l’hôpital et qui iront peut-être ailleurs. Notre enjeu est de leur offrir ces perspectives-là en assumant également le fait que le recrutement n’est peut-être pas pour toute une vie.

Aujourd’hui aux HCL, vous êtes revenus à la situation d’avant crise, les lits qui avaient été ouverts ont été fermés. Qu’avez-vous appris de ces trois vagues de l’épidémie de Covid-19 ?

Nous avons appris de l’adaptabilité. Nos équipes ont été mises à rude épreuve et ont su s’adapter dans le temps. Nous avons également appris à organiser différemment certaines activités. Avec de la télémédecine ou le fait que certaines personnes viennent la journée mais ne restent plus la nuit, par exemple. Nous avons appris à nous mobiliser en équipes et à relever ces défis. La situation s’est nettement améliorée mais nous avons encore des patients atteints de la Covid-19 qui arrivent aujourd’hui, donc il faut rester prudent. On invite tout le monde à se faire vacciner et à respecter les gestes barrières.

À SAVOIR

Dans un communiqué datant de mars 2021, le Conseil International des Infirmières (CII) alerte sur une un “exode d’infirmières expérimentées” accéléré par la pandémie de Covid-19. “Le nombre d’infirmières qui ont l’intention de quitter la profession a augmenté considérablement” évoque le CII. Une profession de vocation à prendre soin et sauver des vies pourtant essentielle.

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