Aspirine, paracétamol et ibuprofène pourraient bientôt disparaître des devantures des officines. Cette recommandation de l’Agence nationale de sécurité du médicament, vouée à donner un meilleur cadre à l’automédication, est accueillie à bras ouvert par les instances médicales et pharmaceutiques. Le point avec Olivier Rozaire, président de l’URPS Pharmaciens d’Auvergne-Rhône-Alpes.
L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament a recommandé en octobre la fin de la vente de certains médicaments en libre-service dans les officines. Sans risques et même très efficaces lorsqu’ils sont utilisés correctement, ces médicaments étaient jusqu’ici accessibles à la vente sans ordonnance. Il s’agit des produits à base de paracétamol, tel le Doliprane®, et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (aspirine et ibuprofène, come l’Advil®). Leur banalisation a cependant gommé les risques auprès du grand public en cas de surdosage.
La mesure, qui pourrait être activée dès le mois de janvier, nourrit un double objectif : ’’sécuriser l’utilisation des médicaments’’ dans un possible contexte de surmédication, et renforcer le rôle préventif du pharmacien. C’est en tout cas le point de vue d’Olivier Rozaire, pharmacien à Saint-Bonnet-le-Château, en Haute-Loire, et président de l’URPS Pharmaciens d’Auvergne-Rhône-Alpes.
Que pensez-vous de la fin potentielle du libre-service de ces médicaments ?
Il s’agit selon moi d’une excellente mesure. L’habitude a été prise de les exposer pour les vendre en masse. Mais ces produits sont et restent des médicaments. Ils doivent en tant que tels être placés dans un cadre qui leur est propre et ne pas être assimilés à de simples produits de consommation. Cela conforte le principe de monopole du médicament en pharmacie, face aux demandes récurrentes de la grande distribution. Cette dernière aimerait en effet pouvoir les proposer dans ses rayons, à côté des crèmes solaires et des shampoings !
Médicaments en libre accès : les dangers de l’automédication
Quels sont les risques de ce libre accès pour les patients ?
La tentation est de se servir en excès, et sans demander de conseils. Les pays qui ont déjà libéralisé la vente de ces produits ont, depuis, fait machine arrière, face aux effets de surmédication. En cas d’abus, le paracétamol peut en effet toucher le foie. Il peut, aussi, permettre à ceux qui souhaitent mettre fin à leur jour de passer à l’acte. Quant à l’ibuprofène, il peut entraîner de sérieux problèmes rénaux.
En quoi la mesure renforce-t-elle le rôle du pharmacien ?
Elle conforte son savoir-faire et sa capacité à conseiller les patients. Le processus n’est pas le même lorsque l’on demande ces médicaments au comptoir de la pharmacie. Un dialogue naturel s’installe et le pharmacien est ainsi plus à même de discuter du bien-fondé de l’achat.
Est-on certain de son entrée en vigueur ?
La mesure n’est pas encore formellement inscrite dans les textes. Il ne s’agit pour l’instant que d’une recommandation émise début octobre par l’ANSM et relayée par la Haute Autorité de Santé. Mais ces recommandations sont quasi systématiquement suivies d’un texte réglementaire. Je n’ai donc pas de doute pour que cette décision soit actée rapidement.
À SAVOIR
L’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a précisé le 3 octobre dernier, lors de l’émission de sa recommandation de suppression du libre accès des médicaments en pharmacie, les risques potentiels en cas de consommation excessive. ”Le paracétamol peut entraîner des lésions graves du foie en cas de surdosage, pouvant conduire à des greffes. Il s’agit de la première cause de greffe hépatique d’origine médicamenteuse en France. Les AINS (anti inflammatoires non stéroïdien) sont notamment susceptibles d’être à l’origine de complications rénales, de complications infectieuses graves. Ils sont toxiques pour le fœtus en cas d’exposition à partir du début du 6e mois de grossesse”.