La pollution dans les villes s'aggrave.

Particules fines, oxyde d’azote, poussière… Ces épisodes de pollution sont de plus en plus fréquents dans la région Rhône-Alpes, notamment dans la région lyonnaise et les vallées alpines. Les explications de Didier Chapuis, directeur territorial d’Air Rhône-Alpes, regroupement d’associations pour la surveillance de la qualité de l’air, basé à Bron, dans le Rhône.

Air Rhône-Alpes communique depuis peu sur les idées reçues concernant l’air intérieur : quelles sont-elles ?

L’idée reçue est un thème de communication récent effectivement, comme « brûler du bois c’est naturel ». On a souvent l’impression que quand on est à l’intérieur de son habitat, il faut bien s’isoler, mais ça ne veut pas dire se calfeutrer : il faut aussi aérer son habitation. Manuellement ou en automatique avec les ventilations, il en a besoin. On entend d’ailleurs souvent parler de ce type de problèmes graves : les intoxication au monoxyde carbone qui arrivent car les aérations sont obstruées, par exemple. Il faut assurer une bonne ventilation des bâtiment car il y a des polluants, certains d’ailleurs les mêmes que dehors, mais pas que. Pour se prémunir, la première action, c’est de bien ventiler, de l’ordre de 10 minutes par jour. Une loi récente qui a été abrogée imposait un suivi de la qualité de l’air intérieur des écoles et des bâtiments recevant du public. Le ministre de l’environnement a souhaité la reporter à une date ultérieure et préfère un accompagnement de communication.

Le réflexe de certaines collectivités qui, en cas de pic de pollution, calfeutrent les enfants à l’intérieur est donc erroné ?

C’est plutôt une combinaison des deux : en pic, pour les personnes sensibles, il est préconisé de rester à l’intérieur et de ne pas faire d’effort. Mais même en intérieur, lors d’un pic de pollution, il faut quand même ventiler, car on peut facilement accumuler les polluants. Par exemple le CO2 qui n’a pas d’impact sanitaire à l’extérieur mais qui, beaucoup trop confiné, peut vite être multiplié par trois et facilement provoquer somnolence, maux de tête, nausées.

Les masques utiles contre le pollen

Et les gens qui portent des masques « antipollution », que faut-il en penser ?

Généralement, ceux qui sont utilisés sont plutôt des masques médicaux. Ils vont arrêter les grosses particules, mais les fines, celles qui sont nocives et que l’on mesure comme les pm10, vont être très peu arrêtées par ces masques. Elles ne sont donc pas d’une très grande efficacité. Cela peut cependant permettre aux personnes particulièrement sensibles de se protéger des synergies avec des pollens, notamment au printemps.

Faut-il se fier à ses yeux pour jauger de la pollution de l’air, ou peut-elle parfois être invisible ?

Oui, il est possible qu’elle soit invisible : il n’y a pas que la pollution aux particules mais aussi à l’oxyde d’azote, qui est compliquée à déceler, de même que la pollution par ozone. On peut voir une petite coloration de la masse d’air pour les plus avertis mais les poussières en suspension peuvent être plus ou moins visibles selon l’humidité de la masse d’air. La poussière sert de noyau de condensation, et ils seront plus ou moins visibles selon que le temps est plus ou moins sec, et selon la composition des particules : elles peuvent diffracter plus ou moins la lumière. Par exemple, le nitrate d’ammonium donne un aspect très laiteux à la masse d’air. C’est lié à la composition chimique des particules. Ne vous fiez donc pas seulement à vos yeux. Heureusement, nous avons des appareils très sensibles pour tout ça !

Quel bilan tirer de la pollution de l’air en 2014 ?

Jusqu’aux récents pics de pollution fin novembre, le bilan qualitatif était celui d’une année qui avait été bonne : en novembre, il n’y avait pas de territoire qui avait dépassé les valeurs réglementaires, que ce soit pour la poussière ou l’ozone, les polluants les plus préoccupants l’été et l’hiver. Les conditions météorologiques avaient été particulièrement « favorables ». En janvier et février, il a très souvent plu et cet été aussi. Cela favorise la dispersion de polluants. Il y a eu très peu de périodes d’accumulation. Il y a eu seulement un épisode long au mois de mars, notamment sur l’Est de la région, à Lyon en particulier. C’était une combinaison de pollution routière et de suspension de produits agricoles.

Les particules fines très présentes en hiver

Les récents pics de pollution ont-ils sensiblement assombri le bilan ?

Oui, malheureusement. Le pic de pollution en particules fines que nous avons récemment connu a touché de nombreux territoires : bassins lyonnais, grenoblois, stéphanois, la vallée du Rhône, les Pays de Savoie et la vallée de la Maurienne. Les émissions plus importantes en période hivernale -les émissions du chauffage s’ajoutent à celles présentes toute l’année- conjuguées à une masse d’air stable favorisent les accumulations de polluants. Les vallées alpines sont des territoires sensibles aux particules car la mauvaise dispersion en vallée, à cause du relief, et des émissions concentrées en fond de vallées sont des facteurs qui favorisent les pics de pollutions aux particules.

Les polluants varient donc selon les régions ?

Suivant les territoires, les thématiques sont différentes mais les polluants sont les mêmes. Les concentrations sont différentes : le sud de la région est plutôt élevé en ozone, du côté de la Drôme-Ardèche notamment. Sur les vallées alpines, la plus forte préoccupation, ce sont les particules en suspension, comme à Lyon qui est en tête d’affiche des concentrations de poussières. En vallée, on a moins d’ozone en été. Et il y a moins de poussière l’hiver dans le sud de la région. Les Pays de Savoie comptent en général plus de particules en suspension l’hiver et moins d’ozone en été.

En sait-on désormais davantage sur les effets des Plans de Protection de l’Atmosphère (PPA) ?

Aujourd’hui, cela n’a pas été évalué quantitativement. Nous n’avons pas les éléments pour connaître les effets de réduction de la vitesse sur les axes routiers, par exemple. En revanche, nous avons évalué l’impact des actions mises en œuvre sur le chauffage bois. Cela va dans le bon sens, en réduisant la quantité de poussière, tout comme dans les autres territoires avec un PPA comme Saint-Etienne ou Grenoble. Cela dit, si l’on veut résorber durablement ces problématiques, il faudra que toutes les actions soient mises en œuvre à 100%. Malheureusement, nous n’avons pas la main. C’est à l’autorité préfectorale de prendre les bonnes dispositions…

A savoir

Vent_pollutionUne fois émis dans l’atmosphère, un polluant va se disperser plus ou moins facilement dans l’air selon les conditions météorologiques. Le vent est un élément fondamental tant par sa direction, pour orienter les panaches de polluants, que par sa vitesse, pour les diluer plus ou moins dès l’origine. Dans le cas de situations météorologiques pour lesquelles le vent est faible, les facteurs orographiques (relief des montagnes) locaux prennent une grande importance. Ainsi, la formation de brises thermiques dans les régions de montagnes va provoquer des circulations d’air en circuits plus ou moins fermés, pouvant occasionner de la pollution dans des zones a priori peu menacées. C’est le cas notamment dans les vallées alpines. Le jour, le réchauffement de l’air situé dans la vallée provoque la création d’un courant d’air ascendant le long des pentes appelé brise montante ou brise de vallée. La nuit, le phénomène s’inverse avec la formation d’une brise descendante ou brise de montagne qui empêche l’évacuation de tout polluant émis dans la vallée. (source: Air Rhône-Alpes).

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