Qu’elle soit naturelle ou anthropique, l’impact de la pollution sur l’environnement et la santé est une réalité, notamment en matière de cancer. Si la qualité de l’air s’améliore globalement depuis une vingtaine d’années, les seuils de recommandation de l’OMS sont loin d’être respectés. C’est le cas en Auvergne-Rhône-Alpes, et particulièrement dans certaines villes comme Lyon ou Grenoble. Le point avec le Dr Thomas Coudon, chercheur en expologie au Centre Léon Bérard, à Lyon.
Depuis 2013, le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer), dont le siège est à Lyon, a établi un lien entre pollution de l’air et cancer du poumon. Les quelques efforts publics (réduction de vitesse, vignette Crit’Air…) ne suffisent pas. Les polluants atmosphériques (particules fines, rejets de CO2 liés au trafic routier…) ont des conséquences préjudiciables sur la santé et l’environnement. Les explications du Dr Thomas Coudon, chercheur en expologie au sein du Centre Léon Bérard, centre de lutte contre le cancer à Lyon.
Qu’est-ce que l’expologie ?
C’est l’ensemble des méthodes et des techniques qui permettent d’évaluer les incidences sanitaires d’un risque environnemental sur une population donnée. On peut le traduire comme la science des expositions. Dans mon cas, il s’agit de trouver les modèles et les données les plus appropriées pour reconstituer les expositions d’une population. Selon les populations, les périodes et les zones étudiées, les outils sollicités seront différents. Connaître avec précision les expositions permet de limiter les biais des études sanitaires par la suite
Comment définiriez-vous la pollution ?
Il s‘agit de la présence dans l’air d’un composé nouveau (donc d’origine humaine) ou naturel mais dont les concentrations ont augmenté (souvent à cause d’activités humaines encore). Cette variation doit être mesurable. Cela engendre un déséquilibre et peut avoir des impacts sur la santé humaine, l’environnement, les êtres vivants et les biens matériels.
Il faut différencier deux types de pollution : la pollution naturelle (pollens, radon, feux de forêt, éruptions volcaniques émettrices de CO2, etc.) et la pollution liée à l’activité humaine appelée également pollution anthropique. Cette dernière est bien évidemment majoritaire dans notre pays, et plus particulièrement dans notre région.
La pollution de l’air “fait baisser l’espérance de vie”
Comment faites-vous pour savoir si une substance chimique est cancérogène ?
Nous nous basons sur des études épidémiologiques réalisées sur l’homme, l’animal et des études in vitro. À partir de ces trois critères nous pouvons déterminer si une substance chimique polluante est cancérogène. Depuis 2013, le CIRC a classé la pollution de l’air comme étant cancérogène pour l’homme. Globalement, cette dernière fait baisser l’espérance de vie.
Quels sont les polluants en lien avec le cancer les plus courants ?
Les polluants classés ‘’groupe 1 cancérogène’’ sont plus spécifiquement les particules fines (particules inférieures à 2,5 micromètres donc suffisamment petites pour rentrer dans les poumons) et les rejets des moteurs diesel.
Parmi les autres substances que l’on trouve dans l’air, le benzène, le formaldéhyde ou certains HAP sont également classées cancérogènes par le CIRC.
Le cancer du poumon en première ligne
Quels sont les principaux cancers que l’on peut relier à la pollution de l’air ?
Principalement le cancer du poumon. Le pourcentage évolue en fonction des régions mais on estime qu’entre 3% et 8% des cancers du poumon sont liés à la pollution de l’air. Notre région ne fait pas exception. Située dans une zone montagneuse enclavée avec des rejets de polluants importants, Grenoble atteint ainsi par exemple les 8%.
Nous avons également de fortes suspicions pour les cancers de la vessie et du sein.
Est-ce que cela sera de pire en pire ?
En théorie, non. C’est un des paradoxes du moment. L’opinion publique a le sentiment que la situation s’aggrave. Pourtant, nous vivons une des périodes les moins polluées de notre histoire récente. Les pouvoirs publics ont initié une politique efficace (désindustrialisation, durcissement des normes) qui a permit de réduire une partie des émissions toxiques. Il y a des progrès mais on peut bien sur mieux faire. L’Organisation Mondiale de la Santé a publié ses recommandations en matière de qualité de l’air et force est de constater que nous sommes bien au-dessus des seuils préconisés.
Que faire pour se protéger ?
Si le sport est indispensable pour vivre en bonne santé, il faut éviter de pratiquer un sport intense lors des pics de pollution. Les publics les plus sensibles sont les personnes asthmatiques et/ou âgées, les femmes enceintes ou encore les enfants en bas âge. Il leur faut faire d’autant plus preuve de vigilance en période de forte pollution. Par exemple en optant pour une balade dans un parc plutôt qu’en centre-ville. Autres petites astuces, éviter de fumer et d’allumer des bougies ou de l’encens dans un lieu confiné. Et penser à bien aérer son logement.
Que puis-je faire pour réduire ma contribution à la pollution ?
Les bonnes pratiques à adopter sont de limiter l’usage des véhicules thermiques en circulant à pied, à vélo ou en transports en commun. Faire réviser son véhicule régulièrement pour qu’il soit moins polluant et ne pas brûler ses déchets verts.
À SAVOIR
Le lien entre pollution et cancers est au coeur d’une conférence animée par Delphine Praud, épidémiologiste environnementale au sein du département prévention cancer environnement du Centre Léon Bérard, et Yann Grosse, toxicologiste des monographies au CIRC, le lundi 16 mai à 18h au CLB. À cette occasion, les experts feront notamment le point sur la pollution de l’air à Lyon, en France et dans le monde.