Un senior heureux.
L'ambition du programme Icope sur le bien vieillir est de pousser les séniors à anticiper les futures problématiques liées au vieillissement pour ne pas basculer dans la dépendance. © Shutterstock

Aujourd’hui en France, les personnes âgées de plus de 60 ans représentent un quart de la population et pourraient en représenter un tiers en 2050. Les conditions dans lesquelles ces seniors vont vieillir sont devenues un enjeu capital pour ces prochaines années, selon l’OMS qui a même qualifié cette décennie de celle du bien vieillir. Pourquoi sommes-nous plus fragiles en vieillissant ? Quelles bonnes habitudes adopter pour réduire les problématiques du vieillissement ? Comment éviter la dépendance ? Cette prévention est au cœur du programme ICOPE, développé sous forme d’expérimentations en France, dont une à l’échelle du Grand Lyon. Les explications du Dr Thomas Gilbert, médecin gériatre aux Hospices Civils de Lyon et animateur médical du programme Icope Grand Lyon, invité de l’émission Votre Santé du 19 mars 2024.

La prévention de la dépendance des personnes âgées constitue un défi majeur pour notre société. C’est là toute la vocation du programme Icope, développé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et qui fait l’objet d’une pluri-expérimentation en France, comme l’explique le Dr Thomas Gilbert, médecin gériatre à l’hôpital Lyon-Sud et coordinateur médical du projet Icope Grand Lyon, sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 19 mars 2024 sur BFM TV Lyon.  

Question piège ! On est tous le vieux de quelqu’un, non ? Plus sérieusement il est difficile de placer une limite d’âge bien nette car c’est surtout l’âge physiologique qui est important. On peut tout à fait être âgé et en forme ou au contraire avoir des problèmes « de vieux » à des âges plus jeunes… Donc difficile de répondre !

Nous vivons actuellement un tournant démographique important avec une part des personnes de plus de 75 ans qui augmente rapidement dans notre pays, notamment avec l’arrivée de la génération baby-boom. On vit plus longtemps et tant mieux, et il faut rappeler aussi que la plupart des personnes vieillissent bien ; mais pour un tiers d’entre elles, le vieillissement va s’accompagner de limitations fonctionnelles et de risque de dépendance ; et d’ici à 2050, on s’attend à +30% de personnes dépendantes en France… Il s’agit donc d’un enjeu majeur de prévention.

En vieillissant, on a plus de risque de développer des maladies chroniques, et un vieillissement physiologique des muscles par exemple ou de certains organes peut engendrer une diminution de ce qu’on appelle les réserves fonctionnelles, c’est-à-dire les capacités d’adaptation à un stress par exemple. Donc il faut ralentir ce déclin et faire tout pour « partir de plus haut ».

L’enjeu le plus apparent est le risque de perte d’indépendance fonctionnelle physique liée à une faiblesse musculaire, des risques de chutes, etc. il y a aussi le risque de développer des troubles cognitifs, les atteintes sensorielles, le risque de développer des maladies chroniques et d’autres risques comme celui de se retrouver isolé socialement, de manquer d’interactions ou de sens pouvant générer des troubles dépressifs. Donc l’enjeu n’est pas que médical, loin de là.  

L’OMS a donc défini six domaines clés, qu’il convient de préserver pour bien vieillir : la cognition, la mobilité, la nutrition, la vue, l’audition, et enfin la thymie (le moral)

L’activité physique régulière est un des exemples les plus parlants. Il n’est jamais trop tard pour s’y mettre : des programmes d’activité physique adaptée existent par exemple et qui sont très efficaces. Il faut aussi lutter contre la dénutrition avec des repas équilibrés et réguliers, préserver le sommeil, limiter la consommation d’alcool ou les facteurs de risques cardio-vasculaires…

En fait, de nombreuses initiatives de prévention ont déjà été déployées mais l’enjeu majeur est de convaincre les personnes cibles, qui ne se sentent souvent pas concernées, de prendre en main leur prévention, afin de pouvoir continuer de faire ce qu’elles aiment faire, éviter les situation de fragilité et préserver leur qualité de vie. C’est précisément la philosophie du programme Icope de l’OMS.

Le programme Icope est une initiative de l’OMS développée en France par le gérontopôle du CHU de Toulouse, et qui est actuellement déployée en France dans plusieurs régions sous la forme d’une expérimentation de l’Assurance maladie.

C’est un programme qui vise à améliorer l’accès à la prévention pour des personnes qui sont en bonne santé, ou en tout cas sont indépendantes sur le plan fonctionnel, et ce dès l’âge de 60 ans et plus.

L’idée est que ces personnes puissent s’auto-évaluer régulièrement sur les six grands domaines dont j’ai parlé, et surtout que cela puisse déboucher sur un parcours de prévention et de recours qui soit ancré au niveau du territoire.  

Il s’appuie sur une application mobile appelée ICOPE monitor avec une première étape de dépistage simple qui dure environ 10 min et qui couvre les 6 domaines : cognition, mobilité, nutrition, vue, audition, thymie. Ce qui est intéressant, c’est que les résultats vont ensuite être transférés automatiquement à des professionnels du territoire formés (on s’appuie sur des communautés professionnelles de territoire, des CPTS). Les professionnels vont ainsi pouvoir gérer ces alertes.

D’après les premiers résultats dans notre base, où nous avons environ 1400 dépistages, les résultats sont comparables à l’échelle nationale. On voit que près de 40% décrivent une gêne avec leur mémoire en étape 1 et un peu de moins de 20% ont des difficultés pour se lever d’une chaise sans les bras par exemple. Il y a aussi beaucoup de plaintes de baisse auditive.

Quand l’expérimentation va-t-elle débuter dans le Grand Lyon ?

C’est en cours, nous avons débuté les premières inclusions de l’expérimentation en décembre 2022. Nous en sommes à environ 1400 dépistages étape 1 et près de 300 évaluations en étapes 2, et nous souhaitons maintenant augmenter le nombre de dépistages réalisés en autonomie.

Comment toucher les publics fragiles, isolés ou peu à l’aise avec une appli mobile ?

C’est un des objectifs du programme en effet. Les dépistages peuvent être réalisés par la personne ou assistée d’un proche, mais aussi par un professionnel (de santé ou non) formé aux dépistages et qui utiliserait l’application en son nom pour réaliser des dépistages. Il y a une version sur ordinateur sous forme de robot conversationnel. Vous avez raison qu’il est important de repérer les personnes isolées ou en situation de fracture numérique, nous avons un partenariat avec la Poste sur ce sujet.

Mais ceci concerne de moins en moins la tranche des 60-75 ans, qui sont tout à fait rompus à l’utilisation des smartphones.

Quel sera l’objectif final de l’expérimentation et quand pourra-t-elle être généralisée ?

À terme, l’objectif de l’expérimentation (qui se termine sous sa forme actuelle en janvier 2025) est une preuve de concept que ce type de parcours de prévention fonctionne, et qu’il doit être financé en droit commun. C’est en très bonne voie ; et nous attendons la confirmation que ce dispositif pourra être généralisé d’ici 2 ou 3 ans.

Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du 19 mars 2023 sur Ma Santé TV.

À SAVOIR

ICOPE est un programme national destiné à prévenir les problématiques liées au vieillissement. Treize expérimentations ont été lancées, dont l’une en Auvergne-Rhône-Alpes, portée par l’Institut du Vieillissement des Hospices Civils de Lyon sur un échantillon de 90 communes et 100 000 habitants. L’objectif de ce test qui bat actuellement son plein : pousser les plus de 60 ans à évaluer leur capacités (mobilité, nutrition, ouïe, vue, moral, cognition) pour prévenir d’éventuelles pathologies, à travers un questionnaire de dépistage proposé par les professionnels de santé.

www.icopegrandlyon.fr

Téléchargez dès à présent l’application ICOPE MONITOR en cliquant ici

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Journaliste expert santé / Rédacteur en chef adjoint du Groupe Ma Santé. Journaliste depuis 25 ans, Philippe Frieh a évolué dans la presse quotidienne régionale avant de rejoindre la presse magazine pour mettre son savoir-faire éditorial au service de l'un de ses domaines de prédilection, la santé, forme et bien-être. Très attaché à la rigueur éditoriale, à la pertinence de l'investigation et au respect de la langue française, il façonne des écrits aux vertus résolument préventives et pédagogiques, accessibles à tous les lecteurs.

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