Bipolarité, schizophrénie, troubles alimentaires, anxiété… Plus que la guérison des malades, c’est aujourd’hui le rétablissement qui prévaut en matière de soins psychiatriques. L’idée n’est plus de se contenter de soigner la maladie elle-même, mais de conduire le patient à se “rétablir” dans la société pour mener la vie la plus normale et autonome possible. Un mouvement auxquels les premiers ateliers du rétablissement, organisés en Auvergne-Rhône-Alpes et plus précisément à Lyon, ont donné une lumière nouvelle.
Peut-on se rétablir d’un trouble mental comme on le ferait d’un problème physique ? Petit à petit, l’idée fait son chemin et la notion de rétablissement gagne du terrain, alors même que notre santé mentale n’a jamais été autant ébranlée.
“Une personne sur quatre souffrira au cours de sa vie d’un épisode de trouble psychique. La crise sanitaire et sociale liée au coronavirus a aggravé cet état de fait avec des impacts considérables sur la santé psychologique de tous les Français”, allègue Denis Leguay. Le président de la Fédération Mentale France résumait ainsi l’enjeu en ouvrant à Lyon les premiers ateliers du rétablissement, initiative portée en commun avec la Fondation de France.
L’enjeu du rétablissement n’a jamais été aussi criant
En Auvergne-Rhône-Alpes, une enquête Ipsos réalisée en septembre 2021 a révélé que “25% des adultes interrogés présentaient un trouble anxieux, 16,3% des troubles dépressifs” et même “7% des pensées suicidaires”. Le mal est profond et l’on sait, aujourd’hui, que la période anxiogène de l’épidémie, avec ses confinements et ses restrictions sanitaires, a amplifié la dégradation générale de l’état de santé mentale des Français. 13 millions d’entre eux composent au quotidien avec une ou plusieurs maladies psychiatriques, entre dépression, bipolarité, schizophrénie, addictions, troubles alimentaires…
Mais ces personnes concernées par des maladies psychiatriques sont-elles condamnées, au terme ou durant leur parcours traditionnel de soin, à vivre au ban de la société ? De nombreuses idées reçues véhiculent l’image de personnes ne pouvant pas faire de projets, travailler, conduire, vivre en couple, fonder une famille… D’où l’émergence, pour contrecarrer cet état de fait, d’une nouvelle approche dans la gestion des maladies psychiatriques. L’idée, au-delà du traitement psychiatrique, est d’inscrire les malades dans une dynamique globale de sociabilisation, d’autonomisation et de réinsertion, jusqu’à retrouver une vie normale ou presque, avec ou sans des soins qui perdurent. Cette démarche à un nom : le rétablissement.
C’est quoi, le rétablissement des malades psychiatriques ?
“Cette notion du rétablissement n’est pas vraiment nouvelle”, témoigne le Pr Nicolas Franck, chef de pôle psychiatrie au Vinatier, à Lyon. “Promue aux États Unis dans les années 1940, puis en Grande-Bretagne, en Australie, en Nouvelle-Zélande et même en Suisse, elle a toutefois peiné à trouver sa place en France. Elle est finalement apparue dans un décret en juillet 2017”.
Mais en quoi cette notion est-elle si révolutionnaire, aux côtés de celles de la guérison ou de la rémission ? “La guérison est définie par la disparition des troubles. La rémission, elle, est définie par le professionnel de santé lorsque les manifestations symptomatiques sont suspendues”, résume le Pr Franck. Deux notions actées d’un point de vue professionnel, contrairement au rétablissement, jugé par le patient lui-même. “Le rétablissement est défini par la personne qui a des difficultés. C’est elle qui va dire si elle se sent suffisamment bien et si le traitement lui a permis d’accepter les défis du quotidien”.
Le mouvement, ancré sur la notion plus ancienne de la réhabilitation psychosociale, progresse à travers la création de structures susceptibles de proposer des outils thérapeutiques aux malades. Avec en fil rouge l’ambition de pousser les patients “à s’approprier leur maladie et leur traitement pour nourrir l’espoir de pouvoir aller mieux”, selon le psychiatre lyonnais.
La notion de rétablissement, au final, ouvre de réelles perspectives de mieux-être. Avec à la clé des pathologies mieux vécues, des patients en en meilleure forme et, le cas échéant, des économies en matière de dépenses publiques. La santé mentale constitue en effet le premier postes des dépenses de santé en France (23 milliards d’euros par an), bien avant le cancer ou les maladies cardiovasculaires. L’enjeu est là, aussi…
À SAVOIR
Les premiers ateliers du rétablissement ont été organisés le 18 novembre à Lyon par la Fédération Santé Mentale France et la Fondation de France. L’objectif ? Sensibiliser au concept du rétablissement en santé mentale, valoriser les pratiques et les partager au gré d’un cycle de rencontres régionales. Si les premières ont eu lieu en Auvergne-Rhône-Alpes, d’autres suivront dans les différentes régions de France.