Sur les 200 000 Françaises ayant opté pour les implants Essure entre 2002 et 2017, près de 30 000 ont déjà été explantées. Parmi elles, Anne-Cécile Groléas, une Lyonnaise de 50 ans qui a vu sa vie fracassée par ce choix de contraception prétendument miraculeux, alternative à la ligature des trompes indolore et toute simple à pratiquer. Cette mère de 4 enfants autrefois ultradynamique consacre désormais le peu d’énergie qui lui reste à dénoncer, dans un assourdissant silence, toute l’horreur de ce scandale sanitaire. Dans l’espoir que d’autres femmes implantées l’entendent à temps pour sauver leurs corps brisés.
« Les implants Essure ? Une pose rapide, sans opération, sans anesthésie… Et le lendemain, on reprend le travail. » Magique ? Anne-Cécile Groléas est la première à le reconnaître : « on m’a très bien vendu le truc ». ‘’On’’, c’est la gynécologue vers laquelle cette habitante de Vénissieux (Rhône) s’est tournée lorsqu’elle a souhaité concrétiser son désir, totalement partagé par son époux, de subir une contraception définitive.
Mais ce que cette femme hyperactive ignorait, c’est à quel point cette méthode ultranovatrice, plébiscitée par le corps médical et remboursée par l’Assurance maladie, allait changer sa vie. Dans un sens aux antipodes de celui qu’elle escomptait. « J’avais 41 ans et voulais vivre libre. C’était un vrai choix de couple ». Le 22 octobre 2013, c’est donc en toute confiance qu’elle se fait poser les implants Essure, développés par une startup américaine et commercialisés ensuite par Bayer.
Vissés dans les trompes utérines, ces minuscules spirales de métal, acier et titane créent une barrière empêchant les spermatozoïdes d’atteindre les ovules et de les féconder. Le résultat est imparable et, du fait de peu d’invasivité de la méthode, 200 000 Françaises ont choisi comme Anne-Cécile d’y recourir entre 2002 et 2017. Sans se douter, pour des milliers d’entre elles, qu’elles livraient leur corps aux affres d’un poison terriblement insidieux, distillé par la corrosion des métaux utilisés.
Une conjonction de symptômes pour « un état physique hallucinant »
« Quelques jours à peine après la pose des implants, j’ai senti que quelque chose n’allait pas. Mais je n’ai pas fait le lien ». Anne-Cécile mène alors une vie très remplie, avec ses quatre enfants, son entreprise de styliste-modéliste, ses engagements associatifs et municipaux à Vénissieux.
Fatigue chronique, douleurs musculaires, articulaires, pelviennes, problèmes de peau… Les symptômes s’accumulent, dans des proportions inquiétantes : perte de cheveux, dents cassées, baisse de la vue… « Trois mois après l’opération, mes ongles ne poussaient plus. Mais qui prête attention à des ongles qui ne poussent plus ? Au final, on arrive à un état physique hallucinant, auquel on nous répond que c’est parce que l’on vieillit, que c’est la ménopause, la charge mentale… Et on nous conseille du repos ».
La double peine : le calvaire de l’errance médicale
La quadragénaire baigne dans le flou et peine à se faire entendre. « Quand vous allez voir votre ophtalmo, vous ne lui parlez pas de vos problèmes de genoux ! Mon médecin généraliste, était le seul à avoir la totalité des symptômes. Mais il me disait que j’en faisais trop ». Sans solution, Anne-Cécile se renferme et enfile un masque. « Je ne voulais pas passer pour une folle dépressive, même auprès de mes proches ».
Les répercussions sur son quotidien sont pourtant terribles : elle perd sa mobilité, travaille de moins en moins, s’endort sans cesse, se tient aux murs pour ne pas tomber, cherche et confond ses mots… « Ma famille ne me comprenait plus quand je parlais. C’est comme si j’avais 80 ans et à la fois Alzheimer et un AVC »…
Le diagnostic : « j’avais enfin la pièce manquante du puzzle »
Le salut vient d’une autre déception. Celle de la gynécologue lui ayant posé les implants, et lui signifiant qu’elle ne serait plus sa patiente. « J’ai dû en trouver un autre et je suis tombée par pur hasard sur le Dr Sournies. Dès que je lui ai parlé des implants, il a tilté. Il avait déjà un gros doute ». D’autres cas, en effet, l’ont interpellé. En 2017, le non renouvellement de l’agrément européen du produit est un autre signe d’alerte.
« Depuis 2016, une lanceuse d’alerte et plusieurs associations de victimes avaient lancé un battage médiatique. Mais je n’avais rien vu. Des examens complémentaires m’ont confirmé d’où venaient tous mes soucis physiques. J’avais enfin la pièce manquante du puzzle, mais cela ne m’a pas soulagée, car c’était trop affreux ».
Retrait des implants Essure : 30 000 hystérectomies en France
Anne-Cécile Groléas se fait retirer ses implants en novembre 2018. Comme 30 000 autres femmes en France. Le mal, en cinq ans, a ruiné sa santé. « On me dit que je suis au maximum de ma récupération », confesse-t-elle. Elle se déplace aujourd’hui avec une canne, toujours amoindrie. Mais avec une détermination farouche : dénoncer, alerter et multiplier les actions pour qu’un maximum de femmes concernés puisse comprendre ce qui leur arrive.
« Je ne le fais pas pour moi, c’est trop tard. Mais s’il n’est pas prouvé que tous les implants sont défectueux et que toutes les femmes auront des problèmes, certaines ignorent qu’elles ont une bombe à retardement dans le corps. Même Bayer le reconnait : il y a des femmes handicapées à vie, voire même qui en seraient décédées. Je suis en colère, car le nombre de cas mérite une alerte nationale, ne serait-ce que par un courrier d’information encourageant les femmes ayant des implants Essure de procéder à des examens ! »
Anne-Cécile en est convaincue, l’omerta ne serait « pas la même si 200 000 hommes avaient été touchés ». Aux États-Unis, 39 000 femmes ont été indemnisées, au prix de leur silence. Une option qu’elle rejette, sans concession : « cela ne fait que nous rendre encore plus invisibles. Mais est-ce que l’argent va me rendre la vie que j’ai perdue ? C’est mal me connaître »…
Pour en savoir plus : l’association Resist France propose écoute et soutien aux femmes touchées par les effets secondaires liés aux implants Essure.
À SAVOIR
Le scandale des implants Essure a fait l’objet d’un livre-enquête édifiant, co-écrit par la journaliste lyonnaise Jacqueline Maurette. Au mépris du corps des femmes, le scandale des implants Essure, aux éditions de l’Atelier, 17€, parution le 13 octobre 2022.