Isolement social, souffrance psychique, perte de contact avec la réalité… La schizophrénie est une maladie qui affecte la perception de celui qui en souffre et qui peut avoir de terribles répercussions sur son quotidien et celui de son entourage. C’est notamment le cas pour Thomas Besch, ancien militaire, pilote et professeur qui lutte contre ce trouble psychique depuis ses 33 ans. Après des années de souffrance, il témoigne de son combat contre la schizophrénie. Avec un espoir : donner une vision plus positive de la maladie au public, face aux innombrables préjugés qui circulent.
Thomas Besch a été diagnostiqué schizophrène il y a 23 ans. Ancien militaire, auteur et professeur d’université aux États-Unis et en France, sa maladie a été un véritable obstacle dans sa vie professionnelle et familiale. « Il y a des jours où je suis heureux et d’autres où c’est plus délicat », explique-t-il avec une certaine émotion.
Pilote expérimenté, il a effectué plus de 2000 heures de vol dans les forces armées françaises ainsi que dans différentes compagnies aériennes. Complètement indépendant et autonome, il a fait de sa faiblesse une force. Une belle revanche contre les préjugés sociaux. Mais cela cache des années de souffrance psychique, de combat et de stigmatisation de la plupart de ses proches. À travers ce témoignage, Thomas Besch dévoile son parcours du combattant.
Schizophrénie : « j’ai vécu une réelle souffrance psychique »
Quels ont été vos symptômes ?
Ma schizophrénie a été diagnostiquée en juillet 2000 à Berkeley en Californie. C’est à ce moment précis que mes premiers symptômes sont apparus. Un psychiatre a révélé que je souffrais d’une psychose sévère de l’astronaute. Cela veut dire que j’ai créé un personnage et que je me suis mis dans la peau d’un astronaute. J’avais complètement perdu le fil de la réalité et c’était devenu invivable. À la suite de ce premier symptôme, j’ai également cru que j’avais une certaine responsabilité dans l’Holocauste et que j’étais le fils d’un roi de France oublié. Je me suis construit une sorte de légende. Ces nombreux symptômes ont créé beaucoup de souffrance psychologique.
Quel a été votre parcours de soin ?
Les premiers signes de la maladie sont apparus suite à un choc émotionnel. Divorcer de ma femme et ne plus voir ma famille a été très difficile pour moi. Cela a été le déclencheur de ma très grande fragilité et vulnérabilité. Complètement anéanti, j’ai décidé d’aller consulter une psychologue. Voyant que je souffrais émotionnellement, elle m’a conseillé de voir un psychiatre.
Par la suite, j’ai été hospitalisé pendant 2 mois et j’ai commencé des traitements. C’est à cette période que l’on m’a prescrit des dépresseurs (substance qui ralenti l’activité du système nerveux) pour me ramener à la réalité. Mais la dépression sévère induite par les médicaments a provoqué des pensées culpabilisantes et très négatives. J’ai vécu une réelle souffrance psychique. Ces pensées ont causé de graves maux de tête et cette douleur insoutenable m’a conduit à cinq tentatives de suicide. Mais depuis maintenant deux ans, j’ai un autre traitement qui est très bien dosé et qui m’équilibre parfaitement.
Une stigmatisation qui peut freiner le rétablissement
Avez-vous déjà été confronté à la discrimination et à la stigmatisation ?
Dans la société et plus particulièrement dans ma famille, la maladie mentale est un tabou. En effet, nous entendons souvent des termes dégradants comme fou, incohérent, dangereux, violent… Il faut prendre conscience que certains mots peuvent blesser. Cependant, on ne m’a jamais refusé un emploi à cause de ma maladie, par exemple.
Aujourd’hui, de nombreuses personnes touchées par cette maladie souffrent de discrimination sociale. La stigmatisation peut engendrer de la culpabilité chez eux et donc entraver leur guérison. Il faut réellement faire abstraction de ces préjugés. Personnellement, j’ai perdu une grande majorité de mes proches à cause du mépris, de la désinformation et des incompréhensions sur cette maladie.
« Aujourd’hui, je ne souffre quasiment plus »
Quelles sont les différentes stratégies pour votre rétablissement ?
Les médicaments sont essentiels à ma vie. Aujourd’hui, sans médicament, je perds complètement le fil de la réalité et la souffrance psychique réapparaît. De plus, l’art m’a beaucoup aidé dans mon rétablissement. Pendant quatre ans, j’ai écrit un livre intitulé « Les écrits contrôlés d’un schizophrène catholique ». Personnellement, je trouve que l’écriture est une forme d’auto-thérapie.
Tous les jeudis après-midi, je participe également à un groupe thérapeutique appelé « l’atelier en valise ». Nous commençons toujours la séance par quelques minutes de dessin avec un objet que nous apportons et que nous devons reproduire. Cette thérapie est destinée aux personnes qui fréquentent les CMP (les Centres Médicaux Psychologiques pour adultes) pour évacuer, se libérer et exprimer ce que l’on pense à l’intérieur de nous. C’est grâce à toutes ces stratégies que je ne souffre quasiment plus aujourd’hui.
Quelles actions avez-vous entreprises pour aider les personnes atteintes de schizophrénie ?
Pendant cinq mois, j’ai travaillé bénévolement en tant que pair-aidant au Centre Hospitalier le Vinatier à Lyon. Je souhaitais montrer aux personnes atteintes de la schizophrénie, que la guérison est possible et qu’il faut continuer à se battre. Pour cela, il faut donner une chance aux médicaments, continuer un suivi thérapeutique, et reconstruire un entourage de proches. Mon rôle était d’apporter de la positivité et des conseils. Personne ne peut réellement comprendre ce qu’ils vivent à part une personne qui l’a vécu elle-même.
À SAVOIR
La schizophrénie débute généralement à l’adolescence ou à l’âge adulte et touche près de 1% des personnes en France. Malgré tout, ce trouble psychique reste l’une des maladies les plus mystérieuses de la psychiatrie.