La sclérose en plaques est une maladie auto-immune chronique affectant le système nerveux central et qui touche 135 000 personnes en France. Mais les avancées de la recherche apportent de réels motifs d’espoir pour les malades victimes de cette maladie souvent qualifiée d’invisible, en raison de ses symptômes silencieux. Les explications du Pr Sandra Vukusic, chef de service de neurologie au CHU de Lyon.
En France, près de 120 000 personnes souffrent de la sclérose en plaques. Cette maladie auto-immune touche principalement les femmes qui représentent 75 % des personnes atteintes. Les populations jeunes sont les plus concernées. Elle est diagnostiquée avant l’âge de 40 ans pour les deux tiers des patients.
Si les symptômes visibles de la maladie sont nombreux, des symptômes invisibles handicapent le quotidien des malades. Qui, pourtant, peuvent nourrir de sérieux motifs d’espoirs quant à la réduction de l’impact de ces séquelles. Et envisager de vivre mieux et plus longtemps, à l’image de l’aventurier lyonnais Armand Thoinet. Les explications du Pr. Sandra Vukusic, chef de service de neurologie au CHU de Lyon et présidente de la Fondation Edmus, dédiée à la sensibilisation sur la SEP et au soutien aux projets de recherche.
Sclérose en plaques : “il n’y a pas de cause connue”
Quelles sont les causes de la sclérose en plaques ?
« Actuellement, il n’y a pas de cause connue de la maladie. Certains facteurs peuvent cependant augmenter les risques de développer une sclérose en plaques. Son apparition est favorisée par une interaction entre une prédisposition génétique et des facteurs environnementaux tels que certaines infections dans l’enfance, un manque de vitamine D, une moindre exposition au soleil, le tabagisme ou encore l’obésité. »
Quels sont les symptômes physiques les plus courants de la sclérose en plaques ?
« Les symptômes de la sclérose en plaques sont le résultat d’une inflammation du cerveau ou de la moelle épinière qui provoque leur dysfonctionnement plus ou moins sérieux. Ces symptômes varient d’une personne à une autre car ils dépendent de la zone du cerveau ou de la moelle épinière touchée.
Il peut s’agir de troubles de la sensibilité (douleurs, fourmillement, engourdissement, insensibilité…) des problèmes de coordination (maladresse, troubles de l’équilibre…), de force dans certaines parties du corps (jambes qui traînent, difficultés de marche, lâchage d’objets…).
Dans un quart des cas, la maladie commence par une baisse de la vision d’un œil, souvent douloureuse (différences de couleurs ou flou), durant quelques jours à quelques semaines. On peut avoir un ou plusieurs symptômes. Quand ces problèmes persistent et se répètent, cela peut engendrer des séquelles et créer un handicap. »
Sclérose en plaques : savoir reconnaître les signes
Comment reconnaître un symptôme de la sclérose en plaques d’un simple état de fatigue par exemple ?
« À la différence d’un accident vasculaire cérébral (AVC), les troubles neurologiques de la sclérose en plaques ne s’installent pas brutalement. Ils se font progressivement sur plusieurs jours ou quelques semaines. Ces symptômes sont permanents pendant une période, toujours plus de 24 heures, mais peuvent ensuite régresser et disparaître.
Ainsi, 85% des cas évoluent d’abord par « poussées » durant quelques jours à quelques semaines avant de disparaître, puis de récidiver après une période de temps variable, de quelques mois ou parfois plusieurs années.
Il faut être vigilant et à l’écoute de son corps pour détecter une éventuelle anomalie. Si on constate des troubles, il faut surveiller leur durée. La plupart disparaîtra au cours de la journée, et n’est alors pas en lien avec une sclérose en plaques. En revanche, si un trouble dure plus de 24h, il faut en parler à votre médecin. »
On parle de “maladie silencieuse” pourquoi ? Quels sont les troubles non visibles de la SEP ?
« Le problème de cette maladie est qu’il y a des troubles qui ne se voient pas mais qui gâchent quand-même la vie des malades ! La fatigue, qui n’est pas proportionnelle à l’évolution de la maladie ou à la sévérité du handicap, est un symptôme souvent non reconnu par l’entourage familial et professionnel. Il est pourtant très difficile à gérer.
Le premier traitement est de s’aménager des temps de repos dans sa journée ou sa semaine. Il est aussi fortement recommandé d’avoir une activité physique régulière. Enfin, certains traitements médicamenteux peuvent parfois aider.
La douleur, les troubles cognitifs (difficultés d’attention ou de concentration, oubli des choses récentes…), les troubles de l’humeur (dépression, anxiété ou euphorie), les troubles intestinaux, sexuels (insensibilité, problèmes de libido) et urinaires (urgences, fuites urinaires) sont aussi fréquents.
Ces dérèglements sont nombreux et le fait qu’ils ne soient pas visibles peut être extrêmement stigmatisant pour les malades socialement. Cela peut provoquer une grande souffrance chez les patients. »
Les avancées de la recherche sont-elles prometteuses ?
« Oui, très clairement. On ne répare pas ce qui est cassé, mais on peut éviter que la situation ne s’aggrave, et de mieux en mieux. Là où il y a vingt ans nous avions un seul médicament efficace, il en existe une quinzaine aujourd’hui capables de freiner l’évolution de la maladie. C’est un domaine de recherche médicale qui bouge énormément : les traitements deviennent plus efficaces, grâce à des médicaments moins dangereux pour le système immunitaire et plus confortables pour le patient. »
Des traitements de plus en plus efficaces contre la SEP
Les motifs d’espoir sont donc réels pour les malades ?
« La SEP est une fatalité, mais elle n’est plus synonyme de fauteuil roulant. Les traitements fonctionnent et permettent de prévenir la survenue du handicap, à condition bien sûr d’un dépistage précoce.
La SEP était considérée comme première cause de handicap non traumatique chez l’adulte et je pense que ce ne sera bientôt plus le cas. Dans 20 à 30 ans, il ne devrait plus y avoir de personnes atteints de SEP en fauteuil roulant, si l’on continue sur cette voie.
Cette avancée a aussi une influence sur la mortalité, car les patients décédaient prématurément surtout en raison d’une complication de leur handicap : infection urinaire, septicémie… L’espérance de vie moyenne des malades, auparavant moindre de cinq à sept ans, se rapproche ainsi de plus en plus de la normale. Les patients apprennent à vivre et à vieillir avec la maladie. »
Quel est le rôle de la Fondation Edmus, que vous présidez ?
« La Fondation EDMUS est reconnue d’utilité publique. Sa mission est d’agir par la recherche pour comprendre la retentissement de la sclérose en plaques dans la vie des patients et améliorer leur prise en soin. L’objectif est d’améliorer la connaissance de la sclérose en plaques et de ses évolutions. Nous mettons à disposition un dossier médical de spécialité, accessible à tous les services qui s’intéressent à la SEP en France.
La Fondation a développé l’OFSEP –Observatoire Français de la Sclérose en Plaques – pour compiler les données (cliniques, d’imageries et biologiques) de plus de 80 000 patients, offrant ainsi une foule d’informations permettant de mieux comprendre les causes et les conséquences de la maladie, son fonctionnement en poussée, les risques de séquelles et de handicaps …
Cette base de données est mise à disposition gratuitement de la communauté médicale et scientifique pour améliorer les pratiques médicales et accélérer la recherche sur la sclérose en plaques.
La Fondation a-t-elle aussi vocation à soutenir la recherche ?
Effectivement, l’autre rôle fondamental de la Fondation Edmus est de favoriser les avancées de la recherche. Nous finançons trois à quatre projets de recherche chaque année, en partenariat avec la Fondation Arsep.
Depuis 2022, la Fondation a lancé un programme de recherche pluridisciplinaire pour une durée de 5 ans : la Chaire INSPIRE – Inégalités dans la sclérose en plaques : les identifier pour y remédier. L’objectif est de travailler autour de la thématique des inégalités face à la maladie, qu’il s’agisse du genre, de l’accès au soin et au dépistage, etc…
Sa titulaire, Emmanuelle Leray, enseignante chercheur en épidémiologie à l’EHESP de Rennes, et son équipe vont pouvoir se consacrer exclusivement à ce travail de recherche durant cinq ans. »
Plus d’infos sur www.fondation-edmus.org/fr/
À SAVOIR
Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, un unique établissement, une maison d’accueil spécialisée, est dédiée aux malades de la sclérose en plaques. Un second établissement dédiés à la SEP situé en Haute Savoie a vu le jour sous la direction de l’ARS et du Département fin 2019.
Neuf centres de rééducation non-spécialisés peuvent également accueillir les patients atteints de la sclérose en plaques.