On peut avoir une vie sexuelle épanouie à tous les âges ! © Shutterstock
On peut avoir une vie sexuelle épanouie à tous les âges ! © Shutterstock

Alors que les séniors n’ont jamais autant divorcé, le psychiatre et sexologue lyonnais Gérard Ribes nous indique comment faire renaître le désir malgré le poids des années.

Que se passe-t-il au sein d’un couple mis à l’épreuve du temps ?

Notre société prône un modèle dans lequel la rencontre se fait sur un registre passionnel. En réalité, durant les premières années, on est davantage attiré par la projection de soi que la réalité de l’autre. Au bout de 3 ou 4 années, cette dimension narcissique s’estompe et c’est là que l’on peut réellement entrer en relation avec l’autre. Cela n’est donc possible que si l’on accepte de sortir de cette vision passionnelle.

Ensuite, le couple fait face à des crises au fur et à mesure de sa construction. Le mot crise ne doit pas nécessairement être perçu comme négatif : toute évolution est une crise à l’image de l’arrivée d’un enfant qui demande simplement au couple de fonctionner différemment.

Enfin, la dernière épreuve du couple est de demeurer dans la séduction, ce qui n’est clairement jamais acquis.

Est-ce que la relation évolue nécessairement de la passion vers la tendresse ?

On lie souvent la tendresse à la désexualisation, mais ce n’est pas le cas. On peut être dans la passion et éprouver de la tendresse, et affiner de plus en plus sa connaissance de l’autre. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’on parle de relations sexuelles. Au fil du temps, le rapport sexuel devient moins autocentré sur le plaisir personnel.

“L’avantage de vieillir est que l’on apprend à mieux se connaître”

Le couple peut-il justement se renforcer avec le temps ?

La connaissance de l’autre renforce le sentiment de sécurité, à ne pas confondre avec celui d’enfermement. La sécurité prodigue une base à partir de laquelle on va pouvoir explorer de nouvelles dimensions de sa sexualité, sans peur du regard de son partenaire. L’avantage de vieillir est que l’on apprend à mieux se connaître, ce qui est souvent libérateur.

On entend souvent dire que pour bien vieillir ensemble, il faut évoluer de la même façon. Qu’en pensez-vous ?

Je ne dirais pas qu’il faut évoluer de la même façon, car cela signifierait que l’on serait trop identiques. Les couples qui grandissent ensemble sont ceux qui acceptent les différences de l’autre et se construisent avec. Ceux qui évoluent mal veulent à tout prix changer l’autre de manière à le moduler selon leurs désirs. Evoluer ensemble, c’est donc mieux comprendre et accepter en quoi l’autre est différent de soi.

Faut-il malgré tout veiller à ce qu’un fossé ne se crée pas entre les deux partenaires ?

Il est important d’avoir certains goûts en commun et une vision du monde à peu près compatible (comme le fait de savoir si l’on a envie d’avoir des enfants ou pas).  Cette base crée de la sécurité, mais j’insiste, il est essentiel d’accepter aussi que l’autre est différent de soi.  C’est ce que j’appelle le partage émotionnel.

“La retraite peut exacerber les difficultés du couple”

Vous parliez de moments charnières pour le couple. Quel est donc le moment le plus critique pour le couple ?

La crise la plus importante pour un couple correspond à ce que l’on appelle le syndrome du nid vide, c’est-à-dire lorsque les enfants commencent à quitter la maison. Le couple peut avoir créé une certaine complicité dans sa parentalité, mais ne pas avoir entretenu sa dimension conjugale. Plus tard, la retraite peut exacerber les difficultés du couple. Car si certains se sentent libérés, d’autres vivent très mal ce moment. Et je dirais que le pire pour les couples à ce moment, c’est d’être en permanence l’un sur l’autre. Il faut être un minimum séparés pour faire émerger le désir.

C’est pour cela que l’on observe de plus en plus de séparations au sein de la génération des 68’s ?

Effectivement, dans cette génération, le développement personnel a pris une place de premier plan. C’est pourquoi le nombre de divorces explose, et que je me retrouve en consultation avec de plus en plus de jeunes couples de vieux, qui ont d’ailleurs souvent les mêmes problématiques que les jeunes couples de jeunes. De ce que j’observe dans ma pratique, c’est que les jeunes couples de vieux sont en train de créer une nouvelle forme de conjugalité beaucoup plus souple : ils ne vivent pas nécessairement ensemble, et peuvent partir en vacances séparément avec leurs enfants.

“Entretenir la séduction en surprenant l’autre”

Quels seraient vos conseils dans cette période délicate pour le couple ?

De toujours être bienveillant avec l’autre. Il n’y a pas de gentil ou de méchant, mais une souffrance mutuelle. Et puis bien sûr, il faut entretenir la séduction en surprenant l’autre. Et lorsque je dis cela, je ne parle pas nécessairement du registre sexuel. C’est surprendre l’autre dans tous les pans de sa vie. De plus, la sexualité n’est pas que génitale, elle est liée au désir et à la séduction.

Faire résister le couple, c’est aussi traverser les possibles périodes d’infidélité. Tous les couples sont soumis à la tentation, mais ce qui importe, ce sont les choix que l’on fait ?

La plupart des infidélités ne sont pas commises contre l’autre, mais pour soi. Pour vérifier sa capacité à séduire, ou voir comment l’on fonctionne sexuellement avec un autre partenaire. De mon côté, je n’ai jamais été partisan de confier à l’autre son infidélité pour s’en dédouaner. Cela fait souffrir alors que souvent, cela n’en vaut pas la peine. Je remarque que la notion de fidélité varie dans les pratiques des couples homosexuels, et surtout les couples d’hommes qui sont en général beaucoup plus libérés de ce point de vue. Ils peuvent aller consommer du plaisir ailleurs sans qu’il y ait rupture du lien avec leur conjoint.

“La vie de couple est un job à temps plein”

Y a t-il des signes qui doivent alerter un couple pour lui dire qu’il faut redresser la barre ?

Le signe n°1, c’est lorsque le couple n’a plus la capacité de se dire les choses au fur et à mesure. L’accumulation de griefs est dangereuse à la longue. Pour cela, il est important d’exprimer les choses selon son point de vue, sans accuser l’autre. Par exemple dire : « je te perçois comme agressif », et non pas « tu es agressif ».

Est-ce possible de ranimer le désir à tout âge ?

Oui, mais le problème est de le réanimer : il vaudrait mieux l’animer à tout âge ! La vie de couple est un job à temps plein. Ce qui importe, c’est d’être dans la connaissance de l’autre, la complicité. La plupart des couples que je reçois sont en grande souffrance, et ils n’arrivent même plus à se toucher. Mon premier conseil serait donc de réapprendre à s’effleurer, se prendre la main, se faire des baisers. Entretenir le « papotage corporel » va envoyer des messages à l’autre, et cela se concrétisera si affinités.

On peut donc avoir une vie sexuelle épanouie même à des âges avancés ?

Bien sûr ! Mon plus vieux patient avait 92 ans, et il était tombé amoureux d’une femme de 72 ans dans un EPHAD. Il a eu une vie sexuelle jusqu’à la fin de sa vie. Il n’y a pas de date de péremption. Il en va de même avec les femmes. Désormais, les séniors sont beaucoup plus libérés et s’autorisent à désirer et prendre du plaisir.

A SAVOIR

Je, tu, nous… Le couple, le sexe et l’amour est le titre du dernier ouvrage du Dr Ribes (éditions In Press), écrit en collaboration avec le Dr Marie Veluire, gynécologue-obstétricienne et sexologue. Le livre relate les histoires intimes de 8 couples afin de restituer au lecteur les grandes étapes de la vie à deux pour que chacun puisse y tirer ses propres enseignements.

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Journaliste indépendante depuis 2013, Paulina Jonquières d'Oriola s'est longtemps spécialisée dans la rédaction d'articles santé : psycho, sexualité, santé animale... Une fine plume au service de l'info santé !

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