En matière de sexualité que devient notre plaisir lorsque nous vieillissons ? Contrairement aux idées reçues, nous pouvons encore être désirable et désirant à plus de 70 ans. Selon la psychologue et gérontologue Emmanuelle Dessimond, exerçant en EHPAD dans le département de la Loire, la sexualité n’a clairement plus d’âge.
Longtemps tabou et générateur de malaise, la sexualité des séniors sort peu à peu de l’ombre pour s’offrir une seconde jeunesse. Le retrait progressif des activités sociales et professionnelles et le vieillissement du corps s’accompagnent encore trop souvent d’une impression tenace, celle d’un désir qui s’étiolerait au fil des ans. Dommage, pourtant, de ne plus penser à la notion de plaisir, au moment même où l’on se met à retrouver ce temps libre qui nous a si longtemps fait défaut.
La génération des baby-boomers (nés entre 1946 et 1964), qui arrive à l’étape du troisième âge, entend bien bouleverser cette vision poussiéreuse du sexe. Ils proclament une sexualité libérée de toute arrière-pensée reproductive en se concentrant uniquement sur le plaisir. Pourquoi ne laisser s’exprimer que les corps jeunes et fermes dont la beauté est si éphémère ?
Selon Emmanuelle Dessimond, psychologue et gérontologue dans la Loire, une étude a révélé que chaque tranche d’âge avait tendance à faire de la suivante celle qui connaîtra le recul de la sexualité. Chacun, en somme, repousserait l’heure fatidique de cette baisse du désir. D’où l’envie actuelle de pulvériser normes et idées reçues pour mieux suivre ses envies, à la maison comme à la maison de retraite.
La baisse du désir est-elle une fatalité ?
Le sexe est quelque chose qui s’endort. Moins on le fait, moins on a envie de le faire et plus on le fait, plus on en a le désir. Certains ne veulent plus de relations sexuelles car ils se sentent trop faibles, ou estiment qu’ils ont passé l’âge. D’autres encore, n’en ont tout simplement plus l’envie, ou n’en ont plus à cause de l’absence de partenaire.
Si les câlins sous la couette ne sont plus toujours au rendez-vous, il n’est cependant pas question de ne plus regarder les femmes. Pour Hugues, 75 ans, « il ne faut pas confondre sexualité et séduction. Rien n’empêche de déshabiller encore du regard une jolie silhouette, ou d’afficher son plus beau sourire à la boulangère ».
Mais alors, pour les plus intrépides, est-ce toujours aussi bien qu’avant ? Pour beaucoup d’entre eux, c’est « moins souvent, mais toujours aussi bien ».
Le désir et le plaisir dépendent beaucoup de l’image de soi. Quelqu’un qui ne supporte pas de voir son corps changer à cause de l’âge a davantage de mal à vouloir des rapports car il n’a plus confiance en lui. Le désir existe à travers le regard que l’on exprime sur notre corps. Les personnes qui ne parviennent plus à se sentir désirables sont celles qui refusent la modification de leur sexualité : il faut parfois accepter de ne plus pouvoir atteindre la perfection, pour se laisser aller à la sensualité, la douceur et l’érotisme.
Rien n’empêche, donc, d’avoir une sexualité épanouie si l’on ne recherche pas la performance, mais simplement le plaisir mutuel partagé.
Des attentes bien différentes chez les hommes et les femmes
L’âge ne transforme pas les désirés. Alors que madame rêve toujours au prince charmant, monsieur est encore à la recherche d’aventures et de sensations fortes. Les femmes s’intéressent davantage à la globalité de la relation. Elles espèrent trouver chez leur partenaire un complice, une personne à qui elles peuvent se confier. Contrairement à leurs amis masculins, elles ne séparent pas sexualité et amour. Le sexe est souvent le reflet de leur relation : elles souhaitent trouver dans l’autre beaucoup d’écoute et de tendresse.
Les hommes, quant à eux, sont plus sensibles à l’aspect visuel. Ne manquez alors pas d’audace avec votre conjoint ! La lingerie fine n’est pas réservée uniquement aux jeunes demoiselles. La fierté masculine n’a, elle non plus, pas disparu. Le mâle dominant est toujours un grand fantasme : les hommes aiment se sentir valorisés et savoir qu’ils contrôlent la situation. Finalement, les envies restent les mêmes au fil des années ! Ces messieurs pourraient presque parler de sexualité à table avec leurs petits-fils…
Comment remédier à la baisse du désir ?
Qui a dit que l’on n’éprouvait plus de désir après la ménopause ? Cette dernière provoque une baisse de la production d’hormones, mais ne freine pas pour autant la libido. Il arrive, cependant, que les sécheresses vaginales s’accentuent avec l’âge : utilisez alors du gel lubrifiant ou parlez-en à votre médecin. Vous pouvez également faire des exercices de Kegel, afin de renforcer votre périnée.
L’érection n’est certes pas aussi spontanée qu’avant, mais une stimulation locale plus accentuée permet de la faire survenir. Prenez davantage votre temps : les gâteaux de grand-mère ne doivent pas remplacer les préliminaires ! Si toutefois les efforts de votre partenaire n’y font rien, vous pouvez avoir recours à d’autres méthodes, comme le viagra ou l’injection de testostérone.
Enfin, une des grandes clés du sexe est le dialogue. Osez en parler avec votre conjoint, brisez les tabous. Nous avons besoin, en vieillissant, de verbaliser ces changements et de faire confiance à autrui pour apprivoiser ce nouveau corps. Ne restez pas seul, à complexer dans votre coin ! Que vous en ayez encore envie, ou non, il faut le dire. Si vous êtes veuf ou célibataire, ne vous pensez pas condamné à l’abstinence jusqu’à la fin de vos jours. L’amour se trouve aussi sur les sites de rencontre, et même en institution.
Quid de la sexualité en maison de retraite ?
Si les études soignantes ont une attitude positive à l’égard de la sexualité des personnes âgées de plus de 80 ans, ce sujet reste néanmoins difficile à aborder avec les patients. Certaines barrières affectent la sexualité en institution, comme les pathologies mentales et physiques, mais encore le comportement du personnel. Hommes et femmes âgés doivent être considérés comme nous-mêmes : des êtres sociaux, capables de rencontre avec des besoins individuels que nous ne pouvons pas nier.
La mentalité des professionnels de santé tend alors à évoluer, pour accepter la sexualité en institution. La gérontologue Emmanuelle Dessimond explique que le respect de l’intimité est fondamental : « certaines réactions du personnel, comme un rebut face à un résident se masturbant, peuvent entraîner une inhibition sexuelle ».
Pour répondre aux besoins des seniors, plusieurs évolutions sont encore possibles : améliorer les connaissances des équipes, inclure dans le plan de soin la possibilité d’une sexualité chez les patients, ou aussi encourager les rencontres. Rares sont les chambres ayant un lit à deux places ! Si les jeunes profitent depuis quelques années d’une politique préventive autour de la sexualité, les aînés aimeraient également bénéficier de conseils adaptés à leurs désirs.
À SAVOIR
Platon, philosophe grec de l’Antiquité, estimait que sexualité et procréation étaient liées. Il était alors risqué d’avoir des relations sexuelles après l’âge de 40 ans pour les femmes, et 55 ans pour les hommes. Heureusement, Aristote, son élève, avait des idées plus osées : il préconisait au contraire la pratique du coït après l’âge de la procréation.