A Lyon, la start-up Kallistem a annoncé avoir mis au point une technique permettant de créer des spermatozoïdes in vitro pour vaincre l’infertilité. Une commercialisation à grande échelle est-elle pour bientôt ? Pour qui ? Premiers éléments de réponse avec les chercheurs lyonnais.
Cela faisait deux décennies que Philippe Durand et Marie-Hélène Perrard, co-fondateurs de Kallistem, travaillaient de concert dans leur laboratoire. En juin 2015, la start-up créée trois ans plus tôt, franchit une étape importante en publiant le brevet de son procédé « Artistem ». Actuellement, la technique est soumise à la validation par les pairs, et espère une publication dans une revue scientifique.
L’infertilité monte en puissance
Il faut savoir que 15% des couples français consultent aujourd’hui au moins une fois dans leur vie car ils n’arrivent pas à procréer. « Le nombre de pathologies testiculaires est en constante augmentation », atteste Philippe Durand. Si chaque personne répond différemment à l’exposition aux perturbateurs endocriniens, le Pr Hervé Lejeune, endocrinologiste, Professeur de Médecine de la Reproduction à l’Université de Lyon et membre du comité scientifique de Kallistem, nous explique que « les recherches tendent à montrer que les perturbations dans le développement des testicules pourraient se jouer in utero, c’est à dire dans le ventre de la maman qui serait exposée à des agents toxiques ».
« Il ne s’agit pas de spermatozoïdes artificiels »
Fruit d’une collaboration pluri-disciplinaire, cette trouvaille pourrait bien révolutionner le monde de la médecine. N’ayez crainte, il n’est pas question ici de mécaniser la reproduction humaine ! Philippe Durand est formel : « Il ne s’agit pas de spermatozoïdes artificiels. Via une biopsie testiculaire, on utilise des cellules, les spermatogonies, et on les fait se différencier. Elles suivent le chemin auquel elles sont normalement destinées pour devenir des spermatozoïdes ». Pour en arriver là, il y a d’abord eu des échecs, de nombreux tests avec le rat, le singe, puis l’humain. « Il a fallu comprendre avant de soigner », poursuit-il.
C’est notamment grâce à leur collaboration avec Laurent David, professeur de l’université Claude Bernard Lyon 1, que les chercheurs ont réussi à trouver les conditions idéales pour permettre la spermatogenèse complète. Ce dernier a notamment contribué à la création d’un bio-réacteur à base de chitosane, une substance présente dans la paroi des champignons ou pouvant être fabriquée à base de chitine, une composante de la carapace de crustacés.
Azoospermie et cancers de l’enfant
Si de nombreuses causes d’infertilité ont trouvé une réponse dans le développement de la technique de l’ICSI (injection d’un seul spermatozoïde dans l’ovocyte), pour certains cas d’azoospermie, c’est à dire d’absence de production de spermatozoïdes, aucune solution n’existait jusque lors. Kallistem offre donc une alternative prometteuse.
L’autre grande perspective d’application concernerait les enfants devant subir un traitement toxique et nocif pour leur fertilité, dans le cadre d’une chimiothérapie. Contrairement aux adultes, il est impossible de congeler leurs spermatozoïdes, puisqu’ils n’en ont pas encore. « Avec la technique mise au point par Kallistem, on a bon espoir de pouvoir utiliser les tissus testiculaires qui contiennent les cellules de réserve qui n’avanceront dans la spermatogenèse qu’à la puberté. Dans le système in vitro, on va essayer d’obtenir des spermatozoïdes pour ces enfants. Ensuite, il s’agira de congeler les spermatozoïdes, de manière à faire une Fécondation in Vitro avec micro-injection (ICSI) », nous explique le Pr Hervé Lejeune.
A quand une utilisation à grande échelle ?
La création de spermatozoïdes in vitro suscite une grande attente auprès de nombreux patients. Cependant, « on est encore loin d’une utilisation à grande échelle. Il faut déjà mener l’expérience sur les animaux. Voir si les petits ratons ont un comportement normal, s’ils peuvent se reproduire. Tout cela coûte cher, et il n’y aura certainement pas d’essais cliniques sur l’homme avant 5 ans », concède Philippe Durand.
De son côté, la présidente de Kallistem, Isabelle Cuoc, affirme que la start-up aura besoin de lever environ 2 millions d’euros pour se développer, et espérer une commercialisation « durable et à un prix raisonnable », le tout, dans les règles imposées par l’éthique.
A savoir
Lorsque l’on souffre de problèmes d’infertilité, il est conseillé de se méfier de la chaleur, car elle dégrade la qualité des spermatozoïdes. Aussi, la position assise n’aiderait pas à la thermorégulation. Aux Etats-Unis, et l’information est sérieuse, un caleçon nommé “snowballs” rafraîchit même les testicules !