
Dans une sociĂ©tĂ© de plus en plus touchĂ©e par la sĂ©dentaritĂ©, la pratique dâune activitĂ© physique est essentielle pour le bien-ĂȘtre et le dĂ©veloppement dâun enfant. Mais se doute-t-on des dĂ©gĂąts que peut occasionner un sport mal pratiquĂ©, comme ce serait le cas pour la plupart des enfants et des adolescents ? EffarĂ© par la recrudescence de pathologies du sport comme la maladie de Sever, le Dr Roger Parot, chirurgien pĂ©diatrique spĂ©cialisĂ© en orthopĂ©die Ă la Clinique du Val dâOuest Ă Lyon, alerte sur les dangers insoupçonnĂ©s du sport chez les plus jeunes et ses consĂ©quences Ă long terme pour la santĂ©.
Des maladies du sport “plus graves, plus prĂ©coces et plus frĂ©quentes”
En quoi le sport est-il un danger méconnu pour nos enfants ?
Les maladies du sport sont en nette augmentation dans notre pays. En quantité, mais également en gravité, avec des pathologies qui laissent parfois de lourdes séquelles et touchent des enfants de plus en plus jeunes. Ces maladies sont plus précoces, plus graves et plus fréquentes.
à quoi explique-t-on cette hausse de maladies du sport ?
Tout simplement parce que les enfants ne font pas du sport correctement. Lâenfant est un sportif naturel, qui bouge sans cesse, mais la part du sport dans nos vies est culturellement devenue trĂšs importante. Les enfants, du coup, multiplient les activitĂ©s sportives, entre cours dâEPS, sport Ă lâheure du dĂ©jeuner, clubs sportifs sur les temps de loisirs, sports en famille le week-end⊠Le problĂšme est donc quâils pratiquent trop, et mal.
Ce discours n’est-il pas contradictoire avec les politiques de prĂ©vention plaidant pour plus dâactivitĂ© physique chez des jeunes, menacĂ©s par la sĂ©dentaritĂ© et ses rĂ©percussions sur la santĂ© ?
On dit depuis longtemps que le sport, câest bon pour la santĂ©. Admettons, mais encore faut-il savoir moduler la pratique sportive. Le corps a besoin dâĂȘtre rĂ©glĂ©, et câest ce rĂ©glage qui fait dĂ©faut. Les certificats dâaptitudes physiques nâexistent plus et on se pose rarement la question de savoir, du mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste aux parents en passant par les entraĂźneurs ou les professeurs dâĂ©ducation physique, si lâenfant est rĂ©ellement en capacitĂ© de faire du sport. Et si le sport quâil pratique nâest pas justement en train de lâabĂźmer.
La maladie de Sever en premiĂšre ligne
Les effets sur le corps sont-ils si désastreux ?
Lâenfant bouge sans cesse, naturellement. Il soumet dĂ©jĂ quotidiennement son corps Ă des hypercontraintes, auxquelles on vient ajouter des hypercontraintes sportives de plus en plus nombreuses. Et câest la somme permanente de ces hypercontraintes qui va nuire Ă la capacitĂ© dâabsorption du corps et engendrer des maladies du sport.
Quelles sont les maladies du sport induites par une pratique inadaptée ?
La premiĂšre est la maladie de Sever, avec des enfants qui se mettent Ă ressentir des douleurs au talon. Celles-ci dĂ©butent en faisant du sport, puis sâinstallent dans leur quotidien. On voit aussi se multiplier la maladie dâOsgood-Schlatter, qui voit une bosse se former sur le haut du tibia et devenir de plus en plus douloureuse au niveau du genou. On prĂ©tend que ce sont des maladies de croissance, que les terrains de sport ou les chaussures sont responsables. Mais câest souvent faux ! Les chaussures nâont jamais Ă©tĂ© aussi performantes ! Ce sont les excuses dâun systĂšme qui nâa pas envie de modifier ses pratiques.
Quels risques prend-on à ne pas opérer ces changements ?
Une mauvaise pratique du sport durant lâenfance aura des consĂ©quences sur toute la vie. Un enfant raide deviendra un adolescent raide qui lui-mĂȘme deviendra un adulte raide. Souffrir dâostĂ©ochondrite Ă lâadolescence peut ruiner un genou et conduire Ă avoir une prothĂšse de genou trĂšs jeune. Et une fois quâon lâa, câest pour la vie. Avoir une maladie de dos comme la maladie de Scheuermann, par exemple, garantit des douleurs toute la vie, avec toutes les rĂ©percussions que cela peut avoir sur le quotidien et sur la sociĂ©tĂ©.
Des problÚmes aux répercussions pour toute la vie
Quelles sont les consĂ©quences de ces maladies du sport chez lâadulte ?
Le problĂšme, câest que la continuitĂ© de problĂšmes mĂ©caniques durant lâenfance finira par toucher lâadulte⊠Et que lâimpact dâun sport mal pratiquĂ© sâĂ©tendra sur toute une trajectoire de vie. Prenons lâexemple des troubles musculosquelettiques, premiĂšre maladie professionnelle en France. Je suis certain que nombre de ceux qui en souffrent sont dâanciens enfants ââraidesââ. Ces raideurs, durant lâenfance, sâexprimaient par le sport. Ă lâĂąge adulte, elles se retrouvent rĂ©vĂ©lĂ©es par le travailâŠÂ
Quelles solutions faudrait-il mettre en place ?
Je ne dis pas quâil faut arrĂȘter lâactivitĂ© physique, surtout chez les enfants. Je dis quâil faut arrĂȘter de mal faire du sport. Le recours aux conseils personnalisĂ©s dâun coach sportif serait idĂ©al. Mais du fait de son coĂ»t, cette solution engendrerait forcĂ©ment de nouvelles inĂ©galitĂ©s sociales. Il faudrait donc que tous les professionnels de lâĂ©ducation physique et sportive adoptent une vision nouvelle. Que lâon aille, comme dâautres pays lâont fait, vers une nouvelle organisation, avec lâĂ©cole le matin et les activitĂ©s physiques et sportives lâaprĂšs-midi, dans des conditions bien cadrĂ©es. Mais pour cela, il faudrait dĂ©jĂ un investissement de toute la chaĂźne mĂ©dico-sportive et parvenir Ă sensibiliser les pouvoirs publics.
Ceux-ci ne sont-ils pas réceptifs à votre message ?
Jâai adressĂ© de nombreux courriers aux ministĂšres de lâĂducation Nationale et de la Jeunesse et des Sports, mais je nâai jamais eu la moindre rĂ©ponse⊠Je fais Ă©galement des interventions dans des collĂšges, jâai publiĂ© des articles sur les maladies du sport, mais jâai vraiment le sentiment de prĂȘcher dans le dĂ©sert.
Ă SAVOIR
Selon le MinistĂšre de la santĂ© et de la PrĂ©vention, la recommandation d’activitĂ© physique pratiquĂ©e au quotidien serait de une heure, “d’intensitĂ© modĂ©rĂ©e Ă Ă©levĂ©e”. Cette recommandation s’accompagne d’un autre conseil : une ou plusieurs activitĂ©s physiques favorisant le renforcement des muscles et des os au moins trois fois par semaine.







